La décarbonation des matériaux, un levier important de la RE2020

La décarbonation des matériaux, un levier important de la RE2020

Lors d'un webinaire le 7 juin organisé par Kompoztite, les entreprises Hirsch Isolation, Soriba et Eiffage étaient représentées afin de discuter de la décarbonation des matériaux et des enjeux de la RE2020.




Image : Les courbes d'émissions carbones prévues par la RE2020 permettent dores et déjà d'anticiper les prochaines réglementations, RE2030 et RE2040. © Kompozite

 

Kompozite, qui est à la fois une matériauthèque et une plateforme d'aide à la conception de bâtiments bas carbone, lauréate du concours de présentation des starts-ups à BimWorldParis en 2022 et du grand prix du jury à la 6ème édition des EnerJMeeting, avait organisé le 7 juin un webinaire sur le thème "Matériaux & RE2020, de la production à la mise en oeuvre". En plus de Damien Cuny, CEO de la start-up, les intervenants incluaient Amaury Omnes, directeur général d'Hirsch Isolation, Valentin Garnier, référent bas carbone pour Soriba et Caroline Moindrot, acheteuse nationale préfa pour Eiffage.

 

 

Différents leviers pour décarboner le secteur

 

 

Tous les intervenants s'accordaient à affirmer que la RE2020 était une excellente nouvelle, poussant ainsi les entreprises à innover dans le sens de la décarbonation et à chercher des solutions concrètes pour plus d'efficacité énergétique. Amaury Omnès, directeur général d'Hirsch Isolation, a néanmoins souligné que le carbone n'était pas le seul facteur à prendre en compte lors du choix d'un matériaux : la technique, le coût, la pose, la recyclabilité ont également une grande importance.

 

Que ce soit pour les isolants (notamment les isolants en polystyrène expansé fabriqués par Hirsch Isolation) ou pour le béton, la décarbonation de la matière première est un levier très efficace afin de réduire l'empreinte carbone des bâtiments, étant donné que cette dernière représente la grande majorité du poids carbone du produit fini.

 

Pour décarboner le polystyrène, produit issu du plastique (donc d'origine fossile) il est possible de chercher une matière première alternative, ou encore de travailler avec des plastiques recyclés indique Amaury Omnès. Hirsch Isolation a mis au point un polystyrène issu de déchets végétaux qui permet à l'isolant de passer de 8 kg de carbone par m² isolé à 2,6 kg de carbone par m² isolé soit un gain de 60%. L'utilisation de polystyrène recyclé ou de plastiques recyclés, donc de ressources qui ont déjà été produites, est une autre manière de réduire l'empreinte carbone.   

 

Valentin Garnier, référent bas carbone pour Soriba - spécialiste d'éléments préfabriqués en béton notamment des escaliers, a indiqué qu'il était possible de diviser l'empreinte carbone des ciments par quatre dès aujourd'hui par rapport aux ciments traditionnels, en se concentrant principalement sur la matière première.

 

"Dans les produits bétons préfabriqués, c'est la partie ciment qui représente 94-95% de l'impact carbone du béton. Nous, on s'est attachés à diminuer l'impact environnemental de ces ciments en modifiant nos recettes", indique Vincent Garnier. Le ciment est carboné en raison d'une part de son process (40% d'énergie utilisé pour la cuisson à 1450°C) et le reste est dû "aux séparations de molécules de carbone dans ce procédé de chauffage. (...)"

 

 

Source : l'Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) et Carbone 4, "les briefs de filière" réalisée avec le Hub des prescripteurs bas Carbone. / Soriba

 

Soriba a choisi un ciment auprès de son fournisseur historique, CEM III A PMES - "il a un niveau carbone d'environ 319-320kg CO2e/t. On a aussi utilisé différents ciments qui sont non-normés et qui font appel à une R&D de la part de nos partenaires comme par exemple le ciment Hoffmann" - avec un niveau carbone divisé par 4 voir par 5 (ciments alternatifs sur le graphique ci-dessus). "On les intègre dans nos formulations béton avec parfois l'utilisation d'Atex - avis techniques expérimentaux", expliquait encore Valentin Garnier.

