Comment biosourcer les ÉcoQuartiers ?

Immeuble d'habitation E3C2 conçu par Tectoniques pour la ZAC de l'Horloge, Trévoux. © CBS-Lifteam

Depuis la labellisation des EcoQuartiers en 2011, on assiste à un étrange rendez-vous manqué avec la construction biosourcée qui était pourtant impliquée à l’origine de cette formule.




Forgée à la toute fin de la mandature de Nicolas Sarkozy, la labellisation ÉcoQuartier a coupé net un engouement pour la conception de quartiers écologiques et biosourcés, perceptible durant la première décennie du siècle en France. Désormais, le label est conditionné par une multitude d’engagements, mais justement pas par celui de cette construction bois ou biosourcée initiale. Jusqu’à présent, cette formule a généré un nombre relativement réduit de projets de quartier, généralement construits de façon traditionnelle. La RE2020 et l’évolution de la construction vers une économie du carbone remet en cause un dispositif qui n’a été adapté récemment qu’en distinguant la labellisation livrée de celle vécue. Sur le terrain, labellisation ou pas, des initiatives ses développent pour revenir au concept initial, et des outils de décision se mettent en place.

 

 

 

 

Retour aux sources

À l’occasion du 13e Forum Bois Construction à Epinal et Nancy, début avril 2024, la manifestation a renoué avec le thème de l’ÉcoQuartier abandonné depuis plusieurs années pour les raisons indiquées. Justement, il avait autrefois été question du quartier Heudebert à Dijon et d’une construction démonstratrice en biosourcé qui n’a finalement pas eu lieu, sans remettre en cause une labellisation intervenue fin 2023.

 

L'ÉcoQuartier Fluvial pensé par l'agence Philippon-Kalt. © CBS-Lifteam

 

 

 

À Nancy, dans le cadre de l’atelier B6 du Forum Bois Construction et au moment de la livraison du Village des Athlètes, un retour vers la longue gestation de l’ÉcoQuartier fluvial, sur l’Île-Saint-Denis, a permis de revenir aux sources de ce mouvement, par l’intermédiaire de l’architecte Brigitte Philippon (agence Philippon-Kalt), qui suit ce projet depuis près de vingt ans. Elle rappelle qu’à l’origine, la prise en compte des émissions de carbone n’avait pas court. Pour autant, selon elle, les dispositifs ciblés, comme l’endiguement de la voiture, l’accès à la Seine, les performances d’isolation, les possibilités de ventilation de logements traversants allaient finalement déjà dans le sens des préoccupations émissives actuelles et du standard E3C2 imposé pour les ouvrages.

 

 

 

 

L’ÉcoQuartier Fluvial comme repère

Grâce à l’organisation des Jeux de Paris, l’ÉcoQuartier fluvial a bénéficié d’un coup de pouce financier qui lui a permis d’aller au bout du projet : autoroute dotée de murs anti-bruit, passerelle piétonne pour désenclaver le quartier, enterrement de la ligne à haute tension. Le Village des athlètes a apporté au quartier une part importante d’ouvrages en bois, conforté son approche en termes de mobilités douces, pratiqué l’acheminement fluvial. Brigitte Philippon évoque également le travail effectué à l’époque avec Bellastock pour la déconstruction des centres de stockage des Galeries Lafayette et du Printemps, ainsi que le travail de l’architecte Julien Beller avec Meha Charpentes pour construire un immeuble de logement tout bois en participatif. Après les Jeux, l’ÉcoQuartier fluvial portera bien son nom et deviendra une référence francilienne.

 

La ZAC de l'Horloge à Trévoux a mis la barre haut avec une école visant le E4C2 et des murs en bois-paille enduits. © CBS-Lifteam

 

 

 

 

Bois ou biosourcé, faut-il choisir ?

Côté Marne, l’Ancre de Lune de la commune de Trilport, près de Meaux, en deviendra-t-elle une autre ? Raphaëlle-Laure Perraudin, spécialiste de l’architecture biosourcée au sein de l’agence Lieux Fauves, animait l’atelier B6 en sa vertu de conceptrice d’un projet lancé avant la fusion de l’agence JAP. Pour l’instant, l’Ancre de Lune peine à construire en bois, mais avance avec le recours au béton de chanvre, profitant logiquement de la proximité du site de Wall Up Préfa.

