Tout a commencé avec la Loi NOME (Nouvelle Organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010. Elle a mis la France en conformité avec les directives européennes sur la libéralisation du marché de l’énergie.
La Loi NOME a notamment créé les Tarifs Réglementés de Vente de l’Electricité (TRVE) auxquels ont accès les clients particuliers et certains clients professionnels.
La Loi NOME a en même temps organisé la disparition progressive de ces TRVE. Par exemple, ils ont disparu le 31 décembre 2016 pour les 450 000 clients professionnels qui souscrivaient une puissance supérieure à 36 kVA. Ces 450 000 clients professionnels ont basculé vers une « offre de marché », proposée par la vingtaine d’entreprises qui distribuent de l’électricité en France.
Par la suite, les TRVE ont également été supprimés depuis le 1er janvier 2021, pour les professionnels, collectivités ou associations employant 10 personnes ou plus ou bien ayant un chiffre d’affaires, des recettes ou un bilan supérieur à 2 millions d’euros par an.
En vertu de la Loi NOME, devenu l’article L.337-4 du code de l’énergie, la CRE propose au gouvernement le niveau des TRVE, en procédant selon la méthode de l’empilement des coûts d’EDF.
La Loi NOME a également créé l’Arenh (Accès régulé au nucléaire historique), un mécanisme par lequel EDF a obligation de vendre chaque année une quantité d’énergie à un prix fixé par la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Jusqu’au début janvier 2021, l’Arenh imposait à EDF de vendre 100 TWh par an au prix de 42 € HT/MWh.
En 2021, les TRVE ont augmenté de de 2,1% TTC (1,6 % le 1er février et 0,48 % le 1er août), soit une hausse inférieure à l’inflation constatée.
Conformément à sa mission de proposition du niveau des TRVE, le 18 janvier, la CRE a proposé, pour la France métropolitaine, une hausse du niveau moyen des TRVE de :
- + 57,22 €/MWh HT soit + 44,5 % HT pour les tarifs bleus applicables aux consommateurs résidentiels,
- + 59,22 €/MWh HT soit + 44,7 % HT, pour les tarifs bleus applicables aux consommateurs professionnels éligibles.
Ces hausses étant applicables au 1er février.
La CRE soulignait que cette hausse est la conséquence du contexte de crise exceptionnelle des prix de l’énergie, caractérisé par une augmentation inédite des prix sur les marchés de gros de l’électricité, notamment en raison de :
- la reprise économique en Europe et dans le monde qui induit une forte hausse des prix du gaz en Europe, amplifiée par le faible niveau des livraisons de gaz russe ;
- l’augmentation du prix des quotas de CO2 en Europe ;
- la forte baisse de la disponibilité du parc de production nucléaire en France. En date du 5 janvier, 19 réacteurs nucléaires sont en effet à l’arrêt. ©PP
Dans le détail, la proposition de la CRE résulte :
- de l’augmentation du coût de l’approvisionnement en énergie et en garanties de capacité hors effet de l’écrêtement de l’ARENH (+ 7,7 % HT, dont + 8,3 % HT en énergie et - 0,6 % HT au titre de la capacité) ;
- de l’augmentation du coût du complément d’approvisionnement en énergie et en capacité consécutif à l’écrêtement de l’ARENH (+ 41,6 % HT, dont + 41,8 % HT en énergie et - 0,2 % HT en capacité) ;
- de l’évolution des coûts de commercialisation (- 0,4 % HT) ;
- de la fin du rattrapage de l’écart entre coûts et tarifs au titre des exercices 2019 et 2020, ainsi que d’un léger rattrapage à la baisse au titre de 2021 (- 2,7 % HT) ;
- du maintien du niveau de marge inchangé par rapport au niveau en vigueur.
Mais, nous sommes déjà en campagne électorale. L’épisode des gilets jaunes, lancé par une hausse des taxes sur le gasoil, est encore très frais dans les mémoires. Le Gouvernement a donc décidé de limiter très fortement la hausse des TRVE.
