Mardi 27 septembre, le Filmm – syndicat national des Fabricants d’Isolants en Laines Minérales Manufacturées – a réuni une table ronde pour expliquer à la fois à la presse, aux parlementaires et aux Pouvoirs Publics que "ça-ne-peut-plus-durer", "qu’il-faut-vite-faire-quelque-chose".
Le Filmm pointe à la fois la ré-orientation des barèmes de MaPrimeRénov’ et le début de la cinquième période des CEE (Certificats d’Economies d’Energie) comme les deux causes principales de ses malheurs.
MaPrimeRénov mise beaucoup – beaucoup trop selon le Filmm – sur les pompes à chaleur. Le syndicat en veut pour preuve le fait qu’au cours du 1er trimestre 2022, 70% des dossiers MaPrimeRénov’ portent sur le changement de générateur de chauffage, essentiellement en faveur des pac, et seulement 21% sur l’isolation. Au cours du 1er trimestre 2021, le changement de générateur de chauffage représentait environ 44,5% et les gestes isolation thermique atteignaient 34%.
Ce biais en faveur des pac vient des nouveaux barèmes MaPrimeRénov’ entrés en vigueur début 2022. Côté CEE, explique le Filmm, ce n’est guère mieux. En effet, lors du passage de la IVème à la Vème période des CEE début janvier 2022, la surproduction de CEE précarité – ceux issus de travaux d’économie d’énergie réalisés dans les logements de ménages « très précaires » ou « précaires » - atteignait 750 TWhcumac en fin de IVème période.
Ce stock n’a pas été pris en compte lors de la fixation des objectifs de la Vème période 2022-2025 fixés à 2 500 TWhcumac. Les obligés qui, pas fous non-plus, n’ont pas apporté ce surplus au guichet des Pouvoirs Publics, commencent donc la Vème période avec, souligne le Filmm, un stock de CEE correspondant à plus de 25% de leurs obligations pour la totalité de la période.
Résultat, prévisible, les obligés ne se sont pas précipités pour financer des travaux depuis le 1er janvier 2022 et le cours des CEE a baissé de 30% depuis le début de l’année. Ce qui, du coup, a augmenté le reste à charge, puisque les travaux chez les particuliers sont couverts par l’addition de MaPrimeRénov’ et un nombre forfaitaire de CEE pour chaque acte. Le cours des CEE ayant sévèrement chuté, le reste à charge augmente mécaniquement, ainsi que la difficulté de le financer pour les ménages modestes.
Du coup, estime le Filmm, l’activité des entreprises spécialisées dans l’isolation thermique à travers le mécanisme conjoint des CEE et de MaPrimeRénov aurait baissé de 75% en isolation des combles et des planchers au cours des trois derniers mois – juin, juillet, août 2022 – par rapport à la même période de 2021.
Le Filmm s’attend à une baisse d’activité similaire en isolation des murs ; puisque le nombre forfaitaire de CEE qui est attribué à ces gestes a été divisé par deux depuis le 1er mai : le nombre de CEE baisse, le cours des CEE baisse, la contribution des CEE à la couverture financière des travaux d’isolation thermique s’effondre.
Le Filmm rassemble Eurocoustic, Isover, Knauf Insulation, Rockwool et Ursa. Ses membres commercialisent plus de 80% de la laine minérale vendue en France, possèdent huit sites de production en France, ce qui représente 3800 emplois directs. ©PP
Les participants à la table ronde réunie par le Filmm mardi 27 septembre sont largement tombés d’accord sur le diagnostic. La député Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure d’un rapport sur la rénovation thermique des bâtiments, a notamment mis en avant, avec force hochements de tête approbateurs alentour, la nécessité de ne pas changer les dispositifs d’aide publiques tout le temps.
Jean-François Longeot, sénateur du Doubs, a pour sa part souligné la nécessité de privilégier l’isolation thermique et d’aider tout le monde en modulant l’aide en fonction des ressources des ménages. Sans s’appesantir, ce qui était bien dommage, il a évoqué l’idée d’aider les bâtiments, plutôt que leurs propriétaires.
