Au salon IFA 2022, qui s’est tenu à Berlin du 2 au 6 septembre, tout est connecté, de la machine à laver jusqu’au portier vidéo, en passant par les réfrigérateurs, le thermostat d’ambiance programmable et la commande des volets roulants.
Mais deux types de connexions étaient mis en évidence : la solution cloud to cloud (C2C) ou les solutions locales. Toutes deux ont pour but de faciliter l’interopérabilité entre les produits, tout en s’y prenant de manière très différente.
L’interopérabilité signifie deux choses à la fois. Premièrement, c’est la possibilité de faire communiquer et travailler ensemble des produits de marques différentes : un thermostat connecté Netatmo et un détecteur de présence Somfy, par exemple. Ce n’est déjà pas si simple.
La seconde signification de l’interopérabilité c’est la possibilité, dans une installation domotique en logement ou de GTB en tertiaire, de remplacer un produit de marque X par un produit similaire d’une marque Y. Remplacer, par exemple, un interrupteur connecté Legrand par un interrupteur connecté Schneider Electric. C’est un peu plus dur encore.
A IFA 2022, Schneider Electric exposait son tableau connecté, compris dans l'offre Wiser. Il communique, pour l'instant en ZigBee 3.0 vers les appareils en aval et en WiFi avec la box internet du logement et l'application Wiser. ©PP
Grande nouveauté, les PowerTags - les Torr qui mesurent départ par départ la consommation d'électricité - sont désormais connectés en Zigbee GreenPower. C'est la version de Zigbee capable de récolte d'énergie. Pour le début de l'année 2023, Schneider Electric annonce un PowerTag associé à un logiciel embarqué dans un petit automate au tableau. Un seul de ces PowerTags installé en tête au tableau permettra d'analyser les consommations d'électricité et de répartir avec exactitude 70 à 80% de ces consommations par usage (éclairage, ventilation, etc.) après plusieurs semaines d'apprentissage de l'installation. ©PP
L’une des solutions pour parvenir à cette interopérabilité consiste pour les différents appareils de différentes marques à parler le même langage et à échanger les informations de la même manière. Au salon IFA, le support d’information le plus avancé était Thread, un protocole de communication sans fil à structure maillée et qui ne comporte pas de couche d’application.
Thread se concentre sur les trois couches des protocoles de communication qui gèrent la sécurité, la communication en toile d’araignée et la correspondance entre IPv6 et IPv4. IPv6, où IP signifie Internet Protocol, est une couche 3 dans le modèle standardisé des protocoles de communication.
Il a succédé à IPv4 qui permettait de créer un peu plus de 4 milliards d’adresses différentes. Ce qui est trop peu pour les besoins du développement accéléré de l’internet des objets. IPv6 permet de créer 3,4 x 1038 adresses différentes. Ce qui, rapporté à la surface de la terre, permet théoriquement d’installer 667 millions de milliards d’appareils connectés par mm², chacun avec son adresse propre.
Dans un bâtiment, un réseau Thread peut comporter plusieurs centaines d’objets raccordés. C’est trop en logement, même dans la perspective de la multiplication des objets connectés. En revanche, c’est intéressant en tertiaire.
La couche de sécurité de Thread est exceptionnellement robuste. Ce qui réduit fortement la possibilité d’intercepter et de décoder les messages Thread échangés dans un réseau. Thread affiche des besoins très réduits en énergie. Ce qui permet de l’utiliser sans problème pour des objets de petite taille, à usage intermittent.
Enfin, Thread est compatible avec tous les appareils utilisant un protocole conforme à la norme IEEE 802.15.4 (WiFi, ZigBee, Z-Wave, etc.), au prix d’une simple mise à jour de leur software. A IFA, ABB, Bosch, Netatmo, Schneider Electric, EVE, … ont annoncé des produits utilisant le protocole de communication radio Thread.
