En prélude à la semaine de la chaleur renouvelable qui aura lieu en présentiel au Grand Rex à Paris, les 7 et 8 décembre, voici une série d’article sur les solutions et les marchés de la chaleur renouvelable. Ce premier article porte sur la biomasse en réseaux de chaleur, à travers l’exemple du réseau de Compiègne.
Créé en 1966, le réseau de chaleur de Compiègne s’étend sur 19 km (38 km de canalisations, en comptant l’aller et le retour) et comporte 66 points de livraison auxquels il livre 65 MWh de chaleur chaque année. Le réseau alimente 9000 équivalent-logements, dont du logement social, des copropriétés et des bâtiments tertiaires.
Le réseau de chaleur de Compiègne est exploité par Engie Solutions, dans le cadre d’une délégation de service public conclue en 1992, dont la durée totale a été portée à 41 ans en 2019 en vue de la création d’une chaufferie biomasse.
En effet, jusqu’en 2019, le mix énergétique du réseau de chaleur était entièrement constitué de combustibles fossiles, avec 60% de gaz, 37% de cogénération gaz et 3% de fioul. La chaufferie urbaine de Compiègne comportait deux chaudières à gaz, une chaudière au fioul et une turbine de cogénération pour produire les 65 GWH annuels nécessaires.
Le contrat d’obligation d’achat de l’électricité produit par la cogénération s’est terminé en 2019 et les conditions économiques de vente, post-obligation d’achat, de l’électricité produit par le cogénérateur ne permettait de maintenir celui-ci en fonctionnement. Il a été arrêté et mis sous cocon, dans l’espoir de le remettre un jour en fonctionnement si de meilleurs prix de vente de l’électricité se présentent durablement.
La ville, représentée par son Maire, Philippe Marini (à droite) et Engie Solutions, représenté par Yann Madigou, Directeur Grands Territoires Engie Solutions, ont saisi l’opportunité de l’arrêt de la cogénération gaz et décidé de la construction d’une nouvelle chaufferie biomasse de 14 MW. ©PP
En octobre 2019, la Ville de Compiègne et Engie Solutions se sont engagés à verdir le réseau de chauffage urbain grâce à la construction d’une chaufferie biomasse permettant d’intégrer plus de 65 % d’énergies renouvelables au mix énergétique de la production de chaleur.
L’investissement de 11,2 M€ est soutenu par l’Ademe, par l’intermédiaire du Fonds Chaleur, à hauteur de 4,8 M€. La Région des Hauts de France a, pour sa part, participé au financement des études. Engie Solutions supporte le solde de l’investissement dans le cadre de son contrat de délégation de service public. Weiss France fournit une chaudière biomasse de 14 MW.
Le combustible, acheminé par 6 à 8 camions de 90 m3 cinq jours par semaine, proviendra à 80% d’une distance maximale de 100 km autour de Compiègne – c’est l’un des conditions de l’aide du Fond Chaleur - et sera composée de broyat de palettes et de déchets de scierie.
Chaque camion de 90 m3, qui livrera la biomasse utilisée par la chaufferie, sera pesé à l’entrée, pesé à la sortie. En marche arrière, le camion versera son chargement dans la trémie. Un premier examen visuel par le personnel de la chaufferie repèrera les morceaux hors gabarit qui ne pourraient pas être transportés vers la chaudière : bûches, planches, … Il faut 20 minutes pour dépoter un camion de 90 m3. Au fond de la trémie, un tapis acheminera la biomasse vers le crible. ©PP
Cette machine crible les chargements de biomasse et en extrait à la fois les morceaux trop volumineux et les parties métalliques. Les morceaux de métal peuvent en effet déchirer les tapis de chargement et s’accumuler en amas dans le foyer de la chaudière. ©PP
Après passage dans le crible, la biomasse est stockée dans le silo, installée à la place de l’ancienne cuve à fioul, d’un Ø de 16 m et d’une capacité de 2000 m3. Le silo contient 4 jours de consommation à pleine puissance : il est conçu pour passer les longs week-ends. La chaufferie étant située en zone inondable, le silo est monté sur pilotis jusqu’à une hauteur dépassant celle de la crue centenaire. Ses équipements électriques et ceux de la chaufferie seront installés hors d’atteinte des crues. ©PP
L’actuel réseau de chaleur de Compiègne est constitué pour 2/3 de sa longueur d’une en eau surchauffée sous 14-15 bars de pression - avec un départ toujours supérieur à 110°C, pouvant atteindre 140°C par les jours les plus froids – et pour 1/3 de sa longueur d’une partie en eau chaude sous 5 à 7 bars de pression, dont la température de départ est au maximum de 105°C.
