Systématiquement envisagés dans les opérations d’amélioration thermique et dans la construction neuve, les isolants biosourcés sont souvent retenus par des acteurs désormais plus avertis de leurs atouts, et mis en oeuvre sans appréhension par des entreprises mieux formées.
Eco-responsabilité, durée de vie des produits, santé des usagers, confort et sécurité de pose… De plus en plus sensibles à ces critères, les maîtres d’ouvrage, maîtres d’oeuvres et entreprises de pose sont désormais nombreux à accorder leur confiance à ces produits, qui répondent à toutes les applications constructives thermiques ou acoustiques.
Les matières premières sont issues d’activités industrielles : déchets de bois (fibre et laine de bois), de journaux ou cartons recyclés (ouate de cellulose), et de chutes de tissus (laine de coton).
Ce sont aussi des co-produits de cultures (chanvre, paille de blé, lin, …) et d’élevage (laine de mouton). Certains sont récemment apparus, comme les panneaux à base de balle de riz de Camargue, produits depuis le début de l’année dans l’Ain (FBT) ou les panneaux d’herbes des prairies, fabriqués depuis l’automne dernier (Gramitherm).
En isolation rapportée, par l’intérieur ou l’extérieur, sont mis en oeuvre des rouleaux et des panneaux plus ou moins rigides. Les produits en vrac sont soufflés, insufflés ou projetés par voie humide.
En isolation répartie, les monomurs se montent en bottes de paille, en blocs moulés ou en béton de chanvre ou bois, le plus souvent. Des ressources locales comme le colza, le tournesol ou le maïs sont par ailleurs testées.
Les solutions complètes biosourcées continuent à se développer en construction à ossature bois, en faisant appel à la préfabrication de systèmes intégrant l’ensemble des composants de la paroi. « Nous voyons aussi de plus en plus de solutions mixtes qui répondent soit à des contraintes techniques soit à des choix d’esthétiques propres au maître d’ouvrage. Notamment des solutions métal ou béton/matériaux biosourcés », souligne Olivier Joreau, président de l’AICB*.
Pour la plupart fabriqués industriellement, dans un cadre strictement réglementé, les isolants biosourcés ont de quoi rassurer les prescripteurs.
Beaucoup bénéficient de certifications (Acermi, Keymark, …) attestant de leurs performances, et d’avis techniques garantissant la qualité de leur mise en oeuvre (des « sésames » qui permettent d’alléger la facture des travaux en donnant accès aux aides d’Etat).
Transformés au plus près des sources de matières premières, vendus en direct ou distribués via un réseau efficace, les produits trouvent tout leur intérêt dans la mesure où ils sont mis en oeuvre, là encore, au plus près de leur lieu de production. Quasiment tous les négoces ont une offre en matériaux biosourcés, désormais stockés en plate-forme et dépôts pour un accès facilité des artisans.
* l’Association des industriels de la construction biosourcée fédère les principaux industriels. 200 000 t/an de fibres végétales ou issues du recyclage, transformées dans une dizaine d’usines en France (152 millions d’euros investis), soit environ 21 millions de m2 posés en 2018.
Marché : Une montée en puissance sur tous les plans
Encore loin derrière les laines minérales et les isolants de synthèse, les produits issus de matières végétales ou animales ne sont plus pour autant un marché de niche. « Ils pèsent environ 8 % de l’isolation dans le bâtiment et leur progression moyenne, de près de +15 % par an, est supérieure à celle de ce marché », indique Olivier Joreau. Entre 2016 et 2018, les ventes ont augmenté de 44 %.
Tous les matériaux progressent : la fibre de bois et la ouate de cellulose continuent la course en tête, mais le chanvre et le coton recyclé prennent une part de plus en plus significative : 21 millions de m2 d’isolants fibres ont été posés en 2018.
Le nombre des acteurs est stable après le regroupement des producteurs de ouate de cellulose, chanvre, lin et fibre de bois, ces dernières années. Le gros du marché est pris par la filière industrielle, dont les produits manufacturés atteignent de nombreux artisans.
Les volumes de marché sont plus modestes pour la construction en paille et en bétons biosourcés. L’approvisionnement s’est bien mis en place, quelles que soient les matières premières, et les capacités de production augmentent. Parallèlement, les filières non industrielles se développent. Celle de la paille, notamment, s’organise pour fournir des bottes aux caractéristiques adaptées aux besoins du bâtiment.
Des performances mieux reconnues
Les produits continuent à progresser : meilleure résistance thermique, traitements sans impact sur la santé, pose facilitée, … sont aussi mises en avant les performances acoustiques et de déphasage, pour le confort d’été, la qualité de l’air intérieur renforcée.
L’hygrothermie est reconnue par les utilisateurs et des projets de R&D collective sont en cours pour démontrer cette performance supplémentaire apportée à l’enveloppe thermique du bâtiment. Une réglementation favorable
Si les particuliers sont les prescripteurs historiques des biosourcés, en particulier pour rénover leur habitat, la commande publique progresse fortement ces derniers temps, avec des chantiers de référence qui stimulent de nouveaux programmes immobiliers.
Le surcoût à l’achat est de moins en moins un frein à leur utilisation. La RE 2020 applicable au second semestre 2021 devrait en toute logique bonifier les matériaux biosourcés, en prenant en compte le stockage du carbone et leur caractère renouvelable, de même que leurs caractéristiques techniques spécifiques. « Espérons que la RE 2020 consacrera réellement le « plus d’environnement et moins de carbone ». Les fibres végétales notamment, sont les seules à pouvoir capter du CO2 lors de la photosynthèse pour stocker le carbone biogénique » conclue Olivier Joreau.
L’usine FBT transforme depuis début 2020 la paille de riz de Camargue en panneaux. Performants en thermique et acoustique, les isolants biosourcés sont aussi imbattables sur leur confort de pose et leur bilan environnemental. © FBT |
Matériaux biosourcés : une offre de formation structurée
Les spécificités de mise en oeuvre de certains isolants biosourcés requièrent que les artisans se forment. La paille et le béton de chanvre sont soumis à des règles professionnelles qui imposent que leur mise en oeuvre soit réalisée par une personne formée.
En 2019, 8000 règles professionnelles de construction en paille ont été vendues et 1500 professionnels ont suivi la formation Pro-Paille. Tous les industriels forment à leurs produits (par exemple l’Ecole Nationale du Chanvre de BCB Tradical).
Des associations locales ou nationales de promotion des matériaux (comme Oïkos, CD2E), des pôles de compétitivité et certains négoces spécialisés (par exemple Eco Saint Habitat) proposent eux-aussi des formations plus ou moins ciblées.
Adressées à tous les acteurs de la construction, des sessions courtes, comme celle du CSTB sur une journée, offrent de balayer le contexte réglementaire et normatif et les spécificités des isolants biosourcés, pour une prescription adéquate.
Apprendre à distance
La formation en ligne se développe ; citons en exemple le Biomooc «découvrir le bâtiment biosourcé », est un cours en ligne gratuit et ouvert à tous développé par Karibati et Ville & Aménagement Durable. Ou le Mooc Construction Chanvre réalisé par Mooc Bâtiment Durable, qui permet de mieux appréhender l'utilisation du chanvre dans la construction et la rénovation. A noter : Le portail des matériaux biosourcés recense les formations dispensées par divers organismes (www.vegetal-e.com). |
Le NF DTU 45-11 intègre la ouate de cellulose
Les procédés d’isolation thermique de plancher de combles perdus, par soufflage de laine minérale en vrac ou de ouate de cellulose en vrac à base de papiers de journaux broyés sont dorénavant assujettis à la norme NF DTU 45.11, publiée le 12 mars 2020. La ouate de cellulose devient un produit d’usage courant, éligible aux aides financières liées à la rénovation thermique des bâtiments.
En attendant la mise en application de ce DTU, le CSTB a mis en place une Appréciation Technique de Transition (ATT) qui permet aux acteurs de continuer à utiliser les procédés dans de bonnes conditions d'application.
L’Ecima** publie « Dix bonnes raisons d’isoler sa maison avec de la ouate de cellulose », téléchargeable gratuitement sur ecima.net/livre-blanc © Isocell |
L’interview d’expertJean-Pierre Buisson : « circuit court et origine France garanti »
Comment le marché des isolants biosourcés a-t-il évolué ces deux dernières années ?
La part des biosourcés dans l’isolation des bâtiments reste de l’ordre de 8 à 10 %, avec une progression des ventes qui est stable, et Isonat suit cette tendance. La fibre de bois, qui représente 80 à 85 % du marché, bénéficie largement des augmentations de volumes. L’ITI est majoritaire, mais la part de l’ITE augmente significativement, ce qui explique la bonne santé des produits en fibre de bois, qui traitent aussi bien les deux. De plus, parmi les biosourcés, seule la fibre de bois peut répondre à la demande de sarking, qui se développe en France.
Quelles sont les perspectives pour Isonat ?
Au sein de Saint-Gobain, nous avons les moyens d’anticiper les réglementations. Le groupe souhaite développer ses produits biosourcés pour aller dans le sens de la RE 2020. Même sans avoir encore d’éléments précis sur leur évaluation dans les calculs, les isolants biosourcés seront présents. Et nous sommes bien placés : 100 % d’origine française, nos fibres de bois sont issues d’un circuit court.
L’usine de Mably, qui a une ligne de production supplémentaire depuis peu, est approvisionnée dans un rayon de 50 km. Deux de nos gammes disposent d’un avis technique ; ce sont les seules du marché pour le moment. Cela leur confère une assurabilité nécessaire pour accéder aux marchés publics. En 2020, d’autres produits, probablement sous ATec, complèteront ces gammes.
Quels sont les axes d’amélioration que vous privilégiez ?
Ces derniers mois, notre produit phare, le Flex 55 Plus, a gagné le lambda le plus bas du marché, une coupe du produit facilitée, une plus grande maniabilité et un Atec. Nos produits d’ITE ont quant à eux une résistance mécanique accrue. Saint-Gobain Recherche travaille pour développer des produits très novateurs ces prochaines années.
Tout est plus facile avec une telle force de développement. Passer d’un mode empirique à une démarche scientifique est très confortable ! Conjugué à une logistique et à des forces commerciales performantes, cela offre des perspectives formidables à notre fibre de bois.
*fondateur et dirigeant d’Isonat, fabricant français de panneaux isolants en fibre de bois et de ouate de cellulose qui a rejoint Isover-Saint Gobain en 2016. |