 

Cependant il ne faut pas oublier les autres leviers de décarbonation : le process, le transport, le cycle de vie complet comptent également. Réduire la consommation énergétique, repenser les process notamment pour l'emballage, utiliser de l'énergie renouvelable, limiter les livraisons dans un secteur proche de ses usines... sont autant de méthodes qui ont été citées par les intervenants. Par exemple Soriba utilise à la fois la géothermie et l'énergie photovoltaïque, énergies renouvelables, pour la production de chaleur et d'électricité de ses usines. 

 

Les deux entreprises Hirsch et Soriba ont également évoqué leur partenariat notamment pour la conception d’un prémur Soriba qui intègre le panneau Graphipan 31 ECA (Empreinte Carbone Améliorée) de Hirsch Isolation, issu de la biomasse, l’ensemble présentant un bilan carbone réduit de 60% par rapport à une solution traditionnelle.  

 

 

La FDES : une référence indispensable

 

A la question "est ce que le carbone devient prescripteur dans les achats aujourd'hui?", Caroline Moindrot, acheteuse nationale préfa pour Eiffage, a répondu par l'affirmative. "Avant étaient essentiellement pris en compte le délai, la qualité et le coût, aujourd'hui on y ajoute le coût carbone, un élément qui va devenir déterminant", a-t-elle indiquée. Une demande des clients finaux, détaillée dans les appels d'offre, mais aussi une volonté de la part de l'entreprise générale Eiffage d'être force de proposition là-dessus. "Par exemple à Eiffage, pour tous les projets en appel d'offre supérieurs à 5 millions d'euros, automatiquement nous allons proposer une variante bas carbone. C'est le cas aussi de tous les projets que nous avons en conception et réalisation (...)" L'acheteuse a également indiqué que les entreprises comme Eiffage comptent sur la recherche et l'innovation des industriels pour trouver des solutions bas carbone en ce qui concerne les matériaux, et que les FDES seront déterminantes afin de prendre des décisions d'achat.  

 

Bien sur les délais, le transport, le coût restent toujours des éléments qui sont considérés par l'entreprise, notamment pour prendre la décision d'achat d'éléments préfabriqués ou de décider de couler sur place. Tous ces éléments ne sont pas toujours faciles à prendre en compte et Eiffage est en phase de développement de logiciels internes d'aide à la décision.

 

Au sujet des FDES, Hirsch Isolation a indiqué que 80% de ses produits sont sous FDES avec pour objectif bientôt 100%. "Mais le soucis de la FDES c'est qu'il faut des spécialistes pour la calculer, d'autres pour la vérifier, et ces personnes-là (deux organismes tiers) ne sont aujourd'hui pas assez nombreuses et surchargées de travail. On a un léger problème d'entonnoir avec tous les industriels qui souhaitent faire certifier leurs produits," indique le directeur de Hirsch Isolation, qui précise qu'à l'heure actuelle les délais sont d'environ 6 mois minimum. "De plus, le budget n'est pas neutre, il s'agit de plusieurs milliers d'euros à chaque fois".

 

Des investissements massifs nécessaires pour les industriels, mais indispensables à la prise de décision. "Un fournisseur qui n'aura pas de FDES demain sera automatiquement mis de côté" a indiqué Caroline Moindrot.

 

Les changements pourront également concerner les modes constructifs choisis. "Je vais volontairement exagérer pour donner un exemple : mais le tout bois, si demain le béton ne fait pas assez d'effort pour se décarboner, pourrait être considéré en remplacement du béton", indique l'acheteuse. "Aussi les petites entreprises pourraient fortement bousculer de plus grands groupes qui pourraient avoir plus de mal à bouger."

 

 




Source : batirama.com / Emilie Wood

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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