Réapparus dans les années 90 à la faveur de l’élan donné à la construction HQE – haute qualité environnementale – puis au bâtiment basse consommation (BBC), les matériaux biosourcés semblent avoir définitivement marqué leurs territoires.
Une étude quantitative fournie début 2016 par les cabinets Bio by Deloitte et Nomadéis pour le compte de la Direction générale des entreprises (DGE) et l’Ademe indique, en 2012, une consommation de quelque 125 000 t d’isolants biosourcés - soit 9 % de parts de marché - dont 140 000 t de matériaux d’isolation répartie (100 000 t de béton-bois et 40 000 t de béton de chanvre).
Pour Dominica Lizarazu, responsable marketing d’Isonat (groupe Saint-Gobain), « la part de marché des produits biosourcés serait plutôt de 4 à 5 % des surfaces posées et elle se stabilise. » Selon elle, « ce marché serait à plus de 80 % couvert par les produits en fibre de bois. »
Depuis cinq ans, les évolutions ont été sensibles, et Nomadéis vient de recevoir la commande d’une étude de mise à jour des chiffres de ces secteurs (des produits de construction aux emballages plastiques) ; le rapport devrait être publiée dans six mois.
L’offre de panneaux, rouleaux et produits en vrac (liège, chènevotte…) en laine de mouton, chanvre, fibre de bois, cellulose est désormais très large, porteuse de certifications Acermi, de fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) ; elle devient concurrentielle.
À tel point que le secteur des laines minérales, toujours largement majoritaires en volumes posés mais sentant le vent du boulet, s’est imaginé une astuce sémantique pour contrer cette vague en qualifiant leurs produits de « géosourcés »…
Cependant, si le biosourcé désigne l’origine du produit, en l’occurrence végétale ou animale, il porte également en lui une notion d’énergie mise à contribution pour produire le matériau fini. Et à ce jeu, les laines minérales utilisant des fours à très haute température pour être « filées » se retrouvent handicapées.
Un avis que, cependant, Dominica Lizarazu (Isonat) ne partage pas : « Les produits biosourcés ne consomment pas moins d’énergie lors de leur élaboration. Déjà, produire des fibres et créer une surface à partir de matériaux naturels bruts coûte cher en énergie.
En outre, les panneaux sont réalisés en incorporant de liants, de type polyéthylène ou polyester, à raison de 10 à 15 %, ce qui est également coûteux. Pour ce qui concerne la fin de vie des matériaux, la laine de verre est recyclable à l’infini. » Mais elle reconnaît que le taux de recyclage des vieux panneaux et rouleaux est encore faible à ce jour, les filières de récupération étant en train de se structurer.
Pour les industriels, cette nouvelle orientation n’en est qu’à ses débuts. Encore jeunes, ces produits « bio » affichent des performances bien moindres que les traditionnels. La fibre de bois atteint au mieux un lambda de 0,036 W/(m.K) quand un polyuréthane est déjà à 0,023 W/(m.K)… D’où l’investissement des grands industriels pour innover dans ce secteur.
La future réglementation thermique et environnementale du bâtiment 2018-2020, lisible à travers les labels expérimentaux Énergie positive & réduction Carbone « E+C- » sont en cours de tests depuis quelques mois. Ils intègrent un nouveau volet « Bepos » dans lequel l’analyse du cycle de vie des produits de construction est scrupuleusement décortiquée.
Ainsi, les consommations d’énergie émettrices de gaz à effet de serre sont prises en compte durant les phases de production, de construction, d’exploitation et de fin de vie. À ce jeu, les produits biosourcés devraient ressortir nettement intéressants pour participer aux projets à faible empreinte carbone. À noter qu’avec un niveau « Carbone 2 », un bonus de constructibilité sera octroyé.
« Les isolants biosourcés ont pris leur place sur le marché. Les freins qui existaient au cours des précédentes décennies sont désormais levés – ils sont désormais produits industriellement et à ce titre sont caractérisés, évalués et certifiés comme les autres isolants traditionnels du marché.
Mais il reste encore à comprendre les nouvelles propriétés apparues avec ces produits. Par ailleurs, si la future réglementation va prendre en compte le carbone, il manquera encore une distinction entre le carbone renouvelable et le carbone fossile. »
Des comportements physiques non pris en compte
Surtout, le comportement physique réel et multifonctionnels de ces matériaux n’est pas pris en compte dans la réglementation actuelle. Ainsi en est-il du déphasage résultant de leur forte capacité calorifique et qui influe fortement sur le confort d’été, mais aussi de la résistance thermique qui est beaucoup plus difficile à quantifier que celle des matériaux hydrophobes classiques.
L’humidité joue un rôle non négligeable pour ces produits très hydrophiles, et de nombreuses études scientifiques démontrent que les équations classiques utilisées dans la modélisation du transfert de chaleur ne reflètent pas la réalité des mesures sur le terrain. Ce sujet est travaillé par de nombreux laboratoires et nous notons même des différences d’approche dans les protocoles de mesure entre, par exemple, les certificateurs allemands et français. »
Des politiques publiques contradictoires
Nous voulons aussi souligner la contradiction des politiques publiques qui, d’une part, parlent de bioéconomie et donc de valorisation économique de la biomasse, et d’autre part de la future réglementation bâtiment responsable qui ne fait pas la distinction entre le carbone fossile et le carbone renouvelable, alors même que le carbone renouvelable apporte une véritable valeur ajoutée dans la gestion des émissions de CO2 en les différant dans le temps.
