Lauréat bâtiment public ou tertiaire : évocation des "sièges de Liffol" avec de l'épicéa tressé, pour une maison de santé dans l'axe du vide. Photo © Olivier Mathiotte
Le PNCB est sans doute la meilleure réussite de l’association FIBois qui regroupe des interprofessions régionales couvrant actuellement toute l’étendue métropolitaine. C’est aussi le projet qui lui demande le plus grand investissement, et qui donne sans doute les meilleurs retours locaux par le biais des 12 prix régionaux qui précèdent la version nationale. Quand les catalogues des prix régionaux ont été fabriqués et les lauréats désignés, puis que cela a été le tour au niveau national, que les projets ont été soigneusement répertoriés sur panoramabois.fr, chaque fois se pose la question de la notoriété de ce prix par rapport à l’effort entrepris.
Lauréat bâtiment public ou tertiaire : évocation des "sièges de Liffol" avec de l'épicéa tressé, pour une maison de santé dans l'axe du vide. Lauréat logement collectif : avec Pop Acte, le PNCB récompense un projet participatif au Havre, afin d'oublier la tour en bois du concours ADIVbois jamais construite (photo © Paul Koslowski).
En 2022, il est clair que le PNCB aurait eu l’occasion rare de "faire filière" en couronnant le nouveau siège de l’ONF à Maisons-Alfort. Il ne figure pas dans les finalistes de la catégorie reine "Bâtiment public ou tertiaire". Il aurait été, disons, en compétition étroite avec la Caisse d’épargne de Dijon par l’agence Graam, qui lui est bien finaliste, en compétition notamment avec le siège de RATP Habitat à Paris, le groupe scolaire de Rosny-sous-Bois à Montreuil ou l’incroyable hall sportif de Cayenne. Un couac ?
Lauréat maison individuelle : ce n'est pas la plus belle face de la maison sur la ruine, mais c'est celle qui fait comprendre la continuité entre le bardage et le revêtement de toiture fixé sur bac acier, avec cheneau escamoté (Photo © Louis Priam).
Détricotons un peu. A l’origine, la marraine du Prix Dominique Gauzin-Müller, par ailleurs grande prêtresse de la Frugalité Heureuse et Créative, avait contribué à créer sept catégories de prix assez originales (type "travailler-accueillir"). C’est le projet qui était primé et pas l’architecte, ce qui pouvait drainer beaucoup de monde à la tribune. Couramment s’ajoutaient des mentions spéciales, de sorte que le palmarès de chaque PNCB, en plus des palmarès régionaux, devenait difficilement gérable.
Lauréat aménagement intérieur ou extérieur : Passerelle de L'Isle-sur-le-Doubs, qui ne franchit pas le Doubs mais le canal du Rhône au Rhin (Photo © Goetschy Cabello).
Pour la dixième édition, le nombre des prix a été ramené à quatre avec une ventilation peut-être plus logique : bâtiment public ou tertiaire, logement collectif, maison individuelle, aménagement intérieur ou extérieur. Mais on n’a pas pu éviter deux mentions spéciales, qui cette fois n’ont pas été proposées dans les quatre catégories mais plutôt avec une mention thématique en plus.
Le Haut-Bois de Grenoble, couronnement d’années d’expérimentation du bailleur Actis, devient une mention spéciale "technique", devancé dans la catégorie logement collectif par l’étrange Pop Acte Havrais de logements participatifs. L’horizontalité prime sur la hauteur, en quelque sorte, et fait même la couverture du catalogue. Les claustras d’épicéa tissés de la maison de santé de Liffol-le-Grand, dans la catégorie reine des Bâtiments publics ou tertiaire, auraient sans doute mieux rendu en couverture, mais l’agence Studiolada était déjà en couverture l’an passé avec la halle d’Ancy-sur-Moselle.
Mention spéciale innovation technique, le Haut-Bois à Grenoble couronne une longue démarche d'expérimentation de la hauteur par le bailleur Actis, en fait la façon de faire pour développer des démonstrateur en bois de belle hauteur (Photo © Iris Rodet)
D’ailleurs, heureusement que Studiolada n’a pas fait office de président du jury cette année, comme cela était devenu la pratique. Nicolas Barthes l’a remplacé en tant que BE bois co-président avec la présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes Christine Leconte, sans qu’on sache si la tradition est définitivement rompue. Pour sa part, Mars Architectes, lauréat du PNCB 2021 en catégorie "Habiter ensemble", était représenté dans le jury de 17 membres qui a siégé en juillet 2022.
Pour l’aménagement, la passerelle Mirador de l’Isle-sur-le-Doubs, dans le Jura, coiffe le Faré du lycée de Koungou qui reçoit une mention spéciale "innovation sociale". Le Faré, expérience intéressante de l’agence Encore Heureux en préfiguration de la construction du lycée qui commence enfin maintenant et s’étendra encore sur trois années, a été présentée l’an dernier au Off du Bâtiment durable (voir notre article du 2 novembre 2021).
Le Faré, projet avant projet pour le lycée de Koungou à Mayotte par Encore Heureux (Photo © Ya Hazi).
Est-ce que des mentions spéciales "technique" et "social" seront pérennisés, augmentant à nouveau, de fait, le palmarès de deux catégories ? On verra, car on s’est habitué au changement des règles. D’ailleurs, lors de la remise des prix le 4 octobre dans la salle Océane du pavillon 4 (Matériel de chantier et outillage) de Batimat, il était précisé que le palmarès se doit d’être considéré comme un tout équilibré en termes de présence régionale et de solutions techniques. La maison sur la ruine de Fontans, en Lozère par LCD’O Atelier, y prend sa part avec un parement ouvert en bois, filant de la façade à la toiture comme un emballage.
Il y a dix ans, un tel palmarès et une telle couverture centrée sur la circulation d’un complexe participatif aurait été considérés comme indigents. Aujourd’hui, il semble que la période "toujours plus haut toujours plus grand", celle de l’association ADIVbois, ait fait son temps. Si la lecture du PNCB ne se limite pas aux palmarès, même augmenté de deux nouvelles catégories, mais inclut les 49 finalistes du catalogue national 2022 et si possible les finalistes régionaux de cette année, l’image qui se dégage est évidement plus représentative.
Mais il reste, à tort ou à raison, un sentiment de gêne : vraiment, en 2022 en France, il n’y a pas de réalisations biosourcées extraordinaires et bluffantes, un peu comme le Grand Palais Ephémère, le lycée Gergovie E4C2 de l’agence CRR, d’ailleurs en bois-paille ? Certes, l’Arboretum, le CAO, le Village des Athlètes sont en cours. Peut-être qu’on ne veut plus la démesure, mais peut-être aussi qu’on continue de la réserver au béton.