Un programme de rénovations énergétiques scolaires a été engagé par le gouvernement sur la base de la charte Edurenov. On se croit ramené dix ans en arrière, quand un département comme la Manche, face à l’urgence climatique, décidait de rénover en bloc tous ses collèges dans le cadre de contrats de performance énergétique, auxquels était associé le développement énergétiques des haies. Strasbourg avait emboîté le pas, puis rien. Les procédures de conception-réalisation avaient été reconsidérées suite à des dérives dans le domaine hospitalier. L’arrivée en Europe des gaz de schistes américains, puis la pandémie, ont fait lâcher pied sur le sujet, réactivé par les conséquences de la guerre en Ukraine.
Ce temps perdu se cumule avec une incroyable méconnaissance du tissu scolaire bâti durant les cinquante dernières années. Alors que l’État procédait par clonage de conceptions-type, souvent en béton tramé, il est aujourd’hui bien difficile d’établir la genèse de bâtiments multiples qui demanderaient justement une approche coordonnée. Au contraire, le travail de rénovation scolaire est saucissonné selon les attributions de gestion politique. Le cas d’un collège à rénover en Loire-Atlantique est traité en Loire-Atlantique. Même chose en Savoie. Il n’existe pas à ce jour de passerelles, d’échanges de bons procédés. Sauf avec cet atelier parallèle du 14e Forum, suscité justement par l’architecte Véronique Klimine de R2K, qui s’est rendue compte que le projet de rénovation dont elle a la charge à Bourg d’Oisans ressemble bigrement à d’autres en France.
Véronique Klimine de l'agence grenobloise R2K crée à bourg d'Oisans une longue façade en extension. © FBC
Il y a des acteurs qui n’ont pas perdu leur temps. Le cas de LCA est emblématique, servi sans doute par un Conseil général de Loire-Atlantique qui n’a pas mis la tête dans le sable. Ce qui frappe, c’est que la rénovation énergétique de bâtiments scolaires, même tramés, demande le développement d’un savoir-faire que le cas de LCA chiffre en de nombreuses années. C’est ce qui permet aussi de comprendre pourquoi l’approche Energisprong n’a pas décollé en France depuis sa promotion par Greenflex. Dans le cas de LCA, il y a dix ans, on était face à un charpentier tout de même en mesure de surélever un parking en cours intérieure d’immeuble parisien pour y bâtir des logements en CLT qui ont tapé dans l’œil de Brézillon puis de Bouygues. Mais sur le plan de la rénovation de façades, le savoir-faire de l’entreprise se cantonnait aux bardages sur ITE.
Karine Bouhier de LCA intervient en ouverture de l’atelier en traçant la trajectoire de son entreprise au fil de quatre opérations de rénovation. Chaque pas de compétences est conquit par des investissements en usine, qui ouvrent également la voie à des marchés parallèles comme la rénovation énergétique de logements ou autres catégories du bâtiment. Une orientation féminine ? En tout cas, la charpenterie masculine de cette décennie a privilégié la structure. LCA semble s’être rabattue sur un apprentissage patient et risqué de préfabrication et de gestion des délais en sites occupés. En entraînant derrière eux les fournisseurs des composants des façades, et parfois la maîtrise d’ouvrage.
Karine Bouhier, l'une des rares dirigeantes de grande entreprises de charpente, en France, décrit la progression de son entreprise dans la gestion de la préfabrication sérielle depuis dix ans. © FBC
Le scan et les nuages de points : il y a dix ans, plusieurs programmes européens avaient tenté de le développer, mais il a également fallu de longues années pour gérer les nuages de points. Chez LCA, c’est maîtrisé. Les façades en panneaux notamment HPL : ce n’est pas la même chose que le bardage, les charpentiers comme LCA ont dû s’adapter, l‘aspect final demande parfois un montage sur site avec pré-percements. L’intégration des menuiseries : comme pour la préfabrication en usine des revêtements de façade, il faut s’équiper d’une fosse en veillant bien à ce qu’elle permette de gérer des épaisseurs variables. Les cas d’école de LCA montrent aussi le besoin de flexibilité. Le chemin vers la préfa n’est pas à sens unique. L’orientation de ce marché est que l’on passe à des éléments si possible complets et de grande largeur, mais dans l’un des derniers cas présentés, l’option qui se présente en site occupé est de réaliser les travaux silencieux pendant l’activité de l’école (préparation du support), afin de poser bruyamment un grand nombre d’éléments préfabriqués de grande longueur à chaque congé toutes les six semaines.
L’exemple de LCA montre que la préfabrication ne signifie pas un raccourcissement des délais de chantier, que la fabrication tramée ne dédouane pas d’une maîtrise du scan en finesse, et que l’apprentissage accompagné d’investissements est continu. Demain, on préfabriquera les façades scolaires et les autres avec de la paille hachée ou en botte, on appliquera en usine des enduits de perspirance, on ajoutera des ganivelles de châtaignier pour les plantes grimpantes bioclimatiques, voire du houblon ou des plantes alimentaires. À moins d’ajouter à l’isolation des façades techniques équipées notamment de panneaux photovoltaïques, de brise-soleils, des récupérations d’eau de pluie…
Les projets présentés par Véronique Klimine, Anne Carcelen et Much Untertrifaller dans le cadre de cet atelier sont tous en cours et méritent des descriptions séparées. L’atelier B7 est disponible à l’écoute sur Viméo sur FBC2025 et présente des points d’étape.
Anne Carcelen intervient dans l'Orne et, comme les autres interlocuteurs, privilégie la limitation des destructions et la compacité. © FBC
En tout cas, on peut parier sur le fait que demain, la rénovation sérielle scolaire ne sera plus simplement énergétique. En témoigne l’approche de la ville de Paris. Les édiles s’inscrivent dans l’agenda des Accords de Paris et souhaitent mettre à niveau leurs 700 établissements (crèches, maternelles, écoles élémentaires). Selon Caroline Haas, cela signifie un doublement des grosses opérations, qui doivent passer de 15 à 30 par an (en supposant que la prochaine mandature y adhère). La directrice Constructions Publiques et Architecture chez Ville de Paris explique au Grand Palais un changement d’approche de la rénovation. Fini les cahots et congestions des interventions pendant les congés. Désormais, les établissements seront fermés pendant toute la durée des travaux. Ce qui ouvre également la voie à un élargissement des interventions, au-delà de la simple amélioration des dépenses énergétiques. Au point que cela pourrait rebattre les cartes de la préfabrication et du hors-site : si le chantier dure un an, pourquoi ne pas basculer vers le in situ biosourcé, type la paille enduite en façade ? La rénovation sérielle, cela ne veut pas dire faire la même chose en usine pour partout. Mais plutôt : on va "rénover en grandes séries", notamment à cause du confort que l’on ne peut même plus appeler confort d’été, mais confort de surchauffe.
Tout sur le Forum Bois Construction
Thème de l’atelier parallèle B7 du 14e Forum Bois Construction, la rénovation des très nombreux établissements scolaires tramés en béton ouvre la voie à la rénovation sérielle de bureaux, commerces et logements.