Photo : Envol BNP, 26 logements sociaux de l’agence François Leclerq, Label BBCA Neuf 2017, phase Conception, niveau Performance. Grâce à la structure bois (planchers, murs, enveloppes en CLT), il stocke 51 kg d’équivalent carbone par m2.© François Leclerc et Vincent Vacker
Le Bâtiment français a mis de longues années à intégrer, au fil des réglementations thermiques, l’enjeu de la performance énergétique. A présent, le monde des décideurs de la construction est confronté au défi du carbone, qui exige de maîtriser des outils et des réflexes tout à fait différents.
L’association BBCA (Bâtiment Bas Carbone), qui porte depuis 2015 la certification du même nom, a sollicité ses membres pour publier en ce début d’été un manuel de 50 pages à l’usage des décideurs. « Ce manuel livre pour ainsi dire le mode d’emploi de la construction bas carbone », explique Hélène Genin, déléguée générale de l’Association BBCA.
Pour se procurer le Manuel BBCA : www.batimentbascarbone.org ©BBCA
Présenté début juillet, ce manuel comble partiellement un vide béant : bien que tout le monde évoque aujourd’hui la construction bas carbone, ainsi que les matériaux bas carbone, notamment dans la perspective de la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), peu de décideurs ont une idée précise de ce que cela signifie en pratique.
Certes, si un maître d’ouvrage décide de se lancer dans cette voie, il trouvera des AMO qui sauront le seconder, notamment ceux qui ont accompagné la centaine de projets désormais labellisée BBCA. L’association BBCA n’en a pas moins jugé utile de diffuser auprès des décideurs une présentation, non pas du label en lui-même, mais plutôt des enjeux de cette révolution de la construction.
Hélène Genin, déléguée générale de l’Association BBCA : « Ce manuel livre pour ainsi dire le mode d’emploi de la construction bas carbone ». ©BBCA
Le mot introductif de Jean Jouzel met l’accent sur le poids carbone de la construction dans les années à venir au niveau mondial, pour mieux faire comprendre à quel point la construction bas carbone est d’une importante décisive, en France comme dans le monde. L’introduction qui suit insiste sur l’importance de la part des émissions de carbone en phase construction, c’est-à-dire, avant tout, le coût carbone des composants physiques d’une construction.
On sait que cette part est considérable à tout point de vue, qu’elle devient d’autant plus prépondérante que la consommation d’énergie à l’usage des bâtiments est mieux maîtrisée. Les sources peu actuelles auxquelles le manuel se réfèrent parfois à défaut montrent cependant à quel point cette approche peine à être prise en compte.
Ainsi, même la Stratégie Nationale Bas Carbone accuse actuellement un retard en matière de prise en compte de l’émissivité de la construction. Les mentalités évoluent d’autant plus lentement que les outils disponibles sont eux-mêmes biaisés, comme ces Analyses de Cycle de Vie (ACV) qui ne prennent pas en compte le stockage biogénique des matériaux de construction et se basent sur le principe qu’un matériau biosourcé sera brûlé 50 ans après sa mise en œuvre dans une construction, annulant sa fonction de stockage.
En d’autres termes, si le Bâtiment avance vers une prise