À Villeneuve-de-la-Raho, ce projet de golf de 160 hectares, pour 27 trous et 529 logements, est porté depuis vingt ans par la maire LR, Jacqueline Irles, mais aussi :
– la Chambre de commerce et d'industrie,
– le Medef 66,
– ainsi que les représentants départementaux des fédérations du Bâtiment et de l'Immobilier.
Toutefois, beaucoup s'y opposent, pour diverses raisons. Dernièrement, une enquête sur les conditions d'acquisition des terrains, à la suite de plaintes d'associations et d'un signalement de la part de la préfecture du département, a été ouverte.
Ce projet de golf est vivement contesté par plusieurs associations écologistes et des élus, dans un département qui ces dernières années a été touché par une sécheresse persistante (selon la présidente de la Chambre d'agriculture locale, les Pyrénées-Orientales ont depuis deux ans la "pluviométrie de la Jordanie"). En visite dans le secteur en mai 2024, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avait qualifié le projet "d'anachronique".
Les travaux ont donc été différés en raison de nombreux recours, tandis que le préfet avait prolongé, en décembre 2024, la DUP (Déclaration d’Utilité Publique).
Consommatrice d’eau, de produits phytosanitaires, de milieux agricoles ou naturels, ... : autant d’étiquettes qui collent à la peau de la filière golfique depuis des décennies, et font bondir les écologistes ou ceux se revendiquant comme tels.
Pour la maire Jacqueline Irles, c'était beaucoup de bruit pour rien. Comme le rapporte Ouest-France en la citant : "C’est un projet avant-gardiste et précurseur, qui a anticipé le problème de l’eau dans notre pays." Selon elle, le promoteur devait investir 950 000 euros afin de traiter aux UV l’eau de la station d’épuration et l'utiliser pour arroser les greens.
Concernant l'arrosage et contrairement aux idées reçues, les terrains de golf doivent respecter un cadre légal, fonction du niveau de gravité de la sécheresse (vigilance, alerte, alerte renforcée ou crise). En seuil d’alerte, l’arrosage en journée est interdit, la consommation hebdomadaire doit être réduite de 15 à 30 % et les prélèvements d’eau doivent être inscrits chaque semaine sur des registres, précise un guide méthodologique écrit par le ministère de la Transition écologique. En alerte renforcée, la consommation d’eau est réduite d’au moins 60 %, l’arrosage est interdit sauf sur les départs et sur les greens. Enfin, au stade dit de crise, il y a interdiction d’arroser. Les greens peuvent éventuellement l’être la nuit, par un arrosage réduit au strict nécessaire, sachant que sans eau, un green meurt en trois jours (il faut trois mois pour le faire repousser). Certains golfs irriguent avec des eaux usées. © Laure Pophillat
On peut légitimement se poser la question : le golf, activité sportive contre-nature ou opportunité écologique ? Elle est le titre d'un passionnant travail de recherche orchestré par Océane Roquinarc'h, Aurélie Lacoeuilhe, Philippe Gourdain, Thomas Charrier et Catherine Fournial et publié dans la revue Naturae.
Pour commencer, des efforts considérables ont été fournis par la Fédération française de golf, avec notamment l'élaboration du programme "Golf et environnement 2019-2024" conjointement avec le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, et une collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle afin de préserver les zones de biodiversité qui se développent dans les espaces laissés sauvages sur les terrains, les roughs. Ce programme vise à "favoriser les partenariats
entre structures golfiques et naturalistes pour mieux connaître et préserver la biodiversité dans les espaces golfiques. Il ne répondra pas à lui seul à l’ensemble des défis actuels de la filière golfique, mais participe à l’adhésion généralisée à cette transition écologique, nécessaire à l’avenir de ce sport de nature", ainsi que le relève l'article.
La France compte 30 000 hectares dédiés à des terrains de golf. Souvent considéré comme impactant pour les ressources en eau et la biodiversité, le golf implique des activités d’entretien des gazons récurrentes et des surfaces de jeu plus ou moins importantes. La réduction des incidences environnementales est une nécessité pour la filière golfique, ce dont elle a bien conscience. © Laure Pophillat
De fait, l'article de Naturae montre que dans bien des cas, les "golfs peuvent être supports de connaissances scientifiques, jusque-là très parcellaires sur ces sites, voire de restauration ou de conservation de la nature". Les structures golfiques françaises, riches d’une diversité de milieux, abritent une biodiversité variée et peuvent constituer des zones refuges importantes pour la faune et la flore.
Un label "Golf écodurable" avait été développé par Ecocert en 2011, marquant l’engagement de la filière dans une démarche plus respectueuse de l’environnement, prônant une gestion durable des parcours. Trois grands engagements politiques avaient amorcé cette conversion :
– la signature de la première Charte sur l’Eau en 2006 ;
– le Plan Ecophyto 2008, découlant du Grenelle de l’Environnement de 2007 et ayant pour objectif la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires ;
– Et, en 2010, la signature de la Charte nationale "Golf et Environnement".
En 2016, la ffgolf (Fédération française de golf) avait poursuivi dans ce sens en signant un partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et en lançant début 2018 le Programme Golf pour la biodiversité. Depuis, la filière golfique n'a de cesse de poursuivre cet engagement en faveur de l’environnement.
Concernant le projet de golf de Villeneuve-de-la-Raho, et confirmant des informations de la presse locale, le procureur de la République a indiqué à l'AFP avoir ouvert une enquête sur les conditions d'acquisition des terrains à la suite de plaintes d'associations et d'un signalement de la part de la préfecture du département, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.
L'association Agissons 66, qui a déposé plusieurs plaintes, estime que les transactions entourant l'acquisition des terrains pour le projet de golf pourraient faire apparaître des faits de :
– prise illégale d'intérêt,
– et fraude aux marchés publics.
Selon La Gazette du Roussillon, il s'agirait plus spécifiquement d'achats et de reventes de terrains à des élus, hors des prix demandés dans le cadre de l'expropriation et des reventes à pertes pour la commune, ainsi que d'absences d'appel d'offres pour des travaux d'aménagements.
L'enquête a été confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier, a précisé le procureur.