Sans illusion, la CRE indique dans sa délibération du 18 janvier : « Comme annoncé par le gouvernement, les hausses seront limitées à 4 % après un refus de la proposition tarifaire de la CRE ».
Comment est financée la limitation de la hausse ? Tout d’abord, la Loi de Finances 2022 loi de finances pour 2022 a prévu deux mesures, dites « bouclier tarifaire », pour limiter l’impact de la crise des prix sur la facture d’électricité des consommateurs.
La première mesure permet au gouvernement de réduire le niveau de la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité), dès lors que l’évolution des TRVE pour les clients résidentiels, telle que proposée par la CRE, est supérieure à 4 % TTC par rapport à ceux du 1er août 2021. Cette réduction concerne l’ensemble des consommateurs, et non seulement ceux qui bénéficient des TRVE.
Compte tenu de l’évolution HT des TRVE bleus résidentiels, le taux de TICFE sera abaissé, à partir du 1er février 2022, à sa valeur minimale réglementaire de 1 €/MWh pour les résidentiels et petits professionnels.
La deuxième mesure permet au gouvernement de s’opposer à la proposition tarifaire de la CRE si celle-ci conduit à une hausse supérieure à 4 % TTC après baisse de la TICFE, et de fixer par arrêté un niveau des TRVE inférieur afin de répondre à l'objectif de stabilité des prix.
Mais, tout de même, note la CRE, « l’écart entre les coûts sous-jacents et le niveau des TRVE fixé en 2022 sera rattrapé en 12 mois à partir de 2023 (ce rattrapage pourra être limité eu égard à l’évolution des prix sur les marchés et à l’impact d’éventuelles mesures gouvernementales) ».
Cette seconde mesure s’accompagne du versement d’un acompte, dont le montant sera fixé par la CRE, aux fournisseurs de moins d’un million de clients qu’ils devront rembourser lors de l’exercice 2023 concomitamment à la prise en compte du rattrapage dans les TRVE.
La baisse annoncée de la TICFE à 1 €/MWh ramènerait les hausses TTC des TRVE résultant de la présente délibération à : 20,0 % TTC pour les tarifs bleus résidentiels et à 20,9 % TTC pour les tarifs bleus applicables aux consommateurs professionnels éligibles. Cette décision coûtera environ 8 Md€ à l’Etat, en perte de recettes.
C’est bien, mais ça ne suffit pas. Le gouvernement a annoncé qu’EDF devra, pour l’année 2022, distribuer 20 TWh d’ARENH supplémentaires sur le marché français. Cette décision réduira l’ampleur du rattrapage à réaliser sur les TRVE en 2023, mais coûtera à EDF entre 7,7 et 8,4 Md€.
Dans les ZNI, en Corse, par exemple, pour les clients dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et raccordés en basse tension, les barèmes des tarifs réglementés bleus résidentiels et non résidentiels de la métropole continentale s’appliquent.
A la suite de la décision du gouvernement, la limitation à 4% TTC sera étendue à l’ensemble des ZNI.
Le gouvernement a également annoncé que les clients dans les ZNI souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA ou raccordés en haute tension verront eux aussi, comme les autres clients aux TRVE, la hausse de leur tarif limitée à 4% TTC en moyenne.
Alors que la CRE proposait + 62,8 % HT pour les tarifs jaunes, qui s’appliquent exclusivement en Corse et pour les tarifs « bleus + », applicables dans toutes les ZNI à l’exception de la Corse (consommateurs raccordés en BT dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA). Ainsi que + 82,4 % HT pour les tarifs verts (consommateurs raccordés en haute tension HTA).
Enfin, en ce qui concerne les collectivités territoriales, Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des comptes publics, a écarté le 18 janvier tout mécanisme de compensation financière, face à la hausse des prix des carburants, du gaz et de l’électricité qu’elles subissent de plein fouet, car la plupart d’entre-elles n’ont plus accès aux TRVE depuis 2016, à l’exception de celles qui ont un budget de moins de 2 M€/an et moins de 10 agents.
Mais bon, les élections approchent et tout peut changer rapidement.
Source : batirama.com / Pascal Poggi