Après un premier focus sur la ressource bois, puis un second sur la transformation du bois, le troisième volet de l’éclairage apporté sur la part du bois dans le cadre de la COP21 débouche naturellement sur la phase chantier.
Pour ce qui concerne la période d’usage des bâtiments, qui suit son édification, c’est assez simple : moins un bâtiment ne consomme d’énergie, notamment fossile, et mieux c’est. Cela dit, plus un bâtiment est isolé, et plus le “coût carbone” de l’acte de construire devient important en proportion.
L’architecte Pascal Gontier, spécialiste de l’architecture passive, s’intéresse à ces questions depuis de longues années. Dès 2010, il a livré Passage Fréquel le premier immeuble “passif” parisien, composé de 17 logements sociaux.
Ensuite, et à sa charge, Pascal Gontier a fait évaluer le bilan carbone de ce chantier en se calant sur une méthode de calcul de l’Ademe. Il apparaît que dans cet ouvrage en structure béton, en matière d’émission de gaz à effet de serre, la construction équivaudrait à 70 années d’exploitation !
Pascal Gontier s’est construit la même année une maison passive à énergie positive. Les matériaux utilisés pour la maison ont été choisis en tenant compte de leur bilan écologique, de façon à minimiser l’énergie grise liée à la construction du bâtiment et à contribuer à la lutte contre l’effet de serre (stockage de carbone).
Ainsi la structure est en ossature bois à partir du rez-de-chaussée, le bardage et les fenêtres sont en bois, et l’isolation est en cellulose et laine de bois (sauf pour les points singuliers).
Malgré la différence de taille des deux ouvrages, l’architecte a pu comparer les deux bilans et constater que « même en choisissant l’ossature bois, les fondations en béton pèsent lourdement sur le bilan ».
Dans le monde de la construction, l’approche “zéro carbone” est apparue au grand jour avec la livraison, par l’architecte Nicolas Favet, du groupe scolaire Abdelmalek Sayad à Nanterre (2013).
Ce dernier ne se contente pas d’une approche passive ou “à énergie positive”, mais tente de prendre pleinement en compte le coût carbone de la construction. Ainsi, il chiffre le stockage de carbone dans le bâtiment de l’école à 1500 tonnes.
A déduire, il y a par exemple l’équivalent carbone d’un recours à une grue en acier, d’une durée de vie moyenne de 12 ans et qui a séjourné un an sur le chantier… L’architecte va publier prochainement un ouvrage autour de cette réalisation, dont un chapitre en guise de manifeste détaillera son approche “BEZ”, Bâtiment Emission Zéro.
Parallèlement, la nouvelle association nationale Bâtiment Bas Carbone (ABBC), créée au printemps, planche encore sur son référentiel d’estimation du bilan carbone d’un ouvrage. Il devrait comporter trois volets : l’évaluation, sur la base des FDES et ACV, de l’impact en “équivalent CO2” par m2 construit ; l’impact de l’exploitation en termes de consommation d’énergie ; le stockage de carbone dans le bâtiment.
De fait, la profession bute depuis des années sur un problème de méthode. Nicolas Favet rappelle à titre d’exemple que selon la méthode de calcul de l’Ademe, « un plancher en bois tourillonné sans vis et sans colle est jugé équivalent, en matière de carbone, avec un plancher en béton ».
Il existe cependant des alternatives comme le logiciel Cocon édité par Luc Floissac, ou l’approche Minergie en Suisse, et d’autres : En France, rappelle Nicolas Favet, « le débat est biaisé par la forte part de l’énergie nucléaire, qui permet de faire du “bas carbone” plus facilement qu’ailleurs ».
Pour le nouveau groupe scolaire Stéphane Hessel/Les Zéfirottes à Montreuil, présenté comme “zéro énergie, zéro carbone et zéro déchets nucléaires”, l’architecte Christian Hackel, pragmatique, stocke du carbone au maximum, pas seulement grâce au bois. S’ajoute pour lui une recherche de produits de substitution carbonés pour les isolants (biosourcés), les vêtures. Et enfin, un travail pointu sur les équipements techniques.
Au moment où se tient la COP21 qui devrait stimuler les débats autour des modes d’évaluation du bilan carbone de la construction, les Vosges jettent une grume de hêtre dans la mare : leur programme de valorisation du hêtre local dans la construction commence à porter des fruits et conforte l’approche de transformation en cycle court du bois.
« le débat est biaisé par la forte part de l’énergie nucléaire, qui permet de faire du “bas carbone” plus facilement qu’ailleurs ». C'est d'autant plus vrai, qu'il faut rappeler qu'il y a une très grosse confusion, habilement entretenue par EDF et ERDF, entre production et consommation. Si l'électricité nucléaire est une réalité française de production, cela n'est pas du tout une réalité de consommation. Or le plus important, c'est notre consommation. Nous consommons de l'électricité EUROPÉENNE. Tous les jours, toutes les heures, des centaines de milliers de mégawatts traversent les frontières de l'Europe dans tous les sens. C'est une nécessité technique pour équilibrer les réseaux et ne pas avoir la grande panne comme celle des USA, il y a quelques années. C'est une nécessité parce qu'on ne sait pas la stocker massivement. Ça fait + de 30 ans que le réseau européen fonctionne, ça fait 30 ans qu'on consomme de l’électricité carbonée européenne et qu'on brade, ce dont on n'a pas besoin. Outre l'aspect environnemental catastrophique, la grande production centralisée est une vision obsolète qui favorise le gaspillage et le nucléaire, faute de pouvoir s'adapter à la demande, nous fait payer sa gabegie.
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Et l'énergie grise de la production nucléaire ? Le démantèlement des centrales ou leurs constructions, avec des milliers de m3 de béton. La seule voie, est celle de la troisième révolution industrielle, et l'approche de production et utilisation locale.