Des machines à bois connectées sur le salon Ligna

Des machines à bois connectées sur le salon Ligna

Le salon mondial de la machine à bois fait la part belle au Cloud sur fond de trou d’air, de révolution numérique et d’incertitudes internationales.




Le salon Ligna biennal, rassemble plus de 90 000 visiteurs de 100 pays et 1500 exposants de 50 pays, sur une surface d’exposition nette de 132 000 m2 à Hanovre en 2019.

 

Le mot d’ordre d’industrie 4.0 décrété il y a quelques années par la chancelière allemande, et relayé depuis par un nouveau mot d’ordre relatif à l’intelligence artificielle, a été pris au sérieux par les organisateurs du salon mondial de la machine à bois. Mais aussi par les principaux acteurs allemands de cette industrie et leurs grands compétiteurs italiens comme Biesse ou SCM.

 

Ce qui était reformulé au départ comme « la production connectée » et explicité le plus souvent en évoquant la production automatisée de meubles à l’unité, a pris progressivement une autre dimension. La mise en réseau de séries entières de machines a conduit à l’élaboration de plateformes IoT (internet des objets), ou Siemens semble tenir la corde face aux Américains, soutenu par la puissance de l’industrie allemande. Il y a tout de même Oracle en face, choisi notamment par SCM.

 

 

Pekka Paasivaara (Homag) et Walter Fahrenschon (Hundegger) scellent leur alliance stratégique à l’occasion de la Ligna. ©JT

 

La révolution numérique en marche

 

Le Cloud aboutit en fait à une révolution. Mais pas pour l’heure une révolution à l’Américaine avec des start-up qui avalent tout. Sans doute, l’industrie allemande a pris conscience du risque et réagi assez vite pour empêcher provisoirement de tels évolutions.

 

Pour l’heure, la révolution Cloud se fait par le haut, insufflée par le gouvernement allemand, stimulée par Siemens, portée par des leaders du marché comme Homag et Weinig. Comme il est de plus en plus facile de piloter des lignes de production entières d’un seul clic, la vente glisse de la machine unique à un ensemble de machines connectées, et donc à des sites de production entiers.

 

Chez Homag, on va même plus loin, le leader allemand incontesté de la machine à bois se définit désormais comme une entreprise numérique, c’est-à-dire qu’elle place sa compétence numérique plus haut que sa compétence de fabricant de machines proprement dite. Pour ne pas rester sur le carreau, les autres fabricants ont tendance à faire évoluer leurs commandes numériques dans le sens de la compatibilité.

 

L’exemple le plus spectaculaire est celui de Hundegger, grand concurrent de toujours de Homag sur le créneau de la machine de taille à commande numérique, où il déclare détenir, en Europe, la bagatelle de 90% de parts de marché. Toutefois, Hundegger est assez peu présent ailleurs qu’en Europe, la start up familiale s’interroge sur la relève et le chiffre d’affaires cumulé, qui dépasse 100 millions d’euros, n’est pas comparable à celui du « cartel » des Homag, Weing, Biesse et SCM.

 

Hundegger s’est donc engagé dans un partenariat stratégique avec Homag, dont l’un des effets les plus directs est d’une part l’interopérabilité des machines des deux industriels, et d’autre part la fin des hostilités. Le consommateur souvent équipé en Allemagne d’une machine de taille Hundegger et d’un plateau multifonction Weinmann (groupe Homag) gagne enfin en souplesse mais perd sans doute à terme quelques alternatives commerciales.

 

 

Microtec relève le défi de la traçabilité totale au prix d’une multiplication des scanners sur le circuit de transformation du bois.©JT

 

L’ubérisation du Bâtiment se profile

 

La Ligna illustre à chaque édition les conséquences parfois insoupçonnées du Cloud. Pour l’instant, les stands immenses des leaders sont utilisés pour faire la démonstration de lignes de production non seulement entièrement automatisées, mais également robotisées. Mais c’est un peu pour le fun, car avec le Cloud, on peut installer une ligne de production virtuelle dans un site donné, la faire tourner dans les moindres détails. On n’a plus vraiment besoin de la Ligna, à terme.

