ZAN : même avec un assouplissement de la loi, notre modèle d’urbanisme doit être revisité

ZAN : revisiter notre modèle d'urbanisme. © Freepik

Même si la Loi ZAN est modifiée dans les prochains jours, les objectifs finaux, eux, resterons les mêmes, à savoir, plus aucune d’artificialisation nette des sols en 2050. Y arriver n’est pas impossible...




Trop complexe et trop éloignée des réalités du terrain, la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette des sols) est en train d’être revisitée au Parlement. "Un maire d’un petit village des Pyrénées qui n’avait pas construit une seule maison pendant des années, ne pouvait plus construire car la loi ne donne droit d’artificialiser que la moitié de la surface artificialisée ces dix dernières années. Or, la moitié de zéro est zéro", déplore le sénateur Guislain Cambier auprès de Batirama.

Ce dernier porte la nouvelle loi Trace, déjà votée par le Sénat et qui, si elle est votée par l’Assemblée nationale, pourrait assouplir les échéances intermédiaires de la loi ZAN. "Le calendrier et la méthode actuels ne sont pas bons, mais il faut conserver les objectifs de la loi ZAN, poursuit le sénateur. On a changé les modes de calcul pour que ce soit plus simple."

Mais même avec des dispositions plus souples, réduire l’artificialisation des sols demeurera toujours une tâche complexe pour les élus puisque c’est un ensemble d’habitudes d’urbanisme qui est à reconsidérer. Quels sont les besoins futurs et quelles sont les marges de manœuvre pour conserver une sobriété foncière ?

 

 


Quels besoins en France ?

L’artificialisation des sols progresse chaque année de 20 000 000 hectares sur les espaces agricoles et forestiers. La grande majorité de cette consommation foncière se réalise (selon le Cerema) :

– à destination de l’habitat, à 63 % :

– Pour les activités économiques (23 %) ;

– Et, enfin, les infrastructures routières et ferroviaires pour 8 %.

 

Deux bonnes nouvelles (car il en faut). La première, c'est que le rythme d’artificialisation des sols a diminué ces dix dernières années puisqu’avant 2012, près de 50 000 hectares étaient artificialisés par an. La deuxième est que notre mode de construction arrive à devenir plus dense. Un hectare de terrain permettait de construire 1 950 mètres carrés en 2011, contre 2 538 en 2021, soit un gain de 30 % en dix ans selon le Cerema.

Malgré cette tendance encourageante, il faudra poursuivre les efforts notamment sur le premier poste d’artificialisation que représente l’habitat. Les besoins sont d’environ 400 000 nouveaux logements par an, bien plus dus à la décohabitation qu’à l’augmentation de la démographie. Même s’il reste très difficile de prédire les besoins futurs des prochaines décennies, on peut garder à l’esprit que 2050 pourrait coïncider avec une stabilisation du nombre de ménage selon les projections de l’INSEE à 34 millions plus exactement (contre un peu plus de 30 millions actuellement). Les besoins de construction pour le logement pourraient ainsi être largement allégés dans 25 ans. Mais en attendant, comment construire mieux ?

 

 


Faudra-t-il faire le deuil de la maison individuelle pour cesser de bétonner ?

Il ressort deux zones géographiques qui seront particulièrement concernées par l’artificialisation des sols dans les années à venir : les périphéries des métropoles et le littoral. Sur ce dernier la construction de logements individuels pèse énormément sur le foncier et de surcroit, sans même accompagner une croissance de la population car il n’est pas rare de trouver certaines communes comportant 80 % de résidences secondaires.

 

La sur-représentation des résidences secondaires dans les zones côtières en France. © Site de L’observatoire des territoires

 


Or, le logement individuel est la principale cause de l’artificialisation des sols. Comme l’indique une note publiée par le gouvernement en juin 2020 (Trésor-Eco n°261), les logements individuels ont représenté 41 % des constructions totales en 2018, mais ont représenté… 93 % de la consommation des sols causés par l’habitation ! Ces chiffres indiquent qu’en construisant seulement du logement collectif, les objectifs initiaux de la loi ZAN à l’échéance intermédiaire de 2031 seraient atteints.

Mais la pression sur les collectivités locales demeure écrasante. "Le problème est que les élus du littoral n’ont de la demande que pour de la maison individuelle", explique un géographe. "Même une petite densification avec un petit collectif est tout de suite perçue comme un risque pour l’identité de la commune et de son paysage architectural balnéaire. Ces élus ont énormément la frousse parce qu’il y a des recours contentieux sur tout, y compris sur un petit collectif que l’on souhaite réaliser en centre-ville." L’incitation à ne pas construire de logements collectifs est d’autant plus forte que la fiscalité sur les résidences secondaires demeure très avantageuse pour les collectivités.

