Abîmées, salies par les intempéries, les micro-organismes, les UV, la pollution, les défauts de cheminement des eaux, les façades connaissent aussi des désordres liés à une restauration inadéquate, qui a fait la part belle au ciment.
Souvent constitués de maçonneries hétérogènes hourdées avec des mortiers peu résistants, les bâtiments anciens présentent souvent diverses pathologies qu’il faut identifier par un diagnostic approfondi du support. Pour les traiter et préparer le support avant de restituer leur allure à ces façades, les fabricants ont développé une myriade de produits.
Une fois le support débarrassé des parties non adhérentes, les joints sont dégarnis et brossés. Les pierres et ornements sont réparés avec un mortier adapté, plus tendre, dont la formule peut même être précisément ajustée aux caractéristiques de la partie à restaurer (chez Edipierre, notamment).
L’humidité, source d’inconfort numéro un dans un bâtiment ancien, est à l’origine de taches, efflorescences, gonflements et autres décollements d’enduit.
Le soubassement des maçonneries salpêtrées est traité avec un enduit d’assainissement qui crée un réseau de canaux facilitant le cheminement et l’évaporation de l’eau. Les murs peuvent être asséchés par l’injection à basse pression d’un hydrofuge de masse qui crée une barrière d’étanchéité et bloque la remontée d’eau depuis le sol.
Les murs anciens n’ayant pas de coupure de capillarité, leur capacité à laisser migrer la vapeur d’eau est déterminante. Les enduits à base de chaux*, moins résistants, plus souples, plus capillaires et plus perméables que le support, participent à la durabilité de la restauration.
Selon leur formule, ils réparent, imperméabilisent, protègent et décorent les façades, tout en les laissant respirer. Des gammes dédiées au patrimoine ancien ont été développées (Georges Weber, Patrimoine de Parexlanko, Edipierre, Tradical Monuments historiques, etc.).
Si les recettes pré-dosées en liants, adjuvants et sables garantissent des propriétés physiques et des couleurs constantes, leur mise en œuvre facilitée ne convainc pas toujours les professionnels. Certains préfèrent connaître précisément les proportions des composants et concoctent leurs recettes eux-mêmes.
La préparation d’un enduit demande un réel savoir-faire : le maçon élabore ses enduits après étude du liant, de la couleur, de la dureté, des tailles de granulats de l’ancien mortier.
Il tient également compte de la résistance des chaux (mesuré à 28 jours de séchage, le durcissement par carbonatation évolue encore dans les mois suivants). Le dosage en liant des couches de mortier est déterminant (un gobetis sous-dosé entraîne un risque de décollement ; un corps d’enduit ou un enduit de finition surdosée induit des fissurations, …).
Le professionnel sait aussi évaluer le besoin de fixer un grillage en renfort du sous-enduit et « lire » la surface, de façon à appliquer la bonne épaisseur de revêtement (un excès d’enduit entraîne un harpage ou un double encadrement). En accomplissant les bons gestes, le plus souvent à la truelle et parfois mécaniquement, il respecte l’architecture initiale.
*La chaux, aux caractéristiques très proches de celles de la pierre est le liant compatible avec les maçonneries traditionnelles, dont elle respecte l’équilibre hygrométrique. La chaux aérienne (issue de calcaires purs) durcit au contact de l’air, tandis que la chaux hydraulique naturelle (issue de calcaires argileux à 10-15%) prend en présence d’humidité.
Un ravalement nécessaire
Selon le Code de la construction et de l’habitation, les façades des immeubles ne doivent pas présenter de risque pour la sécurité des occupants ou des passants. Propres et solides, elles doivent protéger contre les remontées capillaires et les ruissellements d’eau.
Dans certaines communes, des travaux de réfection de façade doivent être réalisés au moins tous les 10 ans par arrêté préfectoral (et depuis le 1er janvier 2017, ils doivent être accompagnés de travaux d’isolation des murs extérieurs).Plus généralement, un ravalement est préconisé tous les 20 ans maximum. |
Le NF P 15-201/DTU 26.1
Le NF P 15-201/DTU 26.1 “Travaux d’enduits de mortier” rassemble les règles de l’art et donne les protocoles de préparation et d’exécution des enduits épais en mortier à base de ciment, chaux hydrauliques, chaux aérienne et mélange plâtre et chaux aérienne.
La règle de dégressivité des dosages en liants selon les couches est spécifiée. Le chapitre 12 précise les proportions de sable et liant (25 à 29 % de liant pour un gobetis, 14 à 25 % pour un corps d’enduit et 14 à 21 % pour un enduit de finition) |
Solution 1 : Le mortier traditionnel en 3 couches
Réalisé dans les règles de l’art, le mortier traditionnel en 3 couches garantit la compatibilité entre l’enduit et la maçonnerie.