 

Le Cloud permet d’automatiser la maintenance des machines, ou, comme Biesse l’a déjà mis en avant suite à sa collaboration avec Accenture, d’analyser les données de production des clients pour contribuer à les optimiser. A ce régime, qui est le client, qui le fournisseur ? Comment protéger les données-clé du transformateur ?

 

L’autre question qui se pose, c’est celle de l’implantation géographique de ces unités robotisées. Dans des pays low cost ? Pas forcément, car on a besoin tout de même d’une zone de consommation, d’un accès aux matières premières et à l’énergie, tandis que le profil des opérateurs évolue vers des techniciens hautement spécialisés et par conséquent chèrement payés.

 

Le défi du marché de la maison préfabriquée

 

On voit cependant se profiler la prochaine étape, qui pourrait être celle, par exemple, de la commande en ligne de maisons avec leur aménagement intérieur, par des fournisseurs de la carrure d’Amazon. De fait, comme l’a souligné le patron de Homag, Pekka Paasivaara lors d’une conférence de presse à la Ligna, le marché de la maison préfabriquée est le grand sujet global, justifiant précisément l’alliance avec Hundegger.

 

Quant à Weinig, lors de sa conférence sur le même salon, le nouveau patron Gregor Baumbusch a expliqué que la croissance exceptionnelle et quasiment anti-cyclique de son groupe lors du premier trimestre de cette année est due en grande partie à la prospérité du marché de l’équipement des lignes des fabrication de panneaux CLT, où Weinig devient désormais, avec Ledinek, le seul acteurs capable de livrer toute la chaîne de fabrication, ce qui a tout son intérêt à l’heure du Cloud, justement.

 

 

Le Danois Kallesoe, spécialiste de la presse CLT haute fréquence, attire l’attention avec un tout nouveau concept encore très expérimental, visant à intégrer le bois de rive dans les panneaux CLT. ©JT

 

Le répit de la guerre commerciale

 

Cloud, cela veut dire nuages, et pas forcément la douce mélodie de Django Reinhardt. Premièrement, l’industrie est en train de mettre sur le marché des outils qui vont rebattre les cartes tout comme l’avait fait, il y a vingt ans, l’apparition des machines à commandes numériques. On ne situe pas encore l’éclair mais la menace d’une ubérisation de la fabrication de meubles et de bâtiments plane comme elle plane finalement un peu partout dans l’économie.

 

S’ajoute un contexte de grande incertitude commerciale. D’une part, la guerre commerciale entre la Chine et les USA s’exacerbe, et précisément pendant la Ligna, les Chinois ont brandi l’arme stratégique des terres rares. Sans terres rares, pas d’IoT.

 

Et quand on démarre une guerre commerciale, la prochaine étape est la guerre numérique, qui suffira qui sait déjà pour tout casser. L’économie allemande est très sensible aux aléas de l’export. Jusqu’à présent, son implantation mondiale lui offrait malgré tout une forme de stabilité.

 

Mais la Ligna 2019 a ouvert ses portes dans un contexte un peu alarmant, puisque le VDMA, la puissante fédération de l’industrie allemande de la machine-outil, a enregistré pour le premier trimestre 2019 une baisse de commande de 39% par rapport au premier trimestre 2018.

 

C’est un vrai coup de semonce et le salon mondial venait vraiment cette année à point nommé pour renflouer les carnets de commande, du moins dans le secteur de la machine à bois. L’a-t-il fait ? Le communiqué de clôture reste plutôt évasif. De toute évidence, la période dorée récente où un Weinig annonçait des commandes de plusieurs dizaines de millions d’euros enregistrées sur le salon semble provisoirement révolue.

 

 

Le trublion allemand de l’outillage portatif crée la sensation avec un système quasiment magique de protection des doigts de l’utilisateur de scies circulaires.©JT

 

Anticiper

 

Les conditions macroéconomiques et politiques pourraient retarder provisoirement le déploiement complet de cette révolution du Cloud, mais il ne faut pas s’y tromper, tous les outils sont là et n’attendent qu’à chambouler les marchés.

 

Les clients français doivent se poser les bonnes questions et préparer des alliances pour anticiper pendant qu’il est encore temps. Et ne pas oublier comme le fait allègrement la Ligna le contexte du choc climatique. Car toutes ces nouvelles grandes unités de production robotisées et pilotées de loin par un clic ont malgré tout besoin de consommateurs humains.

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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