L’Europe de la construction bois

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L’Allemagne et les pays germaniques aiment les congrès, y compris dans le monde de la construction. C’est là où se rencontrent les chercheurs, l’industrie et les entreprises pour une mise à jour annuelle. La qualité de ces événements est unique en Europe, mais voilà, ça reste toujours cantonné au monde germanique.

Tobias Huber (ZPF Ingenieure) explique le plancher bois-terre crue développé par l'agence Herzog et De Meuron pour le projet Hortus en cours à Bâle à un jet d'argile de la France.

La manie des congrès

Lancé il y a seulement 26 ans, le forum bois construction qui s'est longtemps tenu à Garmisch début décembre par cinq instituts supérieurs de formation d’ingénieurs de cinq pays avait d’emblée l’envie de mobiliser large. Et les organisateurs ont bien vu qu’au fil des années, ce congrès est devenu germanique, la tentative d’attirer des acteurs européens de la construction bois restant plus ou moins vaine. Par ailleurs, ce congrès marchait si bien, après des débuts un peu difficiles, que le modèle a été expérimenté un peu partout et décliné soit par pays, soit, dans le monde germanique, par thématiques. Ainsi, le congrès de Cologne fêtait le 19 et 20 octobre sa 15^e édition, avec 700 participants.

Terhalle est l'un de ces grands constructeurs bois allemands fortement industrialisé et engagé dans le modulaire. C'est surtout le premier à avancer la certification de neutralité mais d'autres suivront.

Construire en bois dans un océan maçonné

Face au congrès de Garmisch devenu en 2019 celui d’Innsbruck, soit le navire amiral de l’escadre, Cologne assumait longtemps le rôle de mobiliser les architectes, mais cette mission est passée au Congrès national allemand à Berlin, tout simplement à cause de la concentration d’architectes à Berlin. Cologne s’est rappelé la proximité relative avec le Benelux, Bruxelles et donc l’Europe, tandis que le congrès se situe dans la plus grande conurbation européenne, la Ruhr. D’où un centrage sur ces sujets, et aussi sur ce qui se passe dans le Land NRW qui est le plus peuplé d’Allemagne, mais où la construction bois tarde à s’envoler.

Hilti avait au Forum Bois Construction de Nancy en avril capté les regards par ses nombreuses solutions passives contre le feu. Et pourtant, il y présentait déjà cette solution disruptive d'assemblage, qui va changer les méthodes de la profession.

Planchers en caisson versus CLT

Le média congrès, ce sont des conférences illustrées, regroupée par blocs ou thèmes, un espace d’exposition où se concentre une convivialité soignée pour privilégier les contacts et les affaires. La centaine de stands est concentrée sur l’offre en systèmes constructifs bois et assemblages. Vu de France, on constate une belle présence des caissons même si Metsä Wood avec son Kerto Ripa est absent. Le Tchèque Novatop tente de développer cette solution de caissons à meilleures performances acoustiques depuis une dizaine années en France. Le roi du caisson acoustique est incontestablement le Suisse Lignatur tandis que le transformateur du Sud de l’Allemagne, Schneider, propose des caissons entièrement fabriqués en lamellé-collé et CLT.

Les Autrichiens de X-Fix utilisent le LVL de hêtre pour assembler des panneaux en CLT. Exposant à Eurobois avec Lignotool (les défonceuses), X-Fix s'est laissé dire qu'il faudrait miniaturiser sont approche, et le voilà qui débarque à Cologne avec une solution sans colle ni vis pour jointoyer élégamment des panneux 3-plis. Quand la construction bois se rapproche de la marqueterie...

Gigantisme industriel

Pas de quoi inquiéter les acteurs du panneau CLT dont les capacités ne cessent de grimper, avec un nouveau venu, dans le Land Rhénanie-Palatinat proche de la France, XWorks du scieur van Roje, 34 millions d’euros pour une capacité théorique de 75 000 m³ par an. Pas grand-chose à côté de l’investissement en cours de 160 millions d’euros, par le leader européen du sciage, l’Autrichien Binder Holz à St Georgen, pour proposer entre autres des panneaux 3-plis. Presque rien comparé à la plus grande usine mondiale de production d’éléments en ossature bois, Nokera à Stegelitz, qui veut livrer 20 000 unités d’habitation modulaires par an.

Besoins urgents

Devant la catastrophe climatique, l’Allemagne réagit à sa manière habituelle : comme le recours à la construction bois est logique et évident, mais que les parts de marché sont faibles et donc faciles à conquérir, on massifie. L’Allemagne a certes dépassé les 22% de parts de marché en maison individuelle, et cette part retombant à 12% dans la région Nord-Rhénanie-Westphalie, alors que dans le sud elle est presque dominante. Dans les années ordinaires, l’émigration remplace la diminution de la population, mais cette année on attend 1,3 millions de migrants et comme en 2015, la solution bois s’impose. De sorte que l’objectif gouvernemental de 400 000 unités de logements par an (un peu comme en France), s’explique.

Neutralité carbone versus moratoire d’abattage

Face à la massification, la remise en cause de toute la filière bois est portée par le sylviculteur et auteur à succès Peter Wohlleben. Il est ainsi question, dans sa mouvance, de restreindre les récoltes de bois, de laisser s’épanouir les vieux arbres, alors que le plus souvent ce sont les vieux arbres qui flanchent à cause de la catastrophe climatique. La filière allemande du bois veut contrer ces offensives par la mise en place d’une certification sur la neutralité carbone de ses acteurs, déjà utilisée couramment par l’industrie du meuble allemande. Les transformateurs compensent leurs émissions résiduelles par le financement de campagnes de développement de puits carbone (Planter des arbres en Uruguay par exemple). A Cologne exposait Terhadde, premier constructeur bois bénéficiant également de cette certification.

Une filière bois européenne pragmatique

Côté conférences, on trouve des études de marché comme ceux sur la part de la construction bois en région NRW ou en Belgique, des projets expérimentaux ou spectaculaires tous en rapport avec la construction/rénovation urbaine. On attendait l’intervention de Paul Brannen de l’organisation européenne CEI-Bois au sujet du Green Deal et du Nouveau Bauhaus, sauf que Cologne n’est pas Bruxelles et que l’avion a eu du retard. On peut cependant la lire dans les Actes. Elle montre la position de l’industrie européenne du bois, qui reste très corporatiste et n’intègre guère les autres matériaux biosourcés, ni le géosourcé. Pour CEI-Bois et sans doute la plupart des filières nationales industrielles du bois, la construction mixte bois-béton est parfois la solution quand le mieux est l’ennemi du bien. Le développement des crédits carbone par l’incorporation du bois doivent compenser le surcoût de ces solutions.