Au cœur du cluster parisien et mondial de l’architecture biosourcée, et comme agréable pendant apolitique du Pavillon de l’Arsenal, la Galerie d’Architecture séduit de plus en plus les agences alternatives, notamment depuis l’exposition de l’agence GRAAM il y a tout juste un an, ce chef de file de l’école de Montreuil.
Spécialiste du bois et du passif, mais pas que, Pascal Gontier capitalise entre autres sur sa forte implication dans la construction du Village des Athlètes (six ouvrages sur deux lots du Village, dont deux en bois), à un moment de blocage du marché de l’immobilier de logements et d’incertitude quant à l’entrée en vigueur de la RE2025.
Jeu de cube pour expliciter le BOB à la Galerie d'Architecture. © JT
À vrai dire, Pascal Gontier a construit en bois et passif avant beaucoup d’autres, et bien avant tout le monde, il a mesuré dans le cadre de la construction de sa propre maison le poids émissif de l’infrastructure en béton. Tout le bois au-dessus peine à le compenser vraiment. De fait, l’architecte avait des affinités avec le marché suisse qui l’avait sensibilisé il y a plus de 20 ans à la notion d’énergie grise, désormais intégrée à la RE2020. À l'époque, en 1998/1999, il effectuait son master à l'illustre EPFL de Lausanne.
L'exemplification de la méthode BOB de construction sur-mesure est enfin dévoilée à Floirac. © Takuji Shimmura
Ce savoir-faire culmine avec la livraison en 2016 du bâtiment administratif Max Weber de l’Université de Nanterre : "1er bâtiment de bureaux R+4 100 % bois en France (y compris cages d’escaliers et d’ascenseurs), isolation biosourcée (laine de bois), lumière naturelle dans 100 % des circulations, ventilation naturelle". Malheureusement, ni en région parisienne, ni ailleurs en France, ce projet n’a fait des petits.
Cage d'escalier sans béton du Weber, une option qui garde toute sa validité technique et climatique. © Hervé Abbadie
D’ailleurs, Pascal Gontier se consacre depuis lors, notamment depuis les concours organisés par l'association AdivBois, au développement de la méthode BOB, pour Bespoke OpenBuilding, afin de livrer des logements sur-mesure pour ses habitants. L’idée a germé dès 1994 et s'appelait alors Bespoke. En revanche, c'est lors d'un concours pour une tour en bois de 50 m (l'un des concours AdivBois, pour la ZAC Bruneseau), qu'il a pour la première fois mis en œuvre cette méthode. Cette approche ouverte était tout à fait dans le le vent il y a huit ans, au moment de l’émergence de la construction participative, mais ne devient réalité qu’actuellement, grâce à la livraison tardive de l’opération de 79 logements pour Quartus Résidentiel à Floirac. À un moment de crise du logement immobilier, qui équivaut simplement à un rejet de l'offre immobilière par les acheteurs potentiels, ces approches restent de première actualité.
Village des Athlètes, lot AB, l'un des bâtiments bois signés APG. © Takuji Shimmura
Un zeste de cette approche participative se retrouve dans le travail étroitement encadré de l’architecte pour le lot AB du Village des Athlètes, quand il établit une variabilité des solutions de garde-corps entre l’option masquée et l’option ouverte. En fin de compte, dans ce cas complexe de livraison en phase Héritage, ce n’est pas l’occupant final qui a choisi mais CDC Habitat, de façon à donner à la façade une légère irrégularité bienvenue.
On connaît l’architecte du passif et du bois, celui des bureaux en ventilation naturelle et des logements de la méthode BOB. Car Pascal Gontier, par ailleurs enseignant, aime l’articulation verbale. On découvre à la Galerie d’Architecture un versant moins dévoilé et pourtant fascinant de son travail d’architecte : ses réflexions architecturales autour du jeu d’échecs. Il ne faut pas s’attendre à trouver des carrelages en damiers, la recherche que mène l’architecte depuis ses années d’études est bien plus complexe et la galerie lui offre une première possibilité de déploiement.
Le jeu d’échec ou la méthode BOB illustrée de façon ludique par une sorte de jeu de cubes sous-tendent le titre de l’exposition. Quant à la réponse à la question posée, peut-être transparaîtra-t-elle le 11 septembre au soir lors d’une table ronde avec l’architecte Philippe Madec. Le chef de file de la Frugalité Heureuse et Créative ne manquera pas d’inviter aux journées de la Frugalité de Nancy. Sa présence à la Galerie ne tient pas simplement à une sorte de proximité technique avec l’approche "ventilation naturelle" du Max Weber. L’esprit subtil et bien articulé de Philippe Madec doit trouver dans ce questionnement une saveur que l’on sent orientée vers quelque chose de l’ordre du bonheur, ce bonheur mis opiniâtrement en avant par le mouvement de la Frugalité.
Pas sûr cependant que Pascal Gontier soit exactement sur la même longueur d’onde. Si Philippe Madec parle du bonheur du choc entre fluides et solides, Pascal Gontier s’intéresse de près aux fluides comme les piscines sans chlore ou les réseaux d’alimentation de ces ouvrages, explicités par une maquette de l’exposition. Et chez lui, le solide est toujours aussi son contraire, de même que les projets les plus fouillés peuvent rester lettre morte pour un oui ou pour un nom, comme la découverte d’une orchidée sur le site mis à disposition par le bailleur Aquitanis a retardé l’éclosion de sa méthode BOB. L’architecture, ce n’est pas que du bonheur, c’est de l’aspérité.
La construction biosourcé
Du 27 août au 21 septembre, la Galerie d’Architecture de la rue des blancs manteaux à Paris accueille une exposition dédiée au travail de Pascal Gontier sur le thème : "De quoi l’architecture est-elle le jeu ?"