Voici le premier appareil Netatmo communiquant sur Thread et en Matter. C'est un multicapteur de sécurité. Le reste de la gamme Netatmo, dont les têtes de robinets de chauffage connectées, communique toujours en ZigBee 3.0. ©PP
Mais Thread, c’est comme un livre aux pages blanches : un support de communication capable de recevoir un texte écrit en n’importe quelle langue. Une association regroupant des dizaines d’industriels du monde entier – la Connectivity Standards Alliance - est justement en train de développer une langue universelle : le protocole Matter.
Matter est le complément idéal de Thread : Thread transporte l’information, Matter codifie l’information. Lorsqu’on regarde la liste 220 membres de la CSA qui développe la couche d’application Matter et celle des membres du Thread Group qui développe le protocole Thread, les similarités sont frappantes.
Apple, Amazon, Google, Legrand, Atlantic, Orange, Deutsche Telekom, Schneider Electric, Somfy, Siemens, SmartThings (Samsung), Assa Abloy, … sont membres des deux. Aldès, Voltalis, Wago ou Yokis sont membres de la CSA. Belimo, Hager, Velux, Viessmann, Watts et Zumtobel sont membres du Thread Group.
A IFA 2022, Schneider Electric indiquait que tous ses nouveaux produits connectés parleront couramment Matter. De plus, un grand évènement aura lieu en novembre à Amsterdam pour le lancement de la première version de Matter. Schneider Electric compte bien y faire des annonces importantes. Certaines indiscrétions font état de produits Schneider Electric Wiser communiquant en Matter sur un réseau Zigbee Pro, par exemple. ©PP
Netatmo présentait à IFA son premier produit Matter : un capteur de sécurité intelligent qui communique par Thread et utilise la couche applicative Matter. Yale, une marque du groupe Assa Abloy, faisant état d’une roadmap vers Thread et Matter avec de premiers produits dès le début 2023.
L’intérêt d’une solutions Thread + Matter est qu’elle demeure purement locale, pas besoin d’une connexion internet pour qu’elle fonctionne. A IFA, on voyait en revanche encore de nombreuses solutions Cloud to Cloud, qui requièrent tout un voyage des données par internet.
Nous vous avons déjà présenté la nouvelle Home Connectivity Alliance (HCA) qui rassemble des géants mondiaux de l’électroménager et de la télévision et permet la communication entre leurs équipements connectés grâce à une solution C2C.
A IFA 2022, plusieurs des membres de HCA, dont Arçelik, Electrolux, GE Appliances, Haier, LG Electronics, Samsung, Trane et Vestel ont organisé une démonstration de leur interopérabilité. Pour faire court, chaque participant à la HCA a ouvert ses API (Interfaces de programmation) aux autres participants. Du coup, en prenant l’application du fabricant de climatiseur Trane, par exemple, il est possible de piloter également la machine à laver Vestel, le téléviseur Samsung et le four LG. ©PP
L’intérêt de piloter les appareils ménagers – four, machine à laver, réfrigérateur, … - par une app ne s’est pas encore largement imposé. Mais, si c’est ce que le consommateur veut faire, la HCA lui permet d’utiliser une seule app au lieu d’une par appareil et par marque. Pour l’instant, la HCA regroupe surtout des marques asiatiques, mais elle ne désespère pas de s’élargir aux marques d’électroménager européennes.
Toute connectivité C2C implique tout de même un parcours très consommateur d’énergie. Si vous utilisez l’application Samsung pour piloter une machine à laver Vestel : l’app Samsung se met en contact avec la box internet du logement par WiFi. La box internet envoie la requête à un Datacenter Samsung qui se met en rapport avec le Datacenter Vestel. Celui-ci renvoie l’ordre à la box internet du logement qui la transmet à la machine à laver Vestel en WiFi.
Tout ça fonctionne parfaitement, mais est-ce raisonnable ? D’autres exemples de connexions C2C étaient en évidence à IFA 2022. Yale, une marque du groupe Assa Abloy qui, en France, possède également les marques Fichet et PortaFeu, a ainsi rendu sa serrure Linus compatible avec l’univers Tahoma de Somfy, grâce à une connexion C2C.