Le retour du réseau s’effectue à 80-90°C. La partie eau chaude était jusqu’à présent alimentée par un échangeur eau surchauffée/eau chaude dans l’ancienne chaufferie urbaine. Elle sera désormais alimentée en priorité par la nouvelle chaudière biomasse. Si la totalité de la puissance de cette chaudière biomasse, qui peut moduler sur 25 à 30% de sa puissance, n’est pas utilisée pour les besoins du réseau « eau chaude », le solde servira à réchauffer le retour du circuit « eau surchauffée ».
Après mise en service de la chaudière biomasse, celle-ci produira au moins 65% de la chaleur nécessaire au réseau urbain chaque année. Ce qui permet au réseau de dépasser la barre des 50% d’ENR et de basculer vers une TVA à 5,5%, à la fois sur la fourniture d’énergie et sur l’abonnement.
Lors de l’inauguration de la chaufferie, Philippe Marini, le Maire de Compiègne, a d’ailleurs bien insisté sur le fait qu’il s’attendait à une réduction de la facture des usagers du réseau de chaleur, notamment une réduction de la facture des bâtiments municipaux raccordés.
Si l’on se fie à la récente étude sur les réseaux de chaleur et de froid publiée par le SNCU (Syndicat National du Chauffage et de la Climatisation Urbaine), l’abonnement représente en moyenne 60% du total de la facture d’un abonné, la partie énergie représentant 40% de la facture.
Ici, 65% de l’énergie sera de la biomasse, dont les prix sont très stables dans le temps. Seuls 35% du coût de l’énergie – du gaz naturel – seront susceptibles de fluctuer avec les prix mondiaux de l’énergie. Ce qui signifie en l’occurrence que seulement 14% du montant de la facture des abonnés du réseau de chaleur de Compiègne seront soumis aux variations des prix mondiaux du gaz naturel.
Le bois déchiqueté est acheminé du silo vers la chaudière par des tapis convoyeurs. ©PP
Weiss France a fourni la chaudière biomasse de 14 MW. ©PP
La chaufferie est équipée d’une série de filtres de manière à garantir un contenu de poussière dans les produits de combustion inférieur à 30 mg/Nm3. ©PP
Pour maximiser le rendement, la chaufferie est équipée d’un dispositif qui récupère la chaleur des produits de combustion et l’utilise pour préchauffer l’air comburant. ©PP
La chaufferie consommera environ 150 t de biomasse par semaine et produira 7 tonnes de cendres par jour qui arriveront dans une benne sous ce convoyeur et seront recyclés principalement en épandage agricole. ©PP
Au niveau national, les ressources en biomasse et bois énergie de notre pays sont très importantes et, pour l'instant, sous-utilisées. Durant la période 2006-2020, la disponibilité moyenne annuelle en bois énergie s'élèvait à 15,8 millions de tep/an de BIBE (Bois Industrie et Bois Energie), soit 71 millions de m3/an, dont 10,3 tep exploitables (46,1 millions de m3/an) dans les conditions économiques actuelles et compte tenu des contraintes techniques de récolte.
Il faut ajouter à cela 3,3 millions de tep/an de menus bois (14,9 millions de m3/an), dont 1,6 exploitables (7,2 millions de m3/an). Soit un total de 19,1 millions de tep/an ou Mtep/an.
Compte-tenu du niveau de la consommation actuelle de bois énergie, il reste un solde non-encore utilisé de 2,7 Mtep en BIBE et de 1,6 Mtep en menus bois. Soit un total non-exploité de 4,3 Mtep.