 

 


À quand un renouveau du logement collectif ?

Lorsqu’en 2021, Emmanuelle Wargon alors ministre du Logement qualifiait la maison individuelle de "non-sens écologique, économique et social", le tôlé suscité l’avait conduite à revenir sur ses propros. Derrière le rêve de la maison individuelle pour quatre Français sur cinq réside le désamour du logement collectif. Et pour cause, les projets immobiliers collectifs peuvent manquer d’ambition sociale et écologique, en plus d’accuser un énorme temps d’adaptation par rapport aux aspirations actuelles de la société. Même si de timides progrès sont visibles.

"À Libourne, quand les bailleurs sociaux viennent nous proposer des projets, ce n’est plus la même chose qu’il y a 10 ou 15 ans, il y a plus d’espaces de co-living, de la modularité, il y a de la réflexion pour se dire c’est un logement temporaire, plus de respirabilité avec des espaces verts, des jardins partagés, terrasses collectives", explique Laurence Rouède, vice-présente de la Région Aquitaine et déléguée à l’urbanisme de la ville de Libourne. "On prévoit des balcons qui sont des vraies terrasses. Les tours sans balcons, ce n’est plus possible."

Cependant le rythme d’évolution est trop long. "Je me réjouis de voir qu’on change, il y a une vraie recherche dans le monde des architectes", confirme l’urbaniste Philippe Schmit. "Mais le rythme est beaucoup trop lent, même encore aujourd’hui les programmes qui sortent ont été pensé il y a 10 ans !" À titre d’exemple, les projets immobiliers prévoyant une portance suffisante pour intégrer de l’agriculture urbaine restent encore rarissimes en dépit des vertus sociales, économiques et écologiques qui ont été démontrées. Et pour cause, ce type de projet architectural augmente le coût de la construction

 

Les projets immobiliers prévoyant une portance suffisante pour intégrer de l’agriculture urbaine restent encore rarissimes. Toutefois, on en trouve, comme ici avec Le Vitalys, un immeuble implanté Porte des Lilas, à Paris. © aKagreen

 

 

 

Le vivier immense des friches… qui ne sont pas au bon endroit

Quant aux friches, oui elles représentent un vivier de foncier considérable représentant entre 90 000 et 150 000 hectares, soit, entre cinq et sept d’années d’artificialisation des sols. "Le problème des friches est qu’elles ne sont pas au bon endroit puisque la plupart se situent dans la diagonale du vide", précise le sénateur Guislain Cambier. Le site en libre accès "Cartofriche" mis à disposition par le Cerema fait état de 11 820 friches en France. Un peu moins de de la moitié (44 %) ont été reconvertis ou disposent d’un projet, et 6 581 friches sont actuellement sans projets.

 

Cartographie du vivier des friches en France. © Cartofriches.cerema.fr

 

 


Repenser complètement "la France moche"

La densification pourrait avoir lieu au sein de "la France moche", c’est-à-dire ces zones commerciales en entrées de villes qui constituent une spécificité française inexistante en Espagne ou en Italie. Ces "boîtes à chaussures", répartis dans les 1 500 centres commerciaux en France, occupent 50 000 hectares, soit cinq fois la surface de Paris. Une surface relativement intéressante (comparée aux 20 000 hectares artificialisés chaque année), qui pourrait être complètement revisitée et densifiée pour intégrer des logements, des bureaux, ou des centres d’activités.

Cependant, les projets n’en sont qu’à leurs balbutiements et les coûts de réhabilitation très élevés. Rien que pour déloger une moyenne surface il faut débourser entre 3 à 4 millions d’euros, chiffrait l’urbaniste Pascal Madry au micro de France Culture. De son côté, le gouvernement a lancé en septembre un plan de transformation des zones commerciales doté d’une modeste enveloppe de 26 millions d’euros pour soutenir des projets existants. "Ces 74 projets de transformation représentent un potentiel de production de 25 000 nouveaux logements ainsi qu'une nouvelle offre commerciale plus adaptée (bureaux, équipements publics, espaces verts, etc.)", lit-on sur le site du gouvernement.

 

"France moche" : comment les zones commerciales nous ont envahis en un demi-siècle. © Vidéo YouTube LeHuffPost

 




Source : batirama.com / Roman Epitropakis / © Freepik

L'auteur de cet article

photo auteur Roman Epitropakis
Roman Epitropakis est journaliste, spécialisé dans l'industrie et l'économie. Il couvre les thématiques de l'économie du BTP, les techniques de construction et la transition vers la construction durable et l’urbanisme durable.
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