L’histoire chaotique de l’industrie photovoltaïque en France paraît se stabiliser dans la bonne direction. Campons le décor. Début 2023, l’un des tous premiers fabricants mondiaux, le chinois Longi Solar, possède une capacité de production annuelle de 150 GWc de Wafers, de 37 GWc de cellules et de 60 GWc de panneaux photovoltaïques.
Par contraste, fondé en 1979, le français Photowatt, pionnier de l’industrie solaire photovoltaïque depuis plus de 40 ans, a vendu plus de 4 millions de modules photovoltaïques pour une puissance totale de plus de 600 Mc, mais possède aujourd’hui une capacité de production annuelle de modules de seulement 50 MWc et de 10 MWc pour les cellules photovoltaïques.
Près de Nantes, à Carquefou, le français Systovi possède une usine d’une capacité de production de 80 MWc/an et de 240.000 panneaux.
Voltec Solar, autre fabricant français, a investi 14,7 M€ dans une nouvelle ligne de production dans son usine de Disheim-sur-Bruch et souhaite porter sa capacité de production annuelle de 200 à 500 MWc et 500.000 panneaux.
Recom, un fabricant européen, a acheté le français Sillia en 2017 et développé son usine de Lannion, portant sa capacité annuelle de 50 à 300 MW. DualSun, Terreal et Edilians assemblent, le premier des panneaux hybrides, les deux autres des tuiles photovoltaïques. ASCA produit 1 Mm² de film mince photovoltaïque à base d’encres organiques près de Nantes. VMH Energies, qui avait racheté la coopérative SCNAsolar, fabrique notamment les tuiles photovoltaïques Sunstyle pour Sunstyle International. S’Tile à Poitiers, développe des panneaux en silicium monocristallins, avec une technologie – le procédé Stilormade - permettant d’ajuster leurs dimensions, puissances, tensions sur mesure, en fonction des besoins des clients, y compris des panneaux non-plats, courbes ou ondulés.
Mais tous acteurs confondus, la capacité de production de panneaux photovoltaïques en France est un peu inférieure à 1 GWc.
Plusieurs projets de giga-factories – une usine d’une capacité de production de 1 GW ou plus – sont soit en arrêt, comme le projet Belenos de Voltec-Systovi qui ne semble pas avancer et porte sur une capacité annuelle de 1 GW à Carquefou ; soit ont échoué, comme le projet de REC Solar en Lorraine, qui devait construire une usine d’une capacité de 2 GW près de Sarreguemines en Moselle.
Le projet de Voltec Solar avec Systovi semble avoir été remplacé par un nouveau projet associant Voltec Solar et l’IPVF (Institut Photovoltaïque d’Île-de-France, basé à Saclay). Annoncé en novembre 2022, ce projet a fait l’objet d’un dépôt de dossier dans les appels à projets de l’Ademe dans le cadre de France 2030. Baptisé "France PV Industrie", il a pour but de fabriquer 5 GWc de panneaux photovoltaïques vers 2030, avec un début de production dès 2025. France PV Industrie prévoit d’utiliser une technologie innovante : le Tandem 4T Pérovskite/Silicium. Prometteuse, cette technologie permettra d’atteindre 30% de rendement de panneaux.
Mais, toutes les technologies Pérovskites sont notoirement complexes à industrialiser. L’IPVF affirme maîtriser leur fabrication à grande échelle. Pour l’instant, ce projet n’est pas concrétisé. Il doit commencer par un pilote en 2023, puis un démonstrateur industriel de 200 MWc en 2024, une usine de 1 GWc ensuite, étendue à 5 GWc de capacité d’ici 2030.
Heureusement, la start-up industrielle Carbon annonce l’implantation de sa première giga-usine de produits photovoltaïques à Fos-sur-Mer, sur le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM). Elle concrétise ainsi ses ambitions : soutenir l'effort de décarbonation, participer à la réindustrialisation de la France et contribuer à la souveraineté énergétique européenne.
Cette première giga-usine aura une capacité de production annuelle de 5 GW de cellules photovoltaïques et 3,5 GW de modules.
Sa mise en service est prévue fin 2025 avec une montée en puissance graduelle en 2026.
Le budget d’investissement pour cette giga-usine s’élève à 1,5 milliard d’euros. Au-delà de la phase de chantier, le projet créera plus de 3.000 emplois directs et durables sur le territoire.