©Weber
Très durable, il permet aussi de redresser des supports très irréguliers. Il est cependant long à mettre en œuvre et se fait le plus souvent manuellement (application mécanique permise mais peu pratiquée).
Sur support mouillé la veille et humecté le jour même, la couche d’accrochage, un gobetis de 3-5 mm, sèche en 48 heures minimum. Pour renforcer la rigidité du support et assurer l'adhérence des revêtements, un lattis en acier galvanisé nervuré (Nergalto NG1 de Métal Déployé) est préconisée.
Le corps d’enduit (15-20 mm, en deux passes ou plus), qui assure planéité et protection du support contre la pluie, est appliqué sur le gobetis humidifié la veille (peut se faire frais sur frais). Dressé à la règle et serré à la taloche, il durcit en 7 jours minimum. La pose d’une trame de fibre de verre limite l’extension des microfissures. L’enduit de parement (une ou plusieurs passes) est dressé à la règle crantée. Son épaisseur est généralement de 5-7 mm pour une finition talochée (plutôt lissée depuis la fin 19eme) et de 8 mm pour une finition grattée.
Pour parfaire l’esthétique et conserver l’aspect originel, on applique le plus souvent une patine (ou lait de chaux), sur l’enduit de finition frais (ou directement sur la pierre), qui unifiera l’aspect de la façade. Ou un badigeon de chaux, en 2 couches à la brosse (a secco ou a fresco) qui protègera l’enduit une vingtaine d’années.
Sur façades de pierres apparentes, celles-ci restent visibles en transparence avec ces finitions. |
Solution 2: Un enduit unique
Il est possible de projeter mécaniquement un seul type d’enduit pour un chantier simplifié et rapide.
Chantier réalisé à 100 % avec le mortier d'antan P – Edipierre
Des enduits spécifiques*, compatibles avec la plupart des supports anciens (moellons, briques, pierres, maçonneries enduites à la chaux) sont employés en projection mécanique (mortier d’Antan P d’Edipierre ; Parexal de Parexlanko).
Le même produit sert pour le gobetis (5-8 mm), le corps d’enduit (maxi 20 mm) et le parement, appliqué en 2 passes avec une finition à la taloche éponge ou à clous). Simplifiant et accélérant le chantier, ces enduits ne sont cependant pas plébiscités par les pros du bâti ancien.
*Les enduits monocouches et les mortiers industriels de classe CS IV ne sont pas adaptés à la réfection des façades anciennes car leur trop faible dosage en chaux perturbe la migration de la vapeur d’eau.
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Solution 3 : Appliquer un enduit hygrothermique à base végétale
Cette technique apporte un complément d’isolation par l’extérieur tout en préservant l’identité architecturale et patrimoniale des façades restaurées.
Les mortiers chargés d’un agrégat végétal (enduit hygrothermique BCB Tradical à base de chanvre ; enduit Diasen à base de liège) permettent de redresser des murs très irréguliers en enduisant sur des épaisseurs allant jusqu’à 8 cm.
Leur taux de chaux aérienne élevé assure leur adhérence. Ils exploitent le peu d’épaisseur disponible en façade pour améliorer le confort des usagers, en facilitant les échanges hygriques au travers de la paroi, en améliorant sa performance thermique et en limitant les ponts thermiques au niveau des jonctions plancher-façade. Ils atténuent aussi les bruits ambiants.
Projetés manuellement ou mécaniquement, ces mortiers servent de gobetis et de corps d’enduit (temps de séchage d’une semaine par cm minimum). Ils reçoivent une finition enduit chaux-sable pour les protéger et assurer l’esthétique de la façade. |
Les façades en plâtre ou plâtre et chaux
Très courantes du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle à Paris*, elles sont traitées de façon spécifique**.
Ces constructions sont à pan de bois recouvertes de plâtre, ou en pierre ou brique hourdée au plâtre. La diversité des techniques employées, les matériaux de réfection utilisés, les liaisons zinc-plâtre au niveau des bandeaux et corniches, …, de nombreux points sont à prendre en compte.
Le plâtre, plus difficile à travailler que la chaux, est appliqué manuellement, en une ou plusieurs passes de 2 cm au plus. En-deçà de 40 % de façade détériorés, les plâtres endommagés sont piochés et repris à l’identique, avec une finition décorative ou un revêtement. Lorsque la reprise est totale, des mortiers adaptés à base de chaux aérienne, plâtre gros, sables calcaires et siliceux et pigments naturels éventuels sont utilisés (recette imposée par le DTU).
* et dans les villes des régions dotées de ressources en gypse ou qui étaient livrées en gypse par voie fluviale.
** car incompatibles avec un enduit hydraulique, sous peine de gonflement puis décollement de l’enduit. Voir « Façades plâtre et chaux » du NF DTU 26-1 et annexe consacrée au plâtre du NF DTU 59-1 « Travaux de peinture des bâtiments ». |
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson