Légende : Nice Ecovallée peut se targuer d’inaugurer avec le Palazzo Meridia un ouvrage de moyenne hauteur en bois conçu par Architecture Studio, atteignant le niveau Excellent du référentiel Écovallée Qualité. ©AS.Architecture-Studio / Antoine Duhamel Photography
Le Plan Ville Durable fête ses dix ans. On l’avait presque oublié. C’est vrai que dans la foulée du Grenelle de l’environnement, les démarches à l’époque foisonnantes de développement d’éco-quartiers avaient été encadrées au point que la notion d’écoquartier a perdu de son actualité, mais pas l’ambition initiale, plus actuelle que jamais dans la perspective de la neutralité carbone.
Les EcoQuartiers labellisés n’ont pas été la grande pépinière espérée de la construction biosourcée. Néanmoins, comme le rappelle Aude Debreil, directrice générale de l’EPA Sénart, ce cadre a permis de compenser l’inadéquation économique d’opérations biosourcées réalisées depuis dix ans dans ce périmètre.
En clair, si l’on prend le cas de l’EPA Sénart, le marché fixe un prix de vente final de logements de l’ordre de 3400 euros/m2. « C’est mille euros de moins, que sur le territoire d’Epamarne », précise Aude Debreil. A défaut de la massification attendue, la construction biosourcée a été rendue possible ponctuellement grâce au dispositif EcoCité qui aide financièrement les promoteurs engagés pour un projet donné dans une démarche de construction biosourcée.
Dans la foulée de l’achèvement de la tour Hypérion, Euratlantique projette le quartier Armagnac entièrement en structure bois. ©JT
A l’occasion du 10e anniversaire du Plan ville Durable Jacqueline Gourault ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, ont annoncé 10 nouvelles mesures pour « dessiner une nouvelle feuille de route de la ville de demain ».
En France, cette offensive écologique, en ligne avec les objectifs de neutralité carbone, a reçu un accueil discret. Du côté de la filière bois, l’attention était focalisée ce jour-là sur le salon Eurobois à Lyon.
Mais parce que ce 10e anniversaire a été marqué par un événement à l’Unesco, les médias étrangers ont relevé un tournant gouvernemental vert, quitte à forcer le trait à la faveur de choix de traduction approximatifs comme le Times.
Le quotidien britannique titre alors : « President Macron has ordered that new public buildings financed by the French state must contain 50 per cent wood or other organic material by 2022 under an ambitious government plan for a greener urban life ».
Le futur Village Olympique est présenté comme « un démonstrateur de l'excellence et de l'innovation environnementales telles qu'elles peuvent être atteintes dans un calendrier et un budget contraints ».©Dominique Perrault Architecture
En attendant, la réalité française est plus prosaïque. Le communiqué gouvernemental est formulé comme suit : « L’État s’engage à garantir l’exemplarité des opérations d’aménagement publiques, en définissant des objectifs de qualité environnementale à atteindre à horizon 2022 par les 14 établissements publics d’aménagement sous tutelle du ministère de la ville et du logement ».
Ces objectifs portent sur :
Chacun de ces quatre points mériterait d’être précisé, à commencer par ce « déploiement de quartiers E+C-» extrêmement vague tant pour ce qui concerne la notion de déploiement que pour le niveau d’objectif E+C- à viser.
Quoi qu’il en soit, ces objectifs concernent non pas les constructions publiques mais bien les projets d’aménagement des 14 EPA. Ces EPA ont de fait pour vocation, de toute façon, d’opérer comme fer de lance d’une politique d’innovation.
Dans la perspective de la neutralité carbone, il est donc logique de leur assigner de tels objectifs, et on aurait même pu espérer que les 14 EPA soient mis en ordre de bataille pour avancer plus résolument, à titre de laboratoire, vers l’objectif de neutralité carbone. Qui sait, les dix objectifs fixés à échéance proche sont peut-être un simple préalable, en attendant l’affinement des outils de mesure du carbone, et sous réserve, bien sûr, de changements politiques en 2022.
