Administrativement, le recouvrement des cotisations est organisé autour des Urssaf régionales ou CGSS (dans les départements d’outre-mer). Autonomes (ce sont des organismes privés qui gèrent un service public), elles comptent toutes un conseil d’administration de 20 membres. Et, pour piloter ces 22 régions, une Urssaf Caisse Nationale assure une tutelle budgétaire.
Outre le recouvrement, les Urssaf ont également pour mission de vérifier que les entreprises versent bien leurs cotisations (cotisations sociales, contributions, assurance chômage … et bientôt les retraites complémentaires …). Pour cela, les Urssaf disposent d’une armada de quelque 1 550 inspectrices et inspecteurs. Le discours bien rodé est que "les Urssaf sont au service de l’entreprise et de l’emploi", qu’elle est "au côté des cotisants". Mais, dans la réalité, ces agents ont un objectif : faire du chiffre. Chaque année, au printemps, l’Urssaf Caisse Nationale présente les résultats de l’année passée. Et, à chaque fois, cette dernière se réjouit de la bonne moisson. En une décennie, avec deux fois plus de contrôles que le fisc, les Urssaf ont multiplié par 9 le nombre de redressements… Cette année, après une pause liée à la crise sanitaire, les contrôles Urssaf reprennent de plus belle ! Sept vérifications sur dix se terminent par un redressement… Seuls 8% des redressements donnent lieu à un contentieux…
Certes, les contrôles sont nécessaires dans un système déclaratif. Mais, la fin ne justifie pas tous les moyens…
Ainsi, lors des contrôles, le dialogue est réduit à la portion congrue. A titre d’exemple et suite procédure de vérification, l’Urssaf doit envoyer au cotisant un courrier d’observations auquel il a la faculté de répondre. C’est ce que l’on appelle la procédure contradictoire. Or, le cotisant va adresser sa réponse au même inspecteur qui l’a redressé et qui ne changera donc pas d’avis… Le système ne connaît pas en la matière, d’interlocuteur régional, comme en matière fiscale. Qui plus est la commission de recours amiable (qui n’a d’amiable que le nom), première étape du contentieux, relève du scandale. D’ailleurs, le rapport Fouquet de 2008 avait relevé que "la procédure suivie était imparfaite et respectait peu les exigences du contradictoire".
Déjà en 1986, le directeur adjoint de l’Urssaf de Lyon, Gérard Pigalio, avait relevé dans un article que les administrateurs composant ces commissions n’avaient ni ne temps, ni les compétences pour statuer sereinement.
Une deuxième critique vise le rôle des syndicats. En effet, ces organismes sont administrés par les partenaires sociaux. Le problème est que ces représentants syndicaux sont dans un rôle honorifique, le véritable pouvoir étant détenu par le directeur de l’organisme et les salariés !
Une autre critique vise l’utilisation abusive de la procédure relative au travail dissimulé.
Comme aiment à le dire les Urssaf, leur mission est de "contribuer à une concurrence saine et loyale entre les entreprises, et en sécurisant le financement de système de protection sociale". D’ailleurs, la moitié des redressements opérés concerne le travail dissimulé… On serait donc tenté d’approuver les actions de l’Urssaf dans ce domaine.
Mais le problème est plus compliqué qu’il n’y parait au premier abord ! En effet, notre législation a banalisé la notion de travail dissimulé, devenue au gré des années, une notion "attrape tout". Et de même que Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, la plupart des citoyens et des entreprises pratiquent le travail dissimulé sans même s’en rendre compte. Ainsi pour les Urssaf constitue du travail dissimulé le cas de Mamie bistro qui aide bénévolement son conjoint dans son café, le client du bar qui vient rapporter son verre au comptoir, l’entraide entre voisins, la personne qui vient aider son frère sur un marché, l’entraide familiale, le fait de payer des heures supplémentaires en primes exceptionnelles, même si l’Urssaf ne subit aucun préjudice…
Faut-il continuer ? Certes, il convient de lutter contre le travail dissimulé ! Mais pas de cette manière ! Comment peut-on accepter de mettre dans le même sac la multinationale qui fait travailler des salariés sur des chantiers sans les déclarer et le cas de Mamie bistro ? Et gare aux entreprises qui tomberaient dans les filets de l’Urssaf ! Quels que soient les arguments invoqués, les sanctions sont impitoyables.
Comme l’ont indiqué certains auteurs, il s’agit d’"un arsenal d’une violence juridique et économique inouïe", et souvent disproportionnée à l’infraction commise !
Et pourtant il ne faut pas se résigner suite à un redressement. Si dans beaucoup de situations, les motifs de redressement sont difficilement attaquables, en revanche, les méthodes utilisées par les Urssaf lors des contrôles sont souvent plus discutables et peuvent donner lieu à des contentieux. Les arguments ne manquent pas : non-respect du nécessaire débat contradictoire pendant la vérification, emport de documents, demande de documents par mail, non-respect de la durée du contrôle pour les TPE, absence de précisions de la lettre d’observations ou de la mise en demeure… tous faits qui sont susceptibles d’entraîner la nullité du contrôle ou de la mise en demeure.
Et la jurisprudence nous monte que c’est souvent sur ce terrain que des chances de succès existent. Subir un contrôle Urssaf est souvent la pire des situations. Envisager l’action (souvent parce que l’organisme n’a pas respecté le cadre légal de la procédure de contrôle) se doit d’être envisagé par l’entreprise.