Un accord contre l’exportation de chênes vers la Chine

Un accord contre l’exportation de chênes vers la Chine

La forêt privée, les experts forestiers et les coopératives s’engagent à proposer systématiquement le recours au Label UE pour les ventes publiques de lots de chêne.




De plus, les scieurs s’engagent à développer fortement la contractualisation dans le domaine des approvisionnements en grumes de chêne.

 

Les chênes, l'or brun des forêts françaises, menacés par le changement climatique et l'appétit des marchés mondiaux.
Photo © Alliance Forêt Bois

 

Le 17 février 2022, après plusieurs années d’effort, la Fédération Nationale du Bois, qui regroupe les scieurs français, est parvenue à faire entrer dans le monde de la forêt privée le Label UE développé en 2016 pour l’Office National des Forêts. C’est le résultat d’une opération démarrée à y a cinq ans. En gros, le Label UE est une mesure qui permet de réserver certains lots de chêne à des acheteurs signataires, qui s’engagent à ne pas exporter ou faire exporter les grumes de chêne hors du Marché unique et en particulier vers l’Asie.

 

Le monde de la forêt privée accepte le principe de proposer le cadre de cet accord, mais en contrepartie, l’accord stipule que la contractualisation est l’arme principale et durable pour limiter les exportations de grumes (de chêne) vers l’Asie, et qu’il s’agit de la développer en priorité. Ainsi, le monde forestier privé et surtout les coopératives ont eu gain de cause et poussent dans leur retranchement une filière de transformation qui s’est jusqu’à présent refusée à contractualiser largement les approvisionnements en grumes de chêne.

 

 

Chêne longiligne sélectionné pour la reconstruction de la flèche de Notre-Dame. La gestion séculaire publique des forêts françaises a porté ses fruits. Photo © EPCCRCNDP

 

 

Contractualiser

 

Phénomène récent en France, la contractualisation a fait de gros progrès ces dernières années, notamment pour les essences résineuses. Cela veut dire que les fournisseurs et les scieurs s’engagent à l’avance sur des volumes et des prix. Contractualiser, c’est retirer de la matière au marché de l’exportation des grumes, mais aussi lisser les approvisionnements et faciliter le développement d’une filière bois intégrée et cohérente.

 

Le problème français est celui de la transparence des prix. En principe, personne ne sait trop ce que le même organisme vendeur propose à ses concurrents et la défiance est de mise. En pratique, cela n’a pas empêché les coopératives de monter à 70% de commercialisation par contrats, toutes essences confondues. Ce pourcentage est par contre encore faible dans le domaine du chêne, et il est inexistant pour les ventes des experts forestiers ou l’ONF. Dans le cas de l’ONF, l’arme de la contractualisation des fournitures en grumes de chêne avait été avancée lors de la première crise des exportations de grumes, il y a environ dix ans, mais la filière avait choisi de ne pas l’adopter. Elle avait finalement opté pour le développement de ce Label UE entré en application pour les ventes d’automne de la rentrée 2016.

 

Maintenant, les objectifs sont chiffrés : pour les grumes de chêne, les coopératives forestières veulent dépasser 50% de contractualisation d’ici fin 2022 et elle avait déjà préconisé cela l’an dernier à un point fort de la crise. Les forêts publiques et communales doivent porter ce taux à 50% et 17% au minimum d’ici à 2025, ce qui est nouveau pour elles comme pour les experts forestiers. Comme les scieurs de la FNB ne contractualisent que 5% des achats de grumes de chêne en 2021, l’objectif est d’aller à 30% au moins d’ici 2025.

 

Quel Label UE ?

 

Les terrasses en chêne sont-elles la tendance chic au pays qui pourtant dicte les tendances mondiales du luxe ? Photo © DR

 

Depuis la mise en place du Label UE pour certains lots à dominante chêne mis en vente publique par l’ONF, les exploitants forestiers regroupés autour d’un syndicat né de la scission de la FNB, le SEFB, bataillent pour l’abolir jusqu’au Conseil d’Etat qui leur a donné gain de cause en juin dernier. Il était question d’attendre que l’ONF et le SEFB développent ensemble une alternative, pour supprimer le Label. Cependant, depuis, les contacts entre l’ONF et SEFB ne se déroulent que par avocats interposés.

 

Malgré la remise en cause répétée et juridique du Label, ce dernier reste d’actualité puisque les six organisations professionnelles de l’amont de la transformation du bois, qui ont signé l’accord, s’engagent à en faire le cadre systématique pour les ventes groupées de lots de chêne dans le privé. Peut-être que l’application du Label à des lots de la forêt privée constitue un cas de figure fondamentalement différent à celui du Label UE appliqué à l’ONF ? Peut-être qu’un remaniement du Label est en cours. En tout cas, l’accord précise que le Label n’est qu’un moyen temporaire et à utiliser dans l’urgence, avant le déploiement de la contractualisation.

 

Quel effet sur la construction ?

 

Extraordinaire réemploi de portes en chêne des années 30 pour la vêture d’une crèche à Paris. Le chêne est un matériau quasiment inusable. Ce qui veut dire qu’il conserve le carbone stocké pour une durée indéterminée. Photo © Bellastock

 

Selon les forestiers privés, le Label UE risque de faire baisser des prix qui se sont envolés l’automne dernier. Cette interprétation est contestée par les scieurs qui allèguent que la mise en place du Label pour les lots de l’ONF n’a pas fait fléchir les prix. Une application stricte et totale du Label UE sans fraudes maintiendrait environ 10% de la récolte de chêne en France pour la première étape de transformation.

 

Et jugulerait le risque d’une évolution à la Belge, avec une progression des exportations de grumes vers l’Asie et une destruction de la transformation domestique. Les Chinois taxent de façon avantageuse les importations de grumes et préfèrent se charger de la transformation eux-mêmes. Mais s’ils sont contraints et forcés, la qualité reconnue du chêne français leur fera sans doute acheter des sciages qui partiront vers l’Asie.

 

De toute façon, les débouchés manquent en France tout autant que les acteurs de la seconde transformation. Les voies ferrées préfèrent les traverses en béton et les traverses imbibées de créosote ne sont pas écologiquement vertueuses. Les Français aiment leur fromage, leur pain et leur vin, mais n’ont toujours pas compris le privilège qu’ils auraient à recourir au parquet de chêne à la place du plastique.

 

Le tranchage pour la fabrication de placage n’existe presque plus. L’un des principaux problèmes de la commercialisation du chêne vient du fait que les qualités nobles trouvent toujours preneur pour le marché des tonneaux, tandis que les segments moins nobles d’une même bille sont plus difficiles à valoriser.

 

Compte-tenu des prix pratiqués pour les belles qualités de bois, l’idée même d’un développement du chêne en construction structurelle semble aberrante. Il n’existe pas de réinterprétation du colombage français, et en fait même pas de recherche ciblée pour développer durablement des solutions constructives qui seraient certes fondamentalement différentes de celles en résineux, mais aussi particulièrement élégantes et durables.

 

Quoi qu’il en soit, l’accord met le doigt sur le problème de la seconde transformation du chêne en France, et comme il devient l’aboutissement tangible des Assises de la forêt et du bois avec sa répartition de 100 millions d’euros en principe destinés à la construction bois, il est probable que des investissements à destination de l’outil de production de la seconde transformation du chêne suivront.

 

En ligne de mire, également, les 500 millions que fait miroiter le plan électoral France 2030. Mais quand ? Pour l’heure, aucune précision n’a été donnée sur ce plan et l’on murmure que le ministre de l’Agriculture signe ici sa sortie pour prendre en charge la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.  



Source : batirama.com / Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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