Ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, en Europe, est essentiel pour le futur de la construction biosourcée. D’un côté, ce sont des étudiants en architecture qui poursuivent des projets pratiques qui les mettent en contact avec la réalité de la construction, et transgressent les habitudes et les clivages. De l’autre, la recherche appliquée élargit les horizons, notamment dans l’usage des feuillus en construction, en l’occurrence le chêne et le bouleau.
Le professeur Wieland Becker, de Trèves, s’est concentré sur l’utilisation constructive de chêne vert de faible diamètre. En général, du moins en Allemagne, les chênes de section inférieure à 30 cm ne sont pas utilisés pour le bois d’œuvre. En France, chez Biosyl, on en fait des pellets. Ou bien tout est mis en conteneur en forêt et acheminé à Anvers pour lester les porte-conteneurs qui retournent en Chine. Plus il y a d’applications constructives pour le chêne, et moins il en partira à l’autre bout du globe.
Utilisation de chêne vert de faible diamètre en support de charpente. © Wieland Becker
En France, Ducerf s’efforce de développer un CLT en chêne qui sera commercialisé à la rentrée. De l’autre côté de la frontière, dans le Palatinat, l’office régional de la forêt a construit avec le professeur Wieland Becker un bâtiment pour conserver les semences, dont la structure est composée de chêne vert de faible diamètre écorcé. Comme tous les éléments ont quand même été scannés, il est apparu que leur performance voisine souvent le D30, mais avec des écarts importants.
Pour le reste, tout a été fait comme si on venait construire en forêt avec une scie mobile, sauf que la scie a été implantée chez le charpentier qui a bien joué le jeu, habitué qu’il est au maniement de BLC de résineux. Avec des outils basiques, les assemblages restent simples et requièrent des pièces en inox. Il ne s’agit pas d’une construction complexe, ni habitée, mais l’idée sous-jacente de Wieland Becker est de ne pas toujours construire avec des BLC de résineux quand ce n’est pas nécessaire, d’autant que l’empreinte carbone de ces BLC n’a rien à envier au béton.
Portique avec Chêne vert de faible diamètre chez CLTec dans le Palatinat. © Wieland Becker
Sa démarche se poursuit notamment chez CLTec, un spécialiste palatinois de la troisième transformation du bois, à partir de BLC et de CLT. Une extension a été réalisée avec des portiques maison, utilisant une nouvelle fois les propriétés mécaniques des bois de brin en chêne vert.
L’empreinte carbone du BLC et du CLT de bouleau proposé par Hasslacher Norica Timber en Allemagne n’a pas été révélée, mais les performances mécaniques du BLC de bouleau, qualifiées de deux fois supérieures à celles de l’épicéa, permettent de construire autrement. Dans le cas d’un bâtiment administratif de Ingelheim sur le Rhin, présenté en session 2.2, il a été possible de reprendre un plan de base en béton et de le transformer en utilisant des poteaux-poutre de bouleau et des CLT d’épicéa. Une première grande référence assez spectaculaire pour Hasslacher Norica Timber.
Rencontre franco-allemande sur les ruines du camp de Struthof. © Heiner Lippe.
Quand on conçoit en béton pour construire en bois, les marges sont réduites. À Coblence, les étudiants en architecture ont voulu mettre la main à la pâte et construire en bois. Dans leur approche disruptive, ils ont choisi l’hexagone vertical, comme pour évoquer des mini-cellules d’habitation empilables en nid d'abeille. La première partie de ce tunnel est fixe, mais la seconde doit faire alterner la fonction lit, travail et repas en faisant tourner le module sur lui-même. Au moment du Forum, les étudiants planchaient déjà sur ce concept depuis plusieurs années et n’avait pas encore sorti de prototype. C’est le cas maintenant. Le modulaire hexagonal pour les logements étudiants est né. L’idée est tellement originale qu’on aurait envie de voir quelques nids d’abeille de ce type dans différents pays, afin d’affiner le système.
Maquette 1/1 du cœur du concept Hive de la faculté de Coblence. © Faculté de Coblence.
Le projet de Pierre Dufour, enseignant à l’ENSA de Clermont-Ferrand et architecte en chef des monuments historiques, est de protéger les ruines de la forge du camp de Struthof. Pour cela, il fait intervenir des étudiants en 4e année de son ENSA, et des élèves de la Technische Hochschule de Lübeck dans le Nord de l’Allemagne, menés par le francophile Heiner Lippe. Pas facile de se coordonner dans ces conditions. Au final, les Allemands se chargent de la protection de bâtiments annexes, et les Auvergnats de la protection principale qui enjambe complètement le vestige principal. La construction proprement dite devrait se faire avant la fin de cette année et revêt un caractère nouveau face à la montée du nationalisme en France et en Allemagne. La construction serait l’occasion de faire le lien avec les activités de résistance de Moussey, un peu plus haut dans les Vosges, dont la mémoire est conservée notamment par le scieur Maxence Lemaire.
Ces recherches appliquées poussées par des étudiants, ainsi que les développements de solutions constructives à base de feuillus, sont européennes autant qu’allemandes : Hasslacher est un géant autrichien du bois, les Hives sont une proposition pour tous des campus, la construction en bois de brin de chêne vient d’être mise en lumière par la reconstruction de Notre-Dame. Elles sont en phase avec les préoccupations françaises de préservation de la mémoire, du logement étudiant, de la construction très bas carbone et de la recherche d’alternatives à l’épicéa.
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À l’occasion des sessions inaugurales du 13e Forum Bois Construction, après une traditionnelle revue des recherches doctorales, la session 2.2 s’est concentrée sur la recherche appliquée européenne.