Commençons par une rapide description de la structure du marché de l’électricité en France. L’Acte unique européen signé en 1986 a inscrit le secteur de l’énergie dans le modèle économique d’un marché intérieur soumis au jeu d’une libre concurrence.
La loi Nome, autrement dit la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité, a organisé cette transition. Puis, la loi énergie-climat du 8 novembre 2019, qui transpose la législation européenne du paquet « Energie propre » et entérine certains arrêts du Conseil d’Etat, a mis fin au 1er décembre 2020 aux Tarifs régulés de vente de gaz (TRVG) pour tous les clients professionnels, puis au 1er janvier 2021 aux tarifs réglementés dans l’électricité (TRVE) pour les entreprises de plus de 10 salariés ou qui ont un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros, et prévu l’extinction des TRVG pour les particuliers d’ici le 30 juin 2023.
La suppression des TRVE pour les clients domestiques, sujet particulièrement explosif, est inéluctable, mais n’a fait l’objet d’aucune annonce.
Dans la structure du marché de l’énergie, les législateurs Européen et Français considèrent que la gestion des réseaux de transports et de distribution relève d’un monopole naturel. En revanche, ils estiment que la production et la vente de l’énergie sont des activités concurrentielles. La France, comme 16 autres membres de l’Union Européenne, a choisi de conserver un TRVE, autrement un Tarif régulé de vente d’électricité.
Le TRVE hors taxes est construit en additionnant les coûts suivants :
- prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) ;
- du coût du complément d’approvisionnement au coût de marché
- de la garantie de capacité ;
- des coûts d’acheminement de l’électricité, autrement dit TURPE ;
- des coûts commerciaux, qui comprennent le coût des certificats d’économie d’énergie (CEE) ;
- de la rémunération normale des fournisseurs, c’est-à-dire de leur marge.
Comme l’indique la CRE, la facture d’un consommateur résidentiel a trois composantes :
* La Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) permet de financer les droits spécifiques relatifs à l’assurance vieillesse des personnels relevant du régime des industries électriques et gazières.
* La Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) est perçue pour le compte des Douanes et intégrée, en tant que recette au budget de l’Etat. Elle s’élèvait à 22,5€/MWh depuis le 1er janvier 2016. Elle a été fusionnée avec la CSPE (Contribution au service public de l’électricité) et au 1er janvier 2022 elle a absorbé la Taxe départementale sur la consommation finale d’électricité (TDCFE) et est passée à 25,8291 €/MWh pour les sites d’entreprises ayant une puissance souscrite inférieure à 36 KVA. Pour les sites ayant une puissance souscrite entre 36 et 250 kVA, elle atteint 23,6097 €/MWh et reste à 25,5 €/MWh pour les sites ayant une puissance souscrite supérieure à 250 kVA.
* Les Taxes sur la consommation finale d’électricité (TCFE) sont définies par chaque commune et chaque département. Ces taxes sont payées par tous les consommateurs d’électricité dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 250 kVA. Depuis le 1er janvier 2016, les TCFE se déclinaient en Taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) et Taxe départementale sur la consommation finale d’électricité (TDCFE). En 2022, la TDCFE a été absorbée par la TICFE. La TCFE contient donc seulement la part communale depuis le 1er janvier 2022. Son montant est nul pour les sites ayant une puissance raccordée supérieure à 250 kVA. Il est fixé à 6,63 €/MWh pour les sites ≤ 36 kVA, à 2,21 €/MWh pour les sites dont la puissance est comprise entre 36 et 250 kVA. La loi de finances 2021 prévoit que la part communale de la TCFE disparaîtra en 2023.
* La TVA est de 5,5% sur la part abonnement de la facture et de 20% sur la part variable liée à la consommation.
Concernant le segment des professionnels, la loi Energie-Climat du 8 novembre 2019 a modifié les catégories de consommateurs non résidentiels éligibles aux TRVE et TRVG. Pour le gaz naturel, les TRVG ont été supprimés depuis le 1er décembre 2020 pour les consommateurs professionnels. Pour l’électricité, les consommateurs professionnels employant 10 personnes ou plus, ou dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan excèdent 2 M€/an, ne sont plus éligibles aux TRVE depuis le 1er janvier 2021. ©PP
En électricité, EDF et les ELD (Entreprises Locales de Distribution), issues de la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz de 1948, ont le droit de distribuer les TRVE. En gaz, Engie et les ELD ont le droit de proposer des TRVG. Les ELD les plus connues sont notamment Electricité et Gaz de Grenoble, Electricité de Strasbourg ou le SMEG à Monaco.