Il y a là une contradiction majeure que la future RBR doit lever afin de prendre en compte les externalités environnementales, comme les émissions de gaz à effet de serre et l’épuisement des matières premières d’origine fossiles. »
Des innovations à venir
« Enfin, dans le champ de l’innovation, nous attendons beaucoup de progrès dans le domaine de la physique et de la chimie autour des matériaux issus de la biomasse. C’est un champ d’étude très actif et nul doute que des avancées majeures vont se produire dans les années à venir. En attendant, nous pouvons évidemment tirer parti d’une association intelligente entre les matériaux existants d’origine pétrochimique et les matériaux biosourcés. »
Le décret n° 2012-518 du 19 avril 2012 (JORF du 21 avril) et son arrêté du 19 décembre modifient le code de la construction en introduisant la notion de label « bâtiment biosourcé ». Il s’agit de matériaux d’origine végétale ou animale, notamment du bois et de ses dérivés, du chanvre, de la paille, de la plume ou de la laine de mouton.
Les critères sont : le caractère renouvelable du matériau, leur contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et au stockage temporaire de carbone. L’arrêté indique les taux d’incorporation minimaux par niveau, et l’annexe IV fournit un tableau d’estimation pour chaque application (structure, façade, menuiserie…) et par produit.
Les décret et arrêté du 28 décembre 2012 sur la réglementation thermique dans le neuf traitent techniquement des isolants biosourcés. L’annexe IX du décret présente le tableau des valeurs de conductivité thermique utile des dérivés du bois (liège, fibre et laine de de bois), des fibres végétales (chanvre, lin, paille…), ainsi que des fibres animales.
Abrogeant et remplaçant l’arrêté du 3 mai 2007, l’arrêté du 12 octobre 2016 relatif aux conditions à remplir pour bénéficier du dépassement des règles de constructibilité prévu dans le code de l’urbanisme introduit la notion de matériau biosourcé.
La mesure s’applique dans le neuf si, en tertiaire, les consommations sont d’un niveau Cep -40 %, et dans les autres bâtiments, elles atteignent Cep -20 %. Par ailleurs, la construction doit aussi atteindre les niveaux Carbone 2 et Énergie 3 du label « E+C- ».
L’arrêté du 22 mars 2017 sur la nouvelle réglementation thermique dans l’existant mentionne l’utilisation des isolants biosourcés. Il renvoie au tableau des valeurs de conductivité thermique des matériaux publié dans l’annexe IX de la RT 2012.
Cet arrêté du 10 avril 2017 sur les constructions à énergie positive et à haute performance environnementale applicable à la maîtrise d’ouvrage de l’Etat, des établissements publics et des collectivités territoriales, met concrètement en œuvre les dispositions du II de l’article 8 de la loi de transition énergétique du 17 août 2015.
Les constructions afficheront des niveaux « Carbone 1 » ou « Carbone 2 », au sens du référentiel “Energie-Carbone” pour les bâtiments neufs, ainsi qu’un taux de matériaux biosourcés de « 1er niveau » du label « bâtiment biosourcé » selon les termes de l’arrêté du 19 décembre 2012.
Fibra de Knauf La gamme comprend des panneaux isolants pour sous-face de dalle à base de laine de bois. Les panneaux Fibralith à fibres longues d’une largeur de 2 mm (généralement minéralisés et enrobés de ciment), proposés en dimensions de 2 m de longueur sur 60 cm de largeur sont associés à du polystyrène extrudé, de la laine de roche ou en mix. Disponible en standard jusqu’à 16 cm d’épaisseur, ces produits peuvent être fournis en épaisseurs supérieures. Utilisés en plafond de parking ou en coffrage perdu, ces produits sont adaptés au traitement thermique des constructions et à l’amélioration acoustique des locaux. Classé Acermi, reconnus résistant aux termites, ils affichent différents classements au feu selon leur composition.
| |
Fiberwood Multisol 140 de Isonat Produits en fibre de bois de la gamme « rigide » du catalogue Isonat (groupe Isover), les Fiberwood Multisol 140 sont d’application polyvalente en isolation thermique par l’extérieur, que ce soit en mur ou en toiture inversée (sarking). D’une densité de 140 kg/m³, ils affichent un lambda (λ) de 0,042 W/(m.K). Les panneaux au format de 1 872 × 572 mm, certifié Acermi, sont disponibles en épaisseurs de 20 à 240 mm d’épaisseur.
