Le haut Belleville entre les tours de la Place des fêtes et le parc de Belleville, est l’un des endroits les plus séduisants de Paris. C'est du moins ce que révèle la vue dégagée offerte par la surélévation du 7 rue Frédérick Lemaître. Sera-t-elle le déclencheur pour en faire le nouveau quartier "hype", le Pausilippe de Paris ?
Les hauts de Belleville at their best. ©Agence Première
Comme la construction modulaire 3D en bois, mais à un autre rythme, la surélévation en bois est un serpent de mer. Depuis le début des enquêtes nationales sur la construction bois, en 2011, la surélévation se démarque comme le segment privilégié du bois, avec une part de marché proche de celle des bâtiments agricoles et supérieure à 25%. C’est normal puisque les structures bois sont légères et flexibles.
L’arrivée des panneaux CLT a déclenché au début du siècle une première vague de surélévations. Mais les procédures de décision dans les copropriétés étaient ingérables. Elles ont été un peu simplifiées et surtout, la loi Pinel a ouvert la possibilité de surélever pour remonter à la hauteur d’un pignon contigu.
Compte tenu du prix et surtout de l’inexistence du foncier à Paris, une seconde vague de projets s’est déclenchée, au point de pousser la municipalité à temporiser avec l’appui des ABF. Parallèlement, les contraintes en matière de protection incendie ont presque totalement éclipsé le bois apparent et redonné des couleurs à l’option métallique.
A présent, la loi ZAN devrait changer la donne. Elle n’est pas encore promulguée mais son principe sera sans doute le suivant : on comptabilise l’artificialisation nette d’une région française durant les dix dernières années et fixe l’objectif de la diviser par deux pour la décennie à venir, afin d’atteindre l’objectif "Zéro Artificialisation Nette" à l’échelle métropolitaine avant 2050 (27 ans…). Il devrait en résulter qu’il y aura moins de surface pour construire des logements … et des bureaux.
Vincent Parreira (AAVP) et Samuel Gelrubin (Groupe Terrot)
Comme l’agence AAVP vient de livrer une surélévation dans le 19e, cela vaut le coup d’œil pour imaginer de quoi ces opérations pourraient avoir l’air dans un prochain avenir. Depuis la façade à pièces de bois chantournées de l’école Maria Casarès à St Denis, le réemploi des portes de l’hôpital St Vincent de Paul et autres facéties créatives, l’agence de St Vincent Parreira est l’empêcheur de tourner en rond de l’architecture bois en France.
La première chose qui saute aux yeux, c’est que les étages de la surélévation ont moins d’importance que la couverture où l’on verra rivaliser plusieurs fonctions : la protection thermique du bâti, l’équipement photovoltaïque, la végétalisation et surtout la jouissance que suggère l’opération du 7 rue Frédéric Lemaître par son immense terrasse, où la vue sur Belleville et Paris n’est même pas occultée par des garde-corps, sinon par du verre.
Face au problème récurrent de l’intégration esthétique de la surélévation, AAVP choisit la disparition. Tout est fait pour que les étages supplémentaires et la terrasse ne se voient pas de la rue, où ne retiennent la rétine que comme un mirage. C’est important car les mitoyens, les ABF et toutes sortes d’instances peuvent trouver à redire à chaque surélévation.
Le corollaire, c’est de construire en retrait et de ménager des balcons. AAVP pousse le bouchon plus loin avec de luxueuses doubles façades ventilées presque totalement vitrées avec une peau extérieure, une peau intérieure en menuiserie bois et un rideau réfléchissant. Une formule manuelle qui correspond.
Les charpentes fines et métalliques de la surélévation sont floquées et encoffrées.©Nicolas Trouillard
Point de CLT en plancher mais la dalle O’portune, cette formule brevetée par CBS-Lifteam qui consiste à clouer des planches verticales créant en plafond des reliefs élégants et agissant en correction acoustique. Entre étages, il s’agit d’un plancher sec, tandis qu’au dernier niveau, la dalle sert de fonde coffrage à une dalle en béton qui facilite la gestion de l’étanchéité de la terrasse.
Malgré les retards accumulés sur ce chantier à cause du Covid, des tergiversations en amont conduisant finalement à recréer des locaux tertiaires et non des logements de luxe, et malgré le parti pris de haut standing affiché par le Groupe Terrot, les formules développées par AAVP stimulent la réflexion, qu’il s’agisse de surélever pour des logements ou des bureaux, sans préjuger du niveau de standing. Mais on n’obtiendra pas, pour l’opération Terrot, de prix au m², tant toute l’élaboration de cette surélévation a été complexe en plein Covid.
AAVP a conçu ici une formule de luxe pour des logements et pour des raisons politiques, le résultat final ne change finalement pas la destination tertiaire du lieu. Une ambiguïté involontaire, mais qui donne à ce projet toute sa portée : si vous travaillez la surélévation comme un luxe, mais en y créant cette immense terrasse comme un espace commun généreux, c’est la meilleure façon d’anticiper la vie future de l’ouvrage, comme bureaux ou comme logements. Désormais, à Paris, on va dire : faire une surélévation à la AAVP.
Rénovation et bas carbone
Avec la loi ZAN, une fois de plus, la législation devrait favoriser le développement de réhausses de l’habitat et tertiaire urbain, à l’instar de l’opération du 7 rue Frédéric Lemaître par le groupe Terrot et AAVP.