La dalle armée coulée sur site en béton a-t-elle vécue ?

Dans la perspective de la réduction de l'empreinte carbone, l'acier et le béton se conjuguent en faveur du bois. © Hardel Le Bihan / Woodeum

L’atelier B5 du 13e Forum Bois Construction révèle, au-delà du développement de systèmes mixtes bois-béton, de nouvelles approches constructives, notamment tertiaires, mêlant le béton et l’acier au service du bois.




La dalle armée coulée sur site en béton a-t-elle vécue ? On constate une poussée vers des solutions mixtes combinant le bois apparent et une dalle le plus souvent préfabriquée d’une épaisseur inférieure à 10 cm, qui permet d’utiliser des bétons bas carbone à cause des délais de prise envisageables en atelier. Toutefois, ces solutions doivent convaincre les sapeurs-pompiers doctrinaires, atteindre des performances acoustiques, réduire les coûts et justifier une baisse significative de l’empreinte carbone.

 

 

 


Entre béton coulé et CLT

Le CLT que tentent de remplacer les solutions hybrides est pourtant un concurrent presqu’aussi rude que la dalle en béton coulée. La production européenne ne cesse de croître et la production française se développe aussi. L’Arboretum montre les immenses progrès de mise en œuvre et de rendu accomplis par Mathis depuis le bâtiment Enjoy aux Batignolles. Aujourd’hui, il est possible de faire de la structure bois un aménagement intérieur de qualité. WO2 a fait le calcul du bilan carbone de bureaux aux deux tiers CLT (structure deux tiers bois), pour l’immense parc de bureaux de l’Arboretum, et pour la surélévation de la rue Marcadet. Selon WO2, une solution traditionnelle en béton, en faisant la moyenne des deux opérations, s’établirait à environ 1 000 tonnes de CO2 le m2 contre un peu moins des deux tiers en CLT.

 

Travail de marquetterie de Mathis pour l'Arboretum. © DR

 

 

 


Absorber la chaleur mais réfléchir le bruit

Ce que fait ressortir ce calcul, c’est surtout l’impact considérable des lots techniques dans le bilan carbone d’une opération. Si l’on prend l’exemple de la construction tertiaire parisienne profondément atypique du Wikivillage, le choix d’une dalle BB en béton préfa intégrant une âme en fibre de bois a permis de réduire les émissions des lots techniques car la dalle absorbe la chaleur des bureaux tertiaires, et dans ce contexte, elle reste plus ou moins nue, sans trop d’égards pour la correction acoustique. Malheureusement, REI Habitat et l’agence DVVD n’ont pas encore révélé l’empreinte carbone du bâtiment, à titre de comparaison.

 

L'approche mixte Equilibrium est inédite car elle conjugue des dalles en béton et une structure bois très présente et massive. © Jonas Tophoven

 


 

 

Le béton au service du bois mode 1

En l’état actuel, il vaut mieux laisser de côté l’acoustique, l’empreinte carbone mesurée, et l’application ou non de la doctrine des sapeurs-pompiers, pour se concentrer sur l’ingénierie mixte d’un côté, et les solutions de dalles hybrides préfabriquées de l’autre. L’ingénierie mixte de l’Arboretum est un point de départ typique de l’approche française des dernières années, répartissant la part du béton et du bois par strates : fondations, rez-de-chaussée, noyau et pièces humides en béton.

 

Pour le Wikivillage, REI Habitat adopte une nouvelle fois la dalle BB, justifiée par DVVD à cause de l'absorption de la chaleur intrinsèque des bureaux, dans un contexte de construction bas carbone et frugale. © Jonas Tophoven

 

 

 

L’approche américaine

L’agence DREAM, qui développe pour l’Arboretum son approche de terrasses connectées par des escaliers extérieurs, construit actuellement, avec le mandataire KOZ, l’académie de Créteil, qui troque le CLT contre des planchers préfabriqués en béton associés à des solives et poutres en BLC. Arbonis se conforme à l’approche technique d’Equilibrium, développée aux USA et appliquée déjà dans plusieurs immeubles immenses de bureaux de Google. Les solives sont pourvues d’éléments qui permettent d’assurer la jonction entre le bois et la dalle. Il ne s’agit pas de connecteurs AIA utilisés par Arbonis sur la tour Treed It de Marne-la-Vallée pour expérimenter justement la pose de planchers mixtes préfabriqués. Toutefois, Arbonis adopte pour Créteil une approche analogue de préfabrication.

En amont, Equilibrium développe une approche atypique de la structure, avec des emboîtements bois-bois entre poutres et solives, gourmandes en espace, mais qui permettent de réserver élégamment des passages pour les lots techniques. On comprend cette approche aussi par l’un des bureaux de Google, où les open space bénéficient d’une hauteur sous plafond égale à deux étages pleins. En France, les pratiques constructives font souvent basculer vers l’acier pour ne pas devoir gérer des retombées de poutres en bois sous CLT.

 

 

 

 

Hosta, hors norme

De même, l’idée de surépaissir le planchers CLT pour des raisons acoustiques et pour la protection feu n’effleure que rarement les concepteurs. C’est pourtant le cas pour la résidence universitaire Hosta qui s’élève au-dessus du périphérique parisien. Les étages en bois s’élèvent en appui sur les bords d’une dalle de plusieurs dizaines de centimètres très fortement armée qui enjambe l’autoroute, tandis qu’au milieu de l’édifice, des circulations en métal, censée répondre aux demandes de la doctrine, font descendre les charges sur le petit muret qui sépare les deux voies. De même, la double façade est conçue en bois car l’empreinte carbone de la dalle est trop forte.

 

 

 


Des dalles hybrides à gogo

On entend trop l’adage du bon matériau au bon endroit, au Forum. Il faudrait compléter, le bon matériau au bon endroit dans la perspective de minimiser de façon conséquente l’empreinte carbone. Cette orientation sous-tend le développement de planchers mixtes, notamment l’Arbodalle d’Arbonis, l’Atomwood de GA, l’Hybridal de Cruard, l’APB2 de Charpente Houot, voire le HOBOA de l’architecte Thierry Soquet. Au lieu de couler une dalle de compression sur une prédalle en béton, pour une épaisseur de 18 cm ou plus, les efforts se portent sur une réduction de la dalle béton à moins de 10 cm, et son association avec des éléments porteurs en bois. Comme la dalle est préfabriquée en atelier, il est plus facie d’utiliser du béton bas carbone qui prend plus de temps à sécher. Le bois devient donc l’allié du béton préfa dans une approche de technique sèche décarbonnée. On appelle ça le hors-site. Encore faudra-t-il mesurer l’empreinte carbone en tenant compte des contraintes acoustiques, de la logistique et du prix, et ne pas se contenter d’être un peu mieux par rapport au béton courant, mais d’avancer vers la RE2028 et RE2031 qu’il serait absurde d’abandonner dans le contexte climatique dramatique actuel.

 



Source : batirama.com / Jonas Tophoven © Hardel Le Bihan / Woodeum 

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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