| |
EcoBati de EcoBati Le distributeur belge EcoBati propose aux constructeurs de murs en terre à forte inertie thermique des nattes en roseaux. Destinées à être fixées au cœur de la paroi, ces canisses de tiges creuses assemblées par fils galvanisés assure un rôle de régulation thermique et d’humidité du mur. Le produit est disponible en dimensions de 1 ou 2 m de largeur, et en longueur de 5 m ; son épaisseur est de 2 ou 5 cm. Le montage doit être complété, côté intérieur par une armature en toile de jute, coté extérieur par un renforcement en toile de verre.
| |
Doschawol de Doscha Le néerlandais Doscha propose les rouleaux et panneaux de laine de mouton Doschawol sans liants chimique, ni additif ignifuge. Destinés à l’isolation acoustique et thermique, ces produits ont la propriété d’absorber la vapeur d’eau dans la limite de 35 % de leur poids sec, et sont hydrophobes. Le matériau – de la kératine – est auto-extinguible (l’auto-combustion n’est possible qu’à partir de 25 % d’oxygène). Panneaux et rouleaux sont proposés en largeurs de 60 cm et en épaisseurs de 50 mm (R = 1,43 m² K/W) à 120 mm (R = 3,43 m² K/W).
| |
Fermacork de Matgreen Le Fermacork de Matgreen est un complexe d’isolation par l’intérieur, en murs, plafonds ou toitures, composé d’un panneau constitué de gypse et de fibres de cellulose et d’un panneau de liège expansé. Son classement de réaction au feu (EN 13501-1) est A2-S1, D0, sa résistance aux chocs (NF 72.302), et sa résistance à la diffusion de vapeur est M = 7 à 14. La version FC50 associe une plaque de 10 mm de Fermacell avec 40 mm de liège, et affiche une résistance thermique de 1,05 m² K/W ; la FC70 reçoit 60 mm de liège sur une plaque de 100 m et présente un R = 1,55 m² K/W.
| |
Recycork de Recycork Le belge Recycork propose de l’isolant à base de bouchons recyclés. Deux granulométries sont disponibles et fournies en sac de 100 l : du 0,5 – 9 mm d’un lambda (λ) de 0,044 W/mK pour une résistance thermique de 3,5 m² K/W en épaisseur de 16 cm ; et du 0,5 – 6 mm d’un λ de 0,043 W/mK pour une résistance thermique de 3,5 m² K/W en épaisseur de 15 cm. Ce matériau s’utilise en murs, sols et toitures.
| |
Pannopaille de ArgiBat Le briquetier belge ArgiBat a élargi son offre de produits de construction avec Pannopaille. Réalisés à partir de paille de froment ou de riz, des végétaux imputrescibles, les panneaux isolants d’une densité de 110 kg/m³ se présentent en modules de 60 × 98 cm et 120 × 98 cm, et en épaisseurs de 3, 6 et 9 cm. Ils affichent un lambda de 0,047 W/mK, soit une résistance thermique de 1,91 m² K/W en épaisseur de 9 cm. Le fabricant propose aussi des panneaux aux dimensions personnalisées.
| |
Chanvre de Cavac La coopérative vendéenne Cavac propose de la chènevotte de paille de chanvre pour une incorporation dans des bétons de chanvre. Le matériau de 110 kg/m³ est d’une conductivité thermique de 0,05 W/mK et constitue un granulat capable de réguler l’hygrométrie des constructions. Il trouve ainsi des applications en isolation des sols, des toitures (mélangé à de la chaux), en parement extérieur et en isolation des murs.
| |
FibraNatur de Sotextho Fibra Natur, marque de l’industriel Sotextho, propose des rouleaux de laine thermoliée composés de 85 % de laine de mouton et 15 % de fibre polyester. Ce matériau léger, mécaniquement plus résistant et pour structure à faible résistance, affiche une conductivité thermique (λ) de 0,04 W/mK et une capacité thermique massique de 1 600 J/kg.K. les rouleau de 60 cm de largeur sont proposés en épaisseurs de 5 cm (R = 1,25 m² K/W) à 12 cm (R = 3 m2 K/W).
| |
EnergiePlus comfort de Homatherm Mis au point pour la construction à ossature bois, le panneau de fibre de bois support d’enduit EnergiePlus comfort de Homatherm est proposé en épaisseur de 22 à 160 mm d’épaisseur. Sa conductivité thermique est de 0,043 W/mK pour les références jusqu’à 60 mm, et de 0,039 W/mK pour celle de plus de 80 mm. D’une densité de 185 kg/m³, ce matériau est d’une capacité thermique de 2 100 J/(kg.K). Il est disponible en dimensions de 1325 x 615 mm (2625 x 1205 mm pour les épaisseurs de 60 et 80 mm).
|
- -
La qualité de vie dans un bâtiment biosourcé est incomparable de celle des autres modes constructifs plus traditionnels. La gestion hygrothermique et la chaleur spécifique de ce type de matériau en font un choix astucieux pour un confort d'été comme d'hiver. Ils sont aussi une réponse à la transition énergétique, au respect de notre société et de nos engagements internationaux. Par ailleurs la France est leader sur certains produits comme le béton de chanvre, et nous ne pouvons que nous féliciter de l'appétence de nombreux pays pour ce système constructif qui ré-invente l'acte de construire et donne un confort inégalé pour l'utilisateur.