L’hydrogène vert est en effet l’homme à tout faire de la transition énergétique vers une économie décarbonée en Europe. En effet, l’un des avantages de l’hydrogène est son caractère inépuisable. C’est le principal composant de l’univers, représentant 75% de sa masse et 92% de ses atomes.
L’hydrogène sert à tout ou presque. Il peut être directement utilisé comme carburant dans les véhicules, remplacer la traction diesel dans les trains, participer à l’équilibrage du réseau électrique, se substituer au gaz naturel en utilisant l’infrastructure de réseau existante, assurer le chauffage des locaux et la production d’une partie de leurs besoins en électricité grâce aux piles à combustibles, devenir l’énergie principale de la production de chaleur haute température dans l’industrie, …
Avec l’aide des collectivités territoriales – Région, département, commune et de l’intercommunalité – Lhyfe a construit deux bâtiments à Port de Bec. : à droite une usine de production d’hydrogène vert, à gauche un centre de recherche qui va mettre au point les briques technologiques nécessaires pour les projets suivants de Lhyfe, notamment la production d’hydrogène vert directement en mer sur des plateformes existantes. ©PP
Avant de créer Lhyfe en 2017, Matthieu Guesné était responsable du centre de recherche du CEA à Nantes. Il a une vision pour Lhyfe : mettre au point les technologies nécessaires pour produire de l’hydrogène vert, local, à partir de ressources renouvelables, à un prix compétitif, partout dans le monde. ©PP
La moitié de l’équipe initiale de Lhyfe vient du CEA et, plus précisément, du laboratoire que Matthieu Guesné dirigeait. En janvier 2020, Lhyfe comptait 15 collaborateurs, contre 60 aujourd’hui et 80 de plus prévus d’ici fin 2022. 20 personnes vont travailler sur le site de Bouin. Contrairement à ce que cette image pourrait faire croire, Lhyfe emploie également des femmes et de plus en plus. ©PP
Tout ça à une condition : l’hydrogène doit être vert, c’est-à-dire produit de manière renouvelable et non-polluante. Justement, à Port de Bec en Vendée, sur le territoire de la commune de Bouin, Lhyfe https://fr.lhyfe.com/, une start-up industrielle, utilise directement l’électricité produite par un parc d’éoliennes tout proche pour produire de l’hydrogène vert par électrolyse de l’eau de mer.
Cette nouvelle installation est alimentée par le parc éolien de Bouin, géré par EDF Energies nouvelles et par Vendée Energies. Ce parc est le plus ancien de France et comporte 8 éoliennes de 62 m de hauteur à l’axe du rotor, pour une puissance totale de 19,5 MW et une production annuelle de 40 millions de kWh.
Lhyfe, fortement soutenue par les collectivités territoriales, par Bpifrance et virtuellement par toutes les banques régionales, a tiré un câble de 20 kV de quelques centaines de mètres entre son site et le parc d’éoliennes de Bouin. ©PP
Toutes les collectivités territoriales autour de Bouin, ainsi que le Sydev, le syndicat de distribution d’électricité en Vendée, ont contribué au projet. Comme l’explique Christelle Morençais, deuxième en partant de la gauche, la Présidente de la Région des Pays de la Loire, le cas de Lhyfe est exceptionnel. Le projet lui a été présenté en 2019, la pose de la première pierre a eu lieu en septembre 2020, en septembre 2021, l’usine, prête à produire, est inaugurée. Selon elle, voir aboutir un projet de cette ambition en si peu de temps, cela se rencontre beaucoup trop rarement dans la vie d’une Présidente de Région. La Région des Pays de la Loire a d’ailleurs décidé de devenir la première région de l’hydrogène en France. La région a débloqué pour cela un budget de 100 M€. ©PP
Voici le principe de l’installation de Port de Bec : une usine puise de l’eau en mer, en l’occurrence dans la nappe phréatique salée peu profonde. Grâce à de l’électricité d’origine renouvelable, l’eau est dessalée, purifiée, puis une électrolyse de l’eau produit de l’hydrogène H2 et de l’Oxygène. Pour l’instant, l’oxygène produite à Port de Bec n’est pas valorisé. Dans le futur, lorsque de telles installations se trouveront entièrement en mer, Lhyfe envisage de réinjecter l’hydrogène dans la mer pour la revitaliser et augmenter ses capacités d’absorption de CO2. Une fois l’hydrogène fabriqué, il est directement stocké dans des bouteilles de 350 kg sous une pression de 350 bars et livré aux utilisateurs. ©Lhyfe
Le principal challenge technique résolu par les équipes de Lhyfe est le caractère intermittent du fonctionnement des éoliennes, donc de la fourniture d’électricité, ainsi que leurs fluctuations de puissance qui peuvent être rapides. L’enjeu consistait à piloter un électrolyseur pour qu’il s’accommode de ces variations de puissance et conserve un rendement important quel que soit son taux de charge.
Le matériel utilisé a été conçu par Lhyfe et est fabriqué en Europe. Le logiciel de pilotage en fonction de la puissance délivrée – ou délivrable avec une prévision fiable de quelques heures - par les éoliennes et des besoins des clients a été entièrement conçu par Lhyfe. L’entreprise a investi 10 M€ dans cette installation, la moitié en recherche développement pour mettre au point et optimiser le process et la moitié en hardware.