A Chanteloup-en-Brie, EpaMarne ne se contente pas de pousser la construction biosourcée, mais aussi des opérations hautement performantes comme le projet Zéro carbone E3C2 (A003, M’Cub Architectes). ©A003
Du côté du ministère, l’objectif de l’éco-conception a été précisé comme suit :
« L'objectif a vocation à s'appliquer à toute opération menée par un EPA, que sa programmation soit à majorité de logement, mixte ou composée principalement de locaux d'activité. Une opération d'un EPA peut compter plusieurs dizaines de logements.
A l'image du label Bio-sourcé, l'objectif concerne l'usage des matériaux bio ou géo-sourcés dans la construction des bâtiments, et donc dans la constitution de la structure même du bâtiment. L'éco-conception ne relève pas d'un cadre réglementaire. Il s’agit d’un concept global de conception tant des bâtiments tout au long de leur cycle de vie, que de leur environnement proche. L'indicateur est lié à la quantité de biosourcé en kg par m2 construit. Il se situe au-dessus du niveau 2 du label biosourcé de l'Etat.
Si les préconisations relatives aux matériaux bio-sourcés incitent à un recours autant que possible à ces matériaux, la mixité des matériaux peut cependant être rendue nécessaire pour répondre à des enjeux de sécurité ou de structure du bâtiment ».
Les PNR, pôle complémentaire du biosourcé en France : bâtiment expérimental du Centre Régional Interprofessionnel des Plantes à Parfum (CRIEPPAM), construction ossature bois paille de lavande ©Philippe Chiffolleau PNR Luberon
« Les matériaux bio ou géo-sourcés devront être utilisés pour la structure des bâtiments. Il pourra s'agir d'utiliser de la pierre, notamment de la pierre sèche, de la terre crue ou encore du bois ou du chanvre.
Dans le cadre du suivi des objectifs annoncés par le ministre qui sont à atteindre à horizon 2022, les EPA sont invités à mettre en place les outils permettant le suivi de la réalisation de l'objectif, s'ils n'en sont pas encore dotés. L'atteinte de l'objectif sera appréciée à l'échelle des opérations de l'ensemble des EPA.
Chaque EPA intervient sur un territoire spécifique, plus ou moins favorable à l'atteinte d'un tel objectif. EPAMarne et Euratlantique ont effectivement fortement développé l'usage du bois dans leurs opérations. D'autres EPA envisagent de se tourner vers des matériaux tels que le chanvre ou la terre crue, dans la perspective de favoriser le développement de filières présentes sur leur territoire.
La réalisation du village olympique et paralympique s'inscrit dans le cadre d'une stratégie d'excellence environnementale dont la Solidéo, le maître d’ouvrage, s'est dotée. Cette stratégie prévoit notamment une conception "frugale" et le recours à des matériaux et des modes constructifs à faible contenu carbone et issus de filières de réemploi, dans une perspective d'héritage des Jeux olympiques au bénéfice des territoires.
A ce titre, le village olympique et paralympique est un démonstrateur de l'excellence et de l'innovation environnementales telles qu'elles peuvent être atteintes dans un calendrier et un budget contraints. Le projet du village olympique s'inscrit dans un cadre qui lui est propre : opération de grande ampleur, renouvellement urbain, densification, contrainte de calendrier, réversibilité. A contextes différents, solutions différentes.
Le mode constructif et les matériaux ne sont pas un objectif en soit, l'objectif est d'atteindre de hauts niveaux de performance environnementale en tenant compte de l'ensemble de la durée de vie des ouvrages, ce qui permet de favoriser les innovations ». Enfin, le ministère précise que « ces ambitions ont été discutées par le collectif des DG et le ministre en 2019. Ce sont les EPA qui ont désormais les cartes en main pour mettre en oeuvre les objectifs ».
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven