Lorsque le groupe Poujoulat, numéro 1 pour la fabrication de conduits de cheminées et de cheminées industrielles, a décidé de se diversifier et d’investir dans la production de bois énergie en 2007, il s’agissait alors d’un sacré pari, en dehors des sentiers battus.
Le PDG de Poujoulat, Frédéric Coirier, lors de l'innauguration de l'usine le 12 mai 2022. Photo © Emilie Wood
"Nous avions la conviction qu’il y avait une obligation de monter en qualité. Mais c’est vrai que quand on a lancé notre première usine, on nous a pris pour des fous", se souvient Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat. Dépenser autant d’argent pour "un produit aussi pauvre" ne semblait pas avoir de sens. Mais la conviction entrepreneuriale était là : pour Poujoulat, investir dans le bois énergie, en faire un produit de qualité, était une nécessité, notamment en raison des besoins de plus en plus qualitatifs des appareils de chauffage et de l’évolution des normes en termes de qualité de l’air, tandis que la filière biocombustible, constituée de nombreux acteurs de petite taille, ne semblait pas prête à évoluer.
Il a fallu plusieurs années de travail et de tests afin de réaliser un produit différent des autres : une bûche sèche, dont le coût est certes plus élevé que la moyenne mais qui a une performance également supérieure : entre 30 et 50% plus efficace qu’une bûche classique.
Outre son efficacité énergétique, la réduction d’émissions de poussières dans l’atmosphère en fait également un produit moins polluant, plus agréable à utiliser.
Ainsi, les biocombustibles issus des usines Euro Energies du groupe Poujoulat répondent aux exigences des appareils de chauffage labellisés Flamme Verte 7 étoiles et Eco-design ainsi qu’aux nouvelles règlementations (décret applicable au 1er septembre 2022 d’information obligatoire auprès du consommateur sur le taux d’humidité, les essences de bois et les conseils d’utilisation et de chauffage ; arrêté applicable au 1er septembre 2023 indiquant que les combustibles solides destinés à l’allumage doivent être non traité et avec un taux d’humidité inférieur à 15% sur masse brute, et que tout combustible sous forme de bûche et vendu sur quantité inférieure à 2m³ apparents doit présenter un taux d’humidité inférieur ou égal à 23%).
Aujourd’hui, le chiffre d’affaires du groupe Poujoulat, de 302 millions d’euros pour l’année 2021-2022, provient pour environ 35% des biocombustibles, avec 500 000 tonnes qui ont été commercialisés cette année sous les deux marques Woodstock et Crépito. On peut dire que le pari a été gagné.
Pascal Boujou, directeur de l'usine Bois Factory 70, a indiqué que l'usine souffre comme toute la filière bois de la hausse des prix : "Le prix du bois a augmenté de 15 % en un an. Mais les choses ont empiré ces 6 derniers mois." Selon lui, les exportations de bois vers la Chine, "même du bois de chauffage", précise-t-il, est à blâmer. "On a parfois du mal à trouver nos volumes," conclut-il. Photo © Emilie Wood
Une fois le produit idéal trouvé, restait à le fabriquer en grande quantité. Via sa filiale Euro Energies, Poujoulat a tout d’abord investi dans une première usine (Bois Factory 36 à Buzançais dans l’Indre mise en service en 2011) avec un investissement de 11 millions d’euros, avant de lancer une deuxième usine (Bois Factory 42 à Noirétable dans la Loire, opérationnelle depuis 2014), qui a coûté 6 millions d’euros.
Mais l’usine Bois Factory 70 située à Demangevelle en Haute-Saône, qui fonctionne depuis septembre 2020, est le bijou du groupe : d’une capacité de production de 150 000 stères de bois bûche, 20 000 m³ de bois d’allumage et 10 000 tonnes de bûches densifiées par an, elle est non seulement la plus importante du groupe, mais aussi la plus grande en Europe. "Probablement au monde", ajoute-t-on lors de la cérémonie d’inauguration le 12 mai 2022, inauguration qui a eu lieu un peu plus tard qu’initialement prévu, les contraintes sanitaires de ces deux dernières années ayant retardé la célébration. L’usine permet au groupe de doubler sa production de bois de chauffage certifié avec un objectif de multiplier la production par deux d’ici trois ans.
Sur les 27 millions d’investissements, une première tranche de 20 millions a été investi entre 2019 et 2020 (génie civil, machines-outils, chaudière biomasse et premier séchoir), et 7 millions ont été engagés en 2021 pour permettre la montée en charge de l’usine. Le site a été soutenu par le fonds chaleur de l’Ademe à hauteur de 1,1 million d’euros, et 800 000 € ont été obtenus via le plan de Relance au titre du Fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires.
Le bois est récolté dans un rayon de 50 mètres de l’usine via l’ONF, des coopératives privées, et des ETF (entreprises de travaux forestiers). Il s’agit à 65% de hêtre, à 15% de charme, et à 10% de frêne et de chêne. Les autres essences notamment les résineux, moins performants en tant que bois énergie, n’y ont pas leur place.
L'écorçage constitue la première étape du process. Photo © Emilie Wood
L’écorçage, en tout début de process de production, est une nouveauté par rapport aux autres usines (où l’écorçage avait lieu après coup). Cela permet d’obtenir des bûches plus propres, une meilleure combustion, moins de cendres. Les écorces sont ensuite utilisées pour faire fonctionner la chaudière de l’usine, et alimenter les séchoirs en eau chaude.
Un peu comme dans une scierie, tout est automatisé. L’automatisation a été améliorée sur BF70 par rapport aux précédentes usines du groupe. Ainsi, ce sont les machines qui calculent la taille des bûches à fendre d’abord horizontalement puis verticalement, qui remplissent les paniers pour le séchage, etc… avec un minimum d’intervention humaine. Photo © Emilie Wood
Autre progrès : la chaudière biomasse d’une puissance de 5,5 mégawatts, auto-alimentée par les déchets produits dans l’usine, et qui permet de faire fonctionner tout le système, notamment les séchoirs et le bâtiment "bûches densifiées". Photo Emilie Wood
L’usine comporte depuis peu une deuxième ligne de séchage progressive et continue, ce qui permet de doubler les capacités de production de l’ensemble de l’usine. Le bois est séché en trois phases de 38 heures chacune – c’est-à-dire environ 5 jours, à une température d’environ 110°C. Avant séchage, le taux d’humidité est d’environ 60%. Après séchage, il est inférieur à 20%.
Les bûches sèches sont ensuite emmenées au bâtiment de stockage de bois en vrac, où 8 cellules de stockage automatique sont à l’œuvre pour mettre ces bûches en sac. Photo © EW
L'atelier de fabrication de bûches densifiées a été mis en route très récemment. Photo © EW
Pendant ce temps, les chutes de bois sont recyclées afin de produire des bûches densifiées. L’atelier permet, via un système de réchauffement mécanique, de fabriquer des buchettes de bois avec la matière issue des chutes sèches produites sur le site.
Le groupe Poujoulat souhaite produire sur tout le territoire. Photo © EW
Le groupe Poujoulat ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. En 2021, il a racheté la société Bois Bûche Centre Atlantique dans l’Indre. Aujourd’hui, le groupe annonce la construction prochaine d’une nouvelle usine dans l’ouest de la France. Le maillage du territoire doit être le plus complet possible pour le groupe qui souhaite devenir incontournable partout en France.
Outre la qualité du produit qui n’est pas encore connu de tous, EuroBois mise également beaucoup sur la qualité du service. En effet, en fonction du lieu d’achat, il est possible de se faire livrer ses bûches chez soi. Le président du Conseil Départemental de Haute Saône Yves Krattinger, lors de l’inauguration, a raconté avec beaucoup d’humour son expérience : "Je me suis chauffé avec tout l’hivers. Eh bien, c’est merveilleux ! Déjà, on n’a rien à foutre. Ils nous livrent dans notre hangar, là où on veut. Merci pour avoir simplifié ma vie."
Des paroles qui ne manqueront surement pas de convaincre les plus sceptiques !
Découvrez notre vidéo avec les différentes étapes du process détaillées. Montage © Maëlle Jaffry