Peu importe les chiffres de fréquentation d’un bilan de clôture à venir : le fait que le Carrefour International du Bois est parvenu à générer dans ses allées son effervescence de toujours est déjà un grand succès compte tenu des grèves et inondations.
D’autant plus que le riche programme de conférences a été bien suivi. Le CIB est vraiment au top sur le segment du bardage, et surprenant dans celui de l’habillage intérieur. Il reste incomparable pour la présentation des scieurs et rabotteurs français, ainsi que des traders du marché européen.
En contrepoint d’une configuration de halls et de stands traditionnellement désordonnée, encore parfois indigents en termes de marketing et de communication, ces conférences ont apporté les informations qu’on est en droit d’attendre d’un salon “leader en Europe”.
Ce qui est particulièrement le cas de la présentation, à l’issue de l’Assemblée générale de LCB (Le Commerce du Bois), de la synthèse d’une étude réactualisée sur le marché français des sciages bruts et des produits techniques dérivés en 2015.
Serge Lochu analyse le marché des sciages depuis le début du siècle. Il avait dévoilé sur le CIB, en 2012, une étude réactualisée en 2010. Un second volet, nouveau, portant sur les sciages dits “techniques” (bois aboutés, contrecollés etc.) avait été présenté dans la foulée sur le salon Eurobois, mais à huis clos.
Les financeurs de cette étude unique en Europe, à savoir France Bois Forêt, la FNB et Le Commerce du Bois, ont eu la bonne idée de commander une réactualisation qui porte sur les deux familles de produits, ce qui donne une vue d’ensemble sur les flux de la filière durant les 5 dernières années.
Le détail de cette mine d’or commerciale est réservé aux adhérents pour une période de six mois, histoire de leur permettre d’ajuster leurs approches avant que l’Europe entière ne dispose des mêmes pépites.
Premier enseignement : la baisse de la consommation de sciages s’est accélérée en France depuis 2010, et elle n’est pas compensée comme on pouvait l’espérer par la croissance des “bois techniques”.
En l’espace de 15 ans, on passe d’une consommation de 12,4 millions de m3/an à seulement 8,8 millions de m3/an. Second enseignement : depuis 2010, ce sont surtout les entreprises qui exportent vers la France, notamment des sciages bruts, qui ont fait les frais de cette contraction, avec une baisse moyenne de 8,3% par an.
En revanche, l’export français progresse et n’est pas loin de compenser la contraction de la consommation française en volume. Pour les scieurs français, depuis 2010, le marché ne baisse “que” de 1,5% par an, alors que la contraction moyenne de la consommation est de 4,5%/an.
En valeur, le bilan est encore plus favorable pour les scieurs, car la France exporte notamment des sciages de feuillus de forte valeur. Selon Philippe Siat, président de la FNB, les scieurs français ont investi au total plus d’un milliard d’euros dans l’outil de production durant cette période.
Le gouvernement peut se réjouir : la balance commerciale s’est rééquilibrée sur ce secteur. D’un autre côté, il a de quoi s’inquiéter. Car, entre temps, les pouvoirs publics ont enfin pris conscience de l’enjeu que représente la filière en matière de transition énergétique et de lutte contre les effets de serre.
Des études ont été menées, qui montrent comment cette filière pourrait, à l’avenir, jouer un rôle important de séquestration du carbone. Cela passe apparemment par une gestion forestière resserrée et par l’usage massif de produits à base de bois en substitution de produits moins performants sur le plan des émissions de CO2.
En d’autres termes, il faudrait, par exemple, revenir aux traverses de chemin de fer en bois, largement abandonnées au profit du béton préfa, même si le traitement à la créosote pose problème. En fait, le meilleur exemple de substitution est la construction bois. Mais il faudrait inverser la courbe de la baisse de la consommation des sciages !
La profession s’est structurée à tous les points de vue, mais paradoxalement, les résultats de cette étude - que seule la nouvelle cohésion rend possible - remettent en question le bien-fondé de toute la démarche qui a été entreprise.
Les scieurs voudraient une campagne de communication massive pour relancer la consommation des sciages. Serge Lochu préconise une analyse fine et une certaine circonspection. Selon Olivier Mercadal, patron de Dispano au sein de SGDB et vice-président de LCB, la campagne de communication est d’ores et déjà gagnée, mais pas celle de la compétitivité.
On sent l’irritation d’un distributeur auquel échappe le marché des panneaux CLT. Par ailleurs, la récente étude comparative de CimBéton, qui veut insister sur le surcoût induit par le choix du bois en comparaison avec le béton, montre bien que la question n’est pas de choisir entre communication ou compétitivité. Il faut jouer sur les deux tableaux à la fois.