 

 

 

 

Pas de véritable portée politique

La préparation de l’atelier a buté sur des obstacles imprévus. Après avoir présenté au Forum l’école bois-paille enduite niveau E4C2 de l’ÉcoQuartier ZAC de l’Horloge à Trévoux, une nouvelle opération importante de logements E3C2 par l’agence Tectoniques et le constructeur Lifteam, pour Icade et REI Habitat, attirait l’attention. Car cet ÉcoQuartier semble avoir voulu mettre la barre très haut par ses ouvrages publics, afin de justifier un haut niveau de prestation pour ses logements. Hélas, le maître d’œuvre du quartier de l’Horloge n’a pas pu venir présenter son engagement et sa démarche.

 

Grâce aux Jeux de Paris, l'ÉcoQuartier va au bout de ses ambitions. © CBS-Lifteam

 

 

 

De même, à Grenoble, l’ÉcoQuartier de la ZAC Flaubert, en principe vitrine de la politique urbaine d’une des municipalités de la vague verte, incorporant entre autres les tours de logements sociaux d’Actis du Haut-Bois, n’a pas fait l’objet d’une présentation politique. De fait, le développement de ce quartier a été retardé pour des raisons budgétaires. Les ÉcoQuartiers sont très projets au long court.

À Nancy, le Forum avait lieu pour la cinquième fois en plein milieu de ce qui était désigné comme l’ÉcoQuartier Grand Cœur, rebaptisé Centre-gare, piloté par l’architecte Jean-Marie Duthilleul à cause de la proximité de la gare. Cet ÉcoQuartier est l’exemple même d’une dérive vers la construction en béton, les projets de tours en bois par Kaufmann&Broad n’ayant pas pu se réaliser. La mairie étudie d’autres projets de quartiers mais sans être en mesure de faire des annonces en ce milieu de mandature. Tout de même, les Constructeurs du Bois, spécialistes de la construction d’ÉcoQuartiers en bois dans le Grand Est, achèvent actuellement la dernière partie d’un ÉcoQuartier à Epinal et poursuivent plusieurs autres projets impliquant la construction biosourcée.

 

 

 

 

L’ÉcoQuartier local

L’actualité future était également représentée par l’ÉcoQuartier de Ferney-Voltaire en banlieue de Genève. Le projet remonte à 2014 et se distingue par un mouvement résolument contraire à celui que l’on constate ailleurs. Au départ, la construction bois était conseillée, menant à des projets en béton avec une façade en bois. Plusieurs années plus tard, la programmation a imposé la construction bois. Désormais, l’aménageur Terrinov souhaite mettre en place un sourçage local des 650 tonnes de bois requises annuellement pour le développement de ce projet. Mais cette demande vient assez tard et les premiers lots sont en cours d’acquisition avec des projets conçus loin du terroir.

 

 

 

 

Vade-mecum

Pour bâtir des ÉcoQuartiers biosourcés, une première condition sans doute nécessaire mais pas suffisante est d’impliquer des acteurs de ce mode constructif, comme Raphaëlle-Laure Perraudin à l’Ancre du Lune. Second principe, agir dans une continuité longue et selon des règles pertinentes qui maintiennent leur justesse au-delà des programmes et règlements (ÉcoQuartier fluvial). En troisième lieu, bloquer les prix de vente pour éviter une "course à l’échalotte" agrémentée d’un mieux dire environnemental vite gommé par les faits (ÉcoQuartier fluvial de Ferney-Voltaire).

Mais encore ? Montrer l’exemple par des réalisations publiques emblématiques (ZAC de l’Horloge à Trévoux, ZAC Flaubert à Grenoble). Imposer le biosourcé, une solution prise tardivement à Genève après des suggestions plus douces ne menant à rien. Chercher des économies de façon créative comme à Trévoux, où Lifteam a dû aligner une dizaine de propositions pour rentrer dans le budget, sans sacrifier une prestation E3C2, quitte à faire la part du béton. Saisir les occasions dans la durée comme cet ÉcoQuartier fluvial qui atteint son épanouissement vingt ans après son démarrage.

 

 

 

 

Ne pas baisser les bras

Jean-Luc Sandoz, patron de Lifteam à l’œuvre à la fois à Trévoux et à Grenoble, ne se laisse pas décourager par le temps long. Comme il le rappelle, le sommet de Rio a mis en exergue que la construction traditionnelle n’est pas durable. Il a fallu attendre vingt ans pour aboutir à une labellisation des ÉcoQuartiers, si peu conséquente pourtant. Il faut continuer parce que le climat ne nous laisse pas le choix.  

 

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Source : batirama.com / Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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