Selon la CRE, le basculement du 1er janvier 2021 a été une double réussite. Les procédures mises en place par Enedis et les autres GRD ont permis d’une part à tous les consommateurs professionnels qui le souhaitaient d’exercer leur droit de choisir leur fournisseur avant le 31 décembre 2020, et d’autre part, de gérer sans encombre le nombre exceptionnellement élevé de changements d’offres au 1er janvier 2021.
Sur le territoire d’Enedis, la suppression partielle des TRVE s’est accompagnée d’un développement important des offres de marché. Sur les 1,2 million de sites effectivement concernés par la suppression de leur contrat aux TRVE, 657 000 ont choisi une offre de marché, dont 47% auprès d’un fournisseur alternatif différent d’EDF.
510 000 sites sont passés automatiquement en offre de bascule « par défaut » chez EDF, faute d’avoir souscrit une offre de marché auprès du fournisseur de leur choix au 1er janvier 2021. Ces sites pouvaient quitter cette offre « par défaut » jusqu’au 31 décembre 2021 et souscrire, sans frais et sans délai, une offre de fourniture de marché adaptée à leurs besoins.
Nous n’avons aucun bilan pour l’instant de ce qui s’est passé au 31 décembre 2021.
En termes de coût pour le consommateur, la concurrence ne peut donc jouer que sur 1/3 du montant total de la facture. Mais les fournisseurs alternatifs proposent toutes sortes de services supplémentaires, depuis la fourniture d'électricité verte d'origine garantie en totalité ou en partie, jusqu'à la facturation unique de plusieurs sites.
Seuls les établissements employant moins de 10 salariés et ayant un chiffre d'affaires, des recettes ou un bilan annuel inférieur ou égal à 2 millions d’euros peuvent revenir au tarif réglementé d’électricité s’ils le souhaitent, après avoir opté pour une offre de marché.
Le Médiateur National de l’Energie a mis au point un comparateur d’offres d’électricité et de gaz naturel à destination des clients professionnels. ©Médiateur National de l’Energie
Lorsque le 31 janvier 2022, on utilise le comparateur d’offres d’électricité mis en ligne par le Médiateur National de l’Energie pour les clients professionnels, en saisissant une adresse dans le 20ème arrondissement de Paris, pour une puissance souscrite de 24 kVA et une consommation moyenne de 17 232 kWh par an en base (pas d’heures creuses), le comparateur propose pour une durée de 12 mois, 50 offres, dont le coût annuel varie de 5 924 €, tout en électricité verte avec Energies du Santerre, à 2 476 € avec Total Direct Energie.
Parmi ces 50 offres, six de 5 188 € à 4 462 €/an, émanant de Wekiwi et d’ekWateur proposent des prix indexés sur le prix Spot de l’électricité verte. Tandis que 16 offres portent sur un prix fixe durant 12 mois, de 5 924 (Energies du Santerre) à 2 423 €/an (Total Direct Energie). 10 offres portent sur un prix fixe pendant deux ans, 24 proposent un prix fixe durant 3 ans, seulement deux offres émanant d’Electricité de Savoie proposent un prix fixe durant 4 ans à 2 685 €/an sans heures creuses et 2 616 €/an avec heures pleines et heures creuses.
Leur prix est figé pendant une durée déterminée par contrat : 1, 2, 3 ou 4 ans. Les fournisseurs s’engagent sur le prix pendant cette durée mais le client peut, s’il le souhaite, changer d’offre ou de fournisseur à tout moment, sans frais. Attention tout de même, dans la plupart des offres à prix fixe, les fournisseurs s’engagent sur le prix de l’énergie (en kWh) uniquement. En revanche, l’abonnement peut évoluer ainsi que l’ensemble des taxes et la part acheminement du prix de l’énergie (le TURPE) qui ne dépendent pas du fournisseur.
L’évolution du prix de ces offres est définie dans le contrat. Par exemple, il existe des offres indexées sur les marchés de gros d’électricité (bourse européenne EPEX). Ces prix évoluent à la hausse ou à la baisse, en fonction de l’offre et de la demande, de la saisonnalité, … Les fluctuations, dans les deux sens, peuvent être brutales et importantes.
En période d’évolution soutenue à la hausse des prix de gros de l’électricité, le risque est important pour les clients professionnels. Surtout dans la mesure où il peut être difficile pour eux de délester des utilisations pour réduire leur consommation.