Danyel Dubreuil, coordinateur de l’Initiative Rénovons, a souligné la disproportion des aides en faveur des pompes à chaleur et de l’intérêt de les rééquilibrer vers la rénovation globale, en procédant par petits pas : en partant de 2100 rénovations globales en 2021, seulement, viser 25 000 rénovations globales en 2024, fois dix tout de même.
Tous trois étaient d’accord pour développer l’accompagnement des ménages, par exemple à travers l’extension du mécanisme de l’Accompagnateur Rénov’, qui, au passage deviendra peu à peu obligatoire à partir du 1er janvier 2023. Ils partageant aussi l’idée que les artisans et les entreprises doivent être mieux formés. Marjolaine Meynier-Millefert soulignant même que la qualification RGE ne portait initialement que sur des points administratifs et non sur les compétences de l’entreprise.
Enfin, ils mettaient tous trois en avant la nécessité de ne pas modifier les dispositifs d’aides publiques sans arrêt, soulignant qu’il faut du temps au industriels et aux entreprises pour s’adapter aux orientations des politiques publiques et qu’on leur coupe l’herbe sous le pied régulièrement.
Par exemple, au hasard, la IVème période des CEE mettait l’accent sur l’isolation thermique des planchers et des combles, tandis que la Vème période réduit fortement les aides financières qui leur sont consacrées. Ce qui, dit Pierre-Emmanuel Thiard, président du Filmm et, dans le civil, directeur général Saint-Gobain solutions France, est mortifère pour les entreprises.
Simon Huffeteau, seul représentant des Pouvoirs Publics à cette table ronde et coordinateur du plan de rénovation énergétique des bâtiments, a absorbé tout ça calmement, expliqué que ces questions étaient très compliquées tout de même, mais que tout allait vers de plus en plus d’efficacité. Il attend notamment beaucoup, pour contribuer au pilotage des dispositifs d’aide publique à la rénovation thermique, des informations peu à peu apportées par l’Observatoire National de la Rénovation Energétique (ONRE).
Le Filmm et son président proposent de taxer les superprofits des fournisseurs d’énergies carbonées pour financer la rénovation énergétique globale auprès des ménages les plus précaires. Bon, les dirigeants du Filmm ne songent pas à faire carrière chez TotalEnergies.
Ensuite, dit le Filmm, il faut augmenter de 25% l’objectif des CEE de la Vème période, supprimer le coup de pouce pompes à chaleur. Il s’agit certainement du coup de pouce chauffage qu’ils voudraient supprimer, tout comme l’a été le coup de pouce isolation, soulignant qu’un bâtiment mal isolé reste une passoire thermique, même s’il est chauffé par une pompe à chaleur.
Poursuivant l’exposé de ses revendications, le Filmm demande encore le rétablissement des aides pour l’isolation des combles et des planchers, en instituant un forfait MaPrimeRénov’ de 5€/m² en fonction des revenus des ménages.
Il souhaite enfin l’augmentation de la valeur des CEE isolation précarité pour augmenter tout de suite la contribution financière qu’il apporte à une opération d’isolation thermique réalisée auprès de ménages précaires ou très précaires, rappelant au passage que 11,2% des ménages français sont en situation de précarité énergétique.
Nous allons donc assister à une compétition entre le Filmm et l’Afpac (les fabricants de pompes à chaleur) pour la captation des aides publiques à la rénovation. Pour l’instant, l’Afpac a l’avantage, mais le Filmm remonte à l’offensive.
argent
En tant que particulier, je pense qu'il faut massivement augmenter les aides pour aboutir à des rénovations thermiques performantes pour tous. Il faut insister sur l'isolation, quitte à baisser les aides sur les systèmes de chauffage, car une maison mal isolée avec une pompe à chaleur de 15000€, c'est une aberration !