Cette installation, la première au monde directement connectée à des éoliennes, produira dès maintenant 300 kg de H2 par jour, presque parfaitement pur (99,999%), puis 1 t/jour d’ici 18 mois. Fabriquer 300 kg de H2 consomme 1 MWh d’électricité produit par 3 des 8 éoliennes du parc éolien de Bouin et 300 m3 d’eau de mer. Selon les conditions de vent et la puissance livrée à l’électrolyseur, il faut 55 à 60 kWh d’électricité pour produire 1 kg de H2. ©Lhyfe
Pour fixer les idées, le réservoir d’une voiture Toyota Mirai Executive – un coupé 4 portes à partir de 74 900 € tout de même – contient 5 kg de H2. Ce qui assure une autonomie de 700 km. Une benne à ordure municipale ou un autobus urbain à l’hydrogène consomme 20 kg de H2 par jour. Tandis qu’un camion de transport à longue distance monte à 40 kg/jour. ©PP
Lhyfe, sur son premier site de production, va utiliser un forage dans la nappe d’eau salée à faible profondeur. La composition de cette nappe est stable dans le temps et très proche de celle de l’eau de mer. Un puisage directement dans la mer à Port de Bec imposait des contraintes spécifiques : variation de la composition de l’eau selon les marées, problème d’algues et de coquillages risquant de colmater le puisage, etc.
L’eau puisée subit tout d’abord plusieurs passes dans un dispositif d’osmose inverse pour être dessalée. Puis elle est déminéralisée, toujours par osmose inverse, avant d’arriver à l’électrolyseur. Lhyfe a expérimenté trois technologies d’électrolyseurs : PEM (Proton Exchange Membrane), Alcalin et Alcalin pressurisé. Le site de Port de Bec est équipé d’un électrolyseur Alcalin, la technologie la mieux adaptée à l’usage prévu, selon Antoine Hamon, le directeur des opérations du site.
Cet électrolyseur, composé de cellules, est conçu pour que sa taille et sa puissance puissent être facilement augmentées. Ils disent « scalable », c’est une start-up tout de même.
L’hydrogène produit est comprimé à une pression de 350 bars et directement stocké dans des bouteilles de 35 kg qui serviront également à son transport et à l’approvisionnement des sites clients. Lhyfe a, en quelque sorte, réinventé la bouteille consignée : la bouteille pleine est livrée chez le client et le camion de livraison repart avec la bouteille vide. Une fois remplies, les bouteilles sont directement stockées dans les remorques utilisées pour la livraison. Lhyfe prévoit une rotation chez ses clients tous les deux à trois jours. ©PP
Lhyfe livre de l’hydrogène sous une pression de 350 bars. La station-service recomprime l’hydrogène à 900 bars. Dans un réservoir de voiture, l’hydrogène est stocké à 700 bars.
Aujourd’hui, l’hydrogène gris est produit dans les raffineries et livré à la pompe pour une vente à des prix de 10 €/kg en Allemagne à 12-15 €/kg en France. Au démarrage de son activité, Lhyfe livrera son H2 à 12 €/kg. Ce qui, pour une voiture à pile à combustible, se traduit par un plein à 60 € pour 5 kg et une autonomie de 700 km. Contrairement à la recharge des batteries d’un véhicule électrique, un plein d’hydrogène ne prend que quelques minutes. L’ambition de Lhyfe est de parvenir à un prix de vente de 9 €/kg d’ici deux à trois ans.
La crédibilité de cette évolution du prix à la baisse est l’une des raisons du soutien de l’Ademe et des clients de Lhyfe. L’hydrogène de Lhyfe va alimenter 4 stations-service de l’Ouest dont celle de La Roche-sur-Yon, en opération dans les prochains jours. Une cinquantaine de véhicules lourds, bus, bennes à ordures ménagères pourront rouler à l’hydrogène renouvelable dans les départements de la Loire-Atlantique, de la Sarthe, de la Vendée d’abord, puis dans d’autres départements français.
Côté R&D, l’éolien offshore va bénéficier d’une accélération, avec la mise en place du premier démonstrateur de production d’hydrogène en mer sur le site d’essai en mer « SEM-REV », au large du Croisic dès 2022 et le développement de nouveaux projets. ©Lhyfe
La crédibilité du projet, la construction de cette première usine a aussi permis à Lhyfe d’oragniser une seconde levée de fonds de 50 M€, auprès de SWEN Capital Partners, de la Banque des Territoires et de ses partenaires historiques : Noria, Ovive (Groupe Les Saules), Ouest Croissance, Océan Participations et la SEM Vendée
Energie. Lhyfe renforcera, à hauteur de 30 M€, ses équipes de déploiement et de R&D, en France et à l’international. L’entreprise dispose déjà d’équipes en France, en Allemagne, en Belgique, au Danemark et au Portugal. Elles seront rejointes dans les semaines qui viennent par de nouvelles équipes en Suède, aux Pays-Bas, en Espagne et en Italie.
Grâce à cette levée de fonds, 20 M€ serviront à renforcer les projets déjà lancés. Avec la Banque des Territoires qui, au passage, prévoit de financer tous les sites de production développés par Lhyfe en France dont les sites du projet VHyGO (Vallée Hydrogène Grand Ouest), qui vise à développer l’accès à l’hydrogène renouvelable dans le Grand Ouest : Lorient, Brest, Dieppe, ainsi que la montée en puissance du site de Bouin.
Ce projet, à cheval sur 3 régions - Pays de la Loire, Bretagne, Normandie – doit éviter la production de 50 000t de CO2 d’ici à 2024, déboucher sur une production de 5 t d’hydrogène renouvelable /jour, mettre en place un réseau de 20 stations-service, utilisées par 500 véhicules (lourds principalement) dans 25 villes.