Licenciement pour inaptitude à l’emploi : à quoi le salarié a-t-il droit ?

Licenciement pour inaptitude à l’emploi : à quoi le salarié a-t-il droit ? © Freepik

François Taquet, avocat, nous révèle tout ce qu'il faut savoir dans le cas d'un licenciement pour inaptitude à l’emploi déclarée par le médecin du travail.




Licenciement pour inaptitude à l’emploi : à quoi le salarié a-t-il droit ?

 

Inaptitude d’origine professionnelle

Le salarié pourra prétendre à une indemnité compensatrice de préavis (même s’il ne l’effectue pas) ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement (au moins égale au double de l’indemnité légale de licenciement, voire l’indemnité conventionnelle de rupture si elle se révèle plus favorable pour le salarié).

 

 

Inaptitude d’origine non professionnelle

Le principe est que le salarié ne pourra prétendre à une indemnité compensatrice de préavis (la durée du préavis non exécuté est néanmoins prise en compte pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement).

S'il existe toutefois des dispositions plus favorables pour les salariés dans la convention collective, celles-ci doivent être appliquées. Il convient toutefois que ce principe de faveur soit expressément prévu. Ainsi, dans une affaire récente, un salarié avait tenté d’obtenir cette indemnité car la convention collective prévoyait expressément de ne pas indemniser le préavis d'un salarié licencié dans le cas d'une faute grave ou de la force majeure. A contrario, il estimait qu’il fallait donc indemniser ce préavis dans toutes les autres formes de rupture du contrat de travail y compris en cas d’inaptitude. La Cour de cassation rejette ce raisonnement puisque le principe le principe de versement d’un préavis n’était pas expressément stipulé dans la convention collective (Cass soc., 2 octobre 2024, pourvoi n° 23-12702).

Enfin, le salarié peut prétendre au versement d’une indemnité (légale ou conventionnelle) de licenciement.

 

 

 

Reçu pour solde de tout compte au terme du contrat de travail : un document obligatoire

Le reçu pour solde de tout compte fait partie des documents à remettre obligatoirement au salarié au terme du contrat de travail. Un état des lieux s’impose.

Ce reçu pour solde de tout compte est établi par l'employeur en double exemplaire (mention en est faite sur le reçu). L'un des exemplaires est remis au salarié. Le document fait l'inventaire des sommes versées à l'intéressé lors de la rupture du contrat de travail. L'un des exemplaires est remis au salarié. Ce document est certes obligatoire mais le salarié reste libre de le signer. Le reçu doit comporter la date de sa signature, qui doit être certaine.

Le reçu pour solde de tout compte peut-être dénoncé par le salarié dans les six mois suivant sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. La dénonciation doit être faite par lettre recommandée, sans avoir à être motivée.

Si le salarié a refusé de signer le reçu ou s’il a émis une réserve, il pourra contester les sommes visées dans un délai de :

– 1 an pour les sommes liées à la rupture du contrat de travail (ex : indemnité de licenciement, indemnité de rupture conventionnelle) ;

– 2 ans pour les sommes liées à l'exécution du contrat de travail (ex : frais professionnels) ;

– 3 ans pour les sommes liées au salaire (ex : prime d’ancienneté, indemnité compensatrice de préavis).

 

 

 

Du côté de la jurisprudence

 

Droit du travail

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire (Cass soc. 11 septembre 2024 pourvoi no 22-24514). Ayant constaté que l’employeur avait, avant l’entretien préalable, manifesté la volonté irrévocable de rompre le contrat de travail, la cour d’appel aurait dû déduire l’existence d’un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass soc. 18 septembre 2024 pourvoi no 22-24363). L’altercation survenue entre le supérieur hiérarchique d’une salariée et le compagnon de celle-ci ne permet pas de caractériser un fait personnellement imputable à la salariée. Elle ne peut donc pas faire l’objet d’un licenciement disciplinaire (Cass soc. 11 septembre 2024 pourvoi no 23-15406).

L’employeur qui adresse une lettre de reproches à un salarié pour des faits qu’il estime fautifs est une lettre constituant une sanction disciplinaire (Cass soc 29 mai 2024, pourvoi n° 22-19313).

L’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace, et n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail (Cass soc. 25 septembre 2024 pourvoi no 22-22851).

 

 

URSSAF / Paie

Les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d'investigation sont d'application stricte, de sorte que ces dispositions ne permettent pas l'audition des personnes rémunérées par un prestataire de services de la personne contrôlée (Lyon. CHAMBRE SOCIALE D (PS). 17 septembre 2024. RG n° 23/00267).

Dès lors qu’ une société produisait l'exemplaire de la lettre d'observations se terminant par la mention "Les inspecteurs du recouvrement…", alors qu’une seule signature figurait sur l'acte, non seulement les dispositions de l'article R. 243-59 n'ont pas été respectées mais encore, la cotisante n'a pas pu bénéficier de la totalité des garanties prévues des dispositions suivant lesquelles les inspecteurs ayant mené les opérations de contrôle valident tous l'exposé de leurs constatations et de leurs conclusions dans le document qui ouvre officiellement la période contradictoire précédant la mise en demeure. Par conséquent, la lettre d'observations était irrégulière et l'ensemble des actes subséquents, en ce compris la mise en demeure, étaient nuls (Grenoble. CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE. 19 septembre 2024. RG n° 20/03769).

La mise en demeure comme la contrainte émise par l'URSSAF en raison de Ieur caractère impératif ou exécutoire, doivent mentionner les noms, prénoms et qualité de l'auteur ayant émis le titre sous peine irrecevabilité et à moins qu'il ne soit établi que ces informations ont été portées à la connaissance du débiteur. Faute de ces précisions, le cotisant n'a pu connaître l'identité du décisionnaire de la mise en demeure qui est donc nulle (TJ Vesoul, 11 octobre 2024. RG n° 24/00224, 24/00112, 24/00226).

Le défaut d’information sur une mise en demeure des voies de recours n’est pas de nature à entraîner la nullité de l’acte, mais seulement à ne pas faire courir le délai pour contester la décision (TJ Nantes, ctx protection sociale, 13 septembre 2024, RG n° 23/00187). 

Le cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte (Rouen. Chambre sociale. 23 septembre 2024. RG n° 22/02538).




Source : batirama.com / François Taquet

L'auteur de cet article

photo auteur François TAQUET
François Taquet est professeur de droit social et avocat spécialisé dans le contrôle et le contentieux Urssaf. En plus de ses contributions régulières pour la presse, il est l’auteur de nombreux livres qui traitent de droit du travail et de sécurité sociale.
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