Photo : La frugalité archtecturale, signe de l'époque, arrive par le biais des MPGP (crédit © Nicolas Trouillard)
Livré pour les équipements scolaires et les logements (le gymnase décalé suite au Covid), pour la rentrée 2021, le collège Samuel-Paty fait l’actualité par l’imminence de l’achèvement de la période de réglage de deux ans de ce premier MPGP (Marché Public Global de Performance) du département Val-de-Marne, avec une garantie de performance qui n’est pas encore, comme souvent aujourd’hui, à dix ans. Parallèlement, les frais de chauffage du parc départemental de collèges (autre que Samuel-Paty) ont explosé.
Le bâtiment vient également de recevoir une mention spéciale du jury Passibat fin mars 2023. Le jury a salué "l'ambition du Conseil départemental du Val-de-Marne (...) et sa résolution de construire selon le cahier des charges exigeant du passif le premier collège ossature bois d'Île-de-France", précise l'agence Archipente sur Linkedin.
Il vaut mieux rester discret quand on se construit en bordure d’une décharge sauvage qui brûlait au moment du concours, au confins de trois communes et de leurs bandes rivales. La dominante jaune sable, tout à fait inhabituelle, est la résultante d’une adéquation des teintes entre de certains moucharabiehs métalliques, les protections solaires, la peinture des menuiseries extérieures … et celles des bois apparents, où la lasure marie le feuillus au résineux.
Cour du collège, orienté sud. (Crédit © Nicolas Trouillard)
La résille brise-soleil en dentelle semble évoquer en macro les usines de photosynthèse des feuilles, et rompt la régularité et l’horizontalité d’un bâtiment tramé rigoureusement à 120 cm. Trame masquée il est vrai par le calepinage de l’Equitone. Il était initialement prévu de donner plus d’épaisseur à ces éléments, afin qu’ils laissent passer le soleil l’hiver et le bloquent l’été. Le budget et aussi l’absence d’avis technique sur ces moucharabiehs modernes ont remis le geste à sa place.
Mais tout cela devient poétique quand les bulles tombant de l’acrotère suivent la verticalité des descentes d’eau et que l’effet chromatique de vitrail est enrichi par le point rouge d’accès de pompiers d’ailleurs installés en face du collège. Par ailleurs, en jouant sur ce motif et ce matériau, les appartements de fonction sont raccordés au collège par leurs garde-corps, le portail devient une décoration et le haut mur blanc qui protège la cour est percé d’oculus.
Avenue Guy Môquet, les 28 baies tramées du rez-de-chaussée, notamment celles du réfectoire, animent tellement la rue qu’on croirait que l’abribus y a été installé dans la cour de l’école par erreur.
La symbiose entre le mandataire et l’architecte a été parfaite. L’approche Archipente est rigoureusement adaptée au marché du bois en termes d’entraxes de poutres en BLC supportant un plancher mixte utile pour le maniement de l’inertie des espaces scolaires. Car on est bien en passif avec triple vitrage, sur-isolation périphérique, ventilation double-flux.
Les couloirs de la trame active avec les solartubes (crédit : Nicolas Trouillard)
L’apport d’Archipente : la trame active de 60 cm d’épaisseur de par et d’autres des couloirs, intégrant toute la tripaille avec une grande commodité d’accès ; la ventilation des classes par déplacement d’air à très faible vitesse, exploitable les nuits chaudes par free cooling, l’intelligence de loger les échangeurs dans des combles à bi-pan.
De fait, le programme prévoyait les mesures conservatoires pour atteindre le passif plus, soit l’installation de panneaux photovoltaïques à terme et qui seront installés finalement dans le cadre de ce marché. S’ajoute mille petits riens de précautions pour limiter les gaspillages d’énergie, ce qui fait que le projet ne loupe que de peu le E4C2 en calcul mais en est de fait le meilleur exemple.
Edouard Molard, Archipente.
L’intelligence commune d’Archipente et de Maître Cube ou plus précisément Méha, c’est un socle jusqu’au plancher R+1 en béton, puis deux niveaux de plancher en solive bois associés à un plancher collaborant bois-béton porteur ; des circulations verticales en béton permettant de s’affranchir des croix de contreventement en façade, un préassemblage forain pour monter grâce aux deux grues à tour des éléments finis de 4,80 m sur 12 mètres de haut.
Le Samuel-Paty de Valenton (à ne pas confondre avec le collège du Bois d’Aulne de Conflans St Honorine, rebaptisé) détonne dans le microcosme francilien. Un charpentier mandataire de MPGP ? Le bois mieux disant et plus performant pour du passif qui semble maîtriser le confort d’été ? Tout le monde regarde cela de très près. Quant à Archipente, il aura fallu 10 ans pour s’imposer ainsi à Paris.
Ils sont marrants, les Molard. La décennie passée, Dominique Molard pilotait à Montbrison une activité d’architecte passif, mais aussi d’industriel de la construction bois avec Lignatech. Edouard, issu de la même formation Ensais à Strasbourg, diplômé en 2005, Concepteur Européen Bâtiments Passifs (CEPH) depuis 2014, toujours svelte et jeune en 2023, avait fait comme il se doit ses classes dans deux grandes agences, puis développé seul Archipente à Paris en 2012. Le fils de Dominique, complémentaire à bien des égards, s’aventurait dans le WoMa comme en soif de modernité et d’alternatives.
Et voilà désormais qu’à Montbrison, Dominique coule ses vieux jours de grand-père en construisant une autoroute en bois, tandis qu’Edouard aligne les bâtiments d’enseignement groupes en MPGP et râle. Car selon Edouard Molard, les MPGP sont la mort de l’architecture : "Il faut être prêt à travailler plus d’un an sans rémunération. Les projets présentés par les groupements doivent être entièrement dessinés et réalisés comme tels. C’est une négation du temps de développement des projets qui tire de sorte que le travail architectural est tiré vers le bas." Marie Charbuy, représentante de la maîtrise d’ouvrage départementale, n’est pas d’accord : "Ce n’est pas le bilan du CD94 sur les projets en MGP qui sont plus qualitatifs que les derniers projets en loi MOP."
Avec sa consommation de chauffage garantie passive, à moins de 15 kWh/m²/an, ce nouveau collège fait bonne figure dans le département où le coût du chauffage des collèges a été multiplié par trois cette année : les factures d'énergies pour l'ensemble des équipements (collèges, crèches, etc) étaient de 13 M d'euros TTC en 2019, et passent en prévision à 23 millions en 2023. Commentaire d’Edouard Molard : "C’est l’équivalent de plusieurs collèges comme Valenton qui disparaissent chaque année en chauffage, d’où l’intérêt de rénover afin de réduire les consommations futures." Certes, depuis l’arrivée des MPGP en 2016 et à la suite du concours remporté par Maître Cube avec Archipente, Enertech, Tribu etc. le département a systématisé le MPGP passif pour les constructions neuves. D’ailleurs, ces MPGP qui sortent actuellement dans de 94 sont en béton.
Marie Charbuy : "Le nouveau challenge est l’ensemble du parc de collège à rénover, notamment en application du décret tertiaire. 11 opérations de rénovation énergétique sont déjà listées au programme pluriannuel d’investissement du CD94. Et l’application de la RE2020 par la décarbonation des projets, va aussi pousser dans la construction à l’utilisation de la structure bois."