La construction bois modulaire est devenue une réalité internationale. Le bâtiment d’habitation détenteur actuel du record de hauteur, à Bergen en Norvège, comporte des modules.
Développé en Italie du Nord, le concept hôtelier d’Ikea, Moxy, combine des modules en panneaux de CLT pour les salles de bains des chambres, et des éléments en 2D fortement tramés. Le mouvement est sans doute mondial, même s’il n’est pas nouveau.
En France, le leader du marché de la construction bois, il y a une vingtaine d’années encore, c’était Houot, un spécialiste du modulaire. C’est à ce moment-là que les architectes suisses de Bauart Architekten ont commencé à miser sur la modularité.
Le professeur Marco Ryter, de Bauart Architekten, démarre l’atelier B2 en rappelant qu’en architecture, la modularité a au moins un siècle. Et pour ce qui concerne les modules en bois, le bilan de l’agence montre à quel point ce sujet a déjà été exploré au cours des dernières décennies.
Fondamentalement, le module en bois jugule mieux les ponts thermiques et les nouveaux bois d’ingénierie comme le CLT peuvent conférer une rigidité supplémentaire aux modules. S’ajoute l’association avec des micropieux pour profiter des atouts de la légèreté et construire vite, notamment en haute montagne.
Mais c’est sans doute l’évolution sociétale qui est la plus importante : petites structures flexibles aux grandes unités industrielles, il faut toujours se conformer au même gabarit routier, et tenir compte du fait que la réalité des chantiers et des besoins s’oppose souvent à une standardisation à outrance.
C’est peut-être aussi pour cela que le modulaire, aujourd’hui, reste fondamentalement du 2D monté en trois dimensions à l’usine. Il n’existe pas (encore) de process industriel d’assemblage en trois dimensions, et pas non plus (encore) des lignes de production robotisées. Bref, toutes les entreprises ont une chance.
C’est sympathique que le marché soit encore humain et assez ouvert. Cela s’explique aussi par la difficulté que le modulaire doit vaincre partout : il doit séduire l’utilisateur final. Pas seulement l’architecte !
Pour nombre d’architectes, l’approche modulaire est une passion cachée. Si c’étaient les architectes qui décident, on verrait des bâtiments besoin de solutions de densification pour des chantiers urbains sans nuisances, délais courts.
Si le modulaire se développe, c’est peut-être aussi grâce aux outils de conception 3D et à la généralisation de la préfabrication dans le monde du bois : dès lors que l’on travaille dans un atelier abrité, pourquoi ne pas pousser le plus loin possible la préfabrication ?
La France est sans doute le pays où le développement actuel du modulaire bois est particulièrement intéressant. D’un côté, il y a le géant industriel BH avec sa capacité de construire 1000 maisons modulaires par an.
Un grand spécialiste et pionnier de la préfabrication 2D comme Ossabois s’est également adapté à ce défi, et marie couramment 2D et 3D, quand il ne décroche pas l’une des résidences universitaires modulaires des appels d’offre du CROUS, qui ont stimulé ce marché au cours des cinq dernières années.
Il y a aussi Dhomino, qui se positionne avec un concept de fabrication délocalisable, et assez stable pour permettre un empilement sur 10 étages. N’oublions pas un certain nombre d’acteurs qui ont émergé et quitté la scène et qui, selon Sylvain Fouret de Selvea, on sans doute visé trop haut et trop tôt.
Selvea, justement, est un exemple d’une structure artisanale qui a tenu le choc en évoluant progressivement. Au départ, tout ce passait dans un hangar, où les différents corps d’état partenaire intervenaient à tour de rôle sur un module donné.
A présent, la production a été rationalisée, optimisée. Sachant que des modulaires partout. Le frein, ce sont toujours les utilisateurs finaux qui n’aiment pas être mis en boîte. C’est ce qui fait tout le charme actuel de l’émergence d’un segment de marché moins utilitaire, moins ostensiblement ancré dans le provisoire.
L’atelier B2 l’éclaire au travers de deux opérations d’envergure qui misent sur l’architecture et l’urbanisme : 60 logements à Rive-de-Gier par l’éminente agence lyonnaise Tectoniques, 50 logements par PPA Architectures à Toulouse.