Dans un communiqué le 16 mai, l'Unama, syndicat qui représente les entreprises artisanales et métiers d'art de la fabrication de l'ameublement, a souhaité alerter l'opinion publique au sujet de la proposition de loi N. 4955, promue par l'Institut National du Patrimoine, portant sur la création d'un titre protégé de conservateur-restaurateur. Un courrier a été envoyé par l'Unama à Rima Abdul Malak, nouvelle ministre de la Culture le 8 juin, afin de la sensibiliser à cette problématique.
"En portant une demande de restriction d’accès aux appels d’offres publics, cette proposition de loi favorise statutairement les Conservateurs-Restaurateurs à être légalement les seuls en mesure de répondre aux appels d’offre publics. Par la même, elle écarte toutes les entreprises de la restauration du patrimoine de ces appels d’offres en les positionnant en exécutants de 2ème rang", indique le communiqué de l'Unama, précisant que "des milliers d’entreprises artisanales" sont directement concernés, notamment les professionnels du bâtiment spécialisés dans le patrimoine, mais aussi les ébénistes, les tapissiers, les marqueteurs, les encadreurs, les doreurs, les restaurateurs de tableaux, les facteurs d’instruments de musique, les vitraillistes, les peintres sur bois, ou bien encore les relieurs, les selliers...
L'Unama indique également dans son communiqué que cette proposition n'a fait l'objet d'aucune information préalable, ni de concertation avec les entreprises.
La proposition de loi indique que les actions de conservation-restauration (qui comprennent la conservation préventive, la conservation curative et la restauration) seront désormais du seul ressort des conservateurs restaurateurs en titre. Seules les personnes titulaires du master de l'INP (Institut National du Patrimoine) ou de l'Université de Paris-Sorbonne, diplômes délivré par quatre établissements en France, pourront se nommer conservateurs-restaurateurs et donc répondre aux appels d'offre publics.
"Concrètement, ce projet de loi exclu tous les autres acteurs de la filière", indique un groupe d'artisans dans une lettre ouverte publiée par l'Unama. "Cette loi fait peser sur l’ensemble de ces entreprises une menace d’effondrement, voire à terme de disparition, car que vont devenir tous ces travailleurs qui, du jour au lendemain, ne pourront plus répondre aux appels d’offre ?", poursuit la lettre.
Le texte de loi indique dans son article 2 que les professionnels en exercice devront "satisfaire à des conditions de formation ou d’expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné à l’article premier de la présente loi." Ces conditions doivent être déterminées ultérieurement par décret pour obtenir le titre.
Les auteurs de la lettre répliquent : "Si jusqu’à ce jour il était possible de répondre à un appel d’offre en ayant des compétences similaires du fait d’une expérience professionnelle avérée, la nécessité du titre introduit l’obligation pour les professionnels d’avoir le titre pour répondre, ce dernier avalisant seul l’expérience ou les compétences. Par conséquent, l’appréciation des compétences ne serait plus comme jusqu’à présent dévolue aux acteurs publics (DRAC, conservateurs…) mais aux deux organismes certificateurs que sont l’INP et Paris Sorbonne. Tous les rapports qui ont essayé d’améliorer la lisibilité du secteur confirment que la VAE – validation des acquis par l’expérience - n’est pour l’heure pas adaptée aux professionnels en activité et qu’il s’agit d’une procédure quasi excluante, renforcée par le fait d’un acteur à la fois juge et partie." La lettre ajoute qu'il est particulièrement compliqué d'obtenir une VAE auprès de ces deux organismes, une démarche qui est payante (jusqu'à 2 800€ pour la Sorbonne) et dont le taux de réussite est extrêmement bas.
Les auteurs de la missive s'inquiètent du fait que la VAE puisse devenir une condition pour conserver son activité, et non plus une démarche volontaire pour améliorer et qualifier son entreprise.
"Nous, artisans du patrimoine, restaurateurs d’objets et de formations diverses, demandons au législateur de s’abstenir de nous porter un coup fatal par cette loi, de travailler à restaurer les liens entre les instituts publics universitaires plutôt que d’entretenir une défiance vis à vis du monde professionnel, de ne pas dégrader encore plus la situation des artisans qui ont également été durement touchés par la crise du coronavirus et par l’augmentation du coût des matières premières. Nous demandons au contraire aux représentants de la Nation de nous soutenir dans nos démarches de modernisation et d’amélioration en réfléchissant à un plan d’acquisition de compétences complémentaires ambitieux", conclut la lettre.
Dans sa lettre adressé à la ministre de la Culture, l’Unama s'indigne : "L'Unama et les entreprises de l’artisanat spécialisées dans la restauration des biens et objets du patrimoine dénient toute compétence supérieure des "conservateurs-restaurateurs" au titre d’une "déontologie" dont eux seuls seraient les détenteurs. (...) Les connaissances, les savoirs, l’expérience acquise des entreprises de la restauration sont tout aussi importants, décisifs et fondamentaux à la décision de restauration que les connaissances totalement théoriques acquises en 5 années d’études. (...) Nous sommes totalement opposés à la revendication de restriction qui ne se justifie en rien."