Cette annonce fait suite à d’ultimes réunions de travail hier avec le Préfet de Région, Christophe Mirmand, le président de la Région Sud, Renaud Muselier, et le président du conseil de surveillance du GPMM, Christophe Castaner. Elle marque une étape déterminante pour Carbon, car elle matérialise la vision portée par ses actionnaires et fondateurs. Le choix de Fos-sur-Mer résulte de l'étude minutieuse par les équipes de Carbon de près d’une quinzaine de sites dans toute la France.
Carbon, qui n’a peur de rien, annonce l’objectif d’entrer dans les 10 plus importants fabricants mondiaux dès 2030. A Fos-sur-Mer, Carbon intègrera toute la chaîne de fabrication du photovoltaïque : production de lingots à partir de silicium européen, de Wafers - les fines tranches de lingot – de type N, de cellules et de panneaux.
L’entreprise utilisera, pour les cellules et panneaux, des technologies récentes, dont le TOPCon (Tunnel Oxide Passivated Contact), la technologie de cellules solaires à haut rendement qui se développe le plus rapidement car elle procure un meilleur coefficient de température, ainsi qu’un meilleur coefficient de bifacialité. Carbon utilisera également la technologie IBC (Interdigitated Back Contact) pour ces cellules. Elles permettent un rendement surfacique plus élevé (+Wc/m²), une meilleure performance à basse irradiance, une plus grande résistance aux points chauds et une esthétique améliorée. Elles se prêtent particulièrement bien à l’intégration aux bâtiments (BIPV).
D'une surface d’environ 60 hectares, le site retenu à Fos-sur-Mer est idéalement situé sur la côte méditerranéenne au sein du Grand Port Maritime de Marseille. Il réunit toutes les conditions nécessaires à l’implantation de cette première giga-usine. Il bénéficie notamment de connexions routière, ferroviaire, fluviale et maritime. D'ici 2030, Carbon ambitionne de produire et commercialiser 30 GW de wafers, 20 GW de cellules et 15 GW modules photovoltaïques grâce à la construction, en Europe, de plusieurs giga-usines.
Le projet entre maintenant dans sa phase de concertation publique. Carbon entend faire de cette concertation un modèle d'information et de participation pour que cette implantation devienne un véritable projet du territoire, impliquant toutes ses parties prenantes. Pour garantir le bon déroulement de ce processus, Carbon va prochainement saisir la Commission nationale du débat public (CNDP).
La vision de Carbon en termes de modèle de production, de conditions de travail et d’intégration paysagère implique une ambition architecturale assumée pour cette giga-usine. Elle doit devenir un campus industriel à échelle humaine, conçu dans le souci de l’équilibre territorial, du respect de l’environnement et de la qualité de vie au travail. ©Carbon
Dès 2025, Carbon envisage de proposer au marché des plaquettes de siliciums de type N (N-Type wafers) aux formats M10 ou G12, utilisant un polysilicium haute qualité et bas carbone, des cellules à haut rendement (TOPCon et IBC), permettant aux producteurs de modules mais aussi aux fabricants de BIPV de disposer des meilleurs composants cellules, ainsi qu’une gamme de modules mono- et bifaciaux adaptés à tous les types d’utilisation : toitures (résidentielles, commerciales, agricoles, industrielles, etc.), ombrières, centrales solaires au sol, fermes agrivoltaïques, centrales PV flottantes, etc.
A côté de ces annonces, où en sont les performances du photovoltaïque ? Selon le "Photovoltaics Report" du Fraunhofer Institut ISE paru le 21 février 2023, le record de rendement atteint en mai 2022 en laboratoire est de 26,7% pour des cellules monocristallines et 24,4% pour des cellules multicristallines. Côté film mince, le meilleur rendement obtenu en laboratoire est 23,4% pour du CIGS (Cuivre Indium Gallium et Selenium), par ailleurs non-toxique, et 21% pour les cellules en CdTe (Tellurure de Cadmium), toxique en cas d’incendie, par exemple.
Au cours des dix dernières années, le rendement des panneaux photovoltaïques proposés sur le marché mondial a augmenté de 15% à 20%. Les fabricants devraient montrer au prochain salon Intersolar à Munich en juin 2023 des panneaux dépassant les 22% de rendement. Les meilleurs rendements atteint en laboratoire par des panneaux en silicium monocristallin sont de 24,4%. Les techniques de fabrication ont permis de réduire la quantité de silicium utilisée de 16 g/Wc à 2,5 g/Wc au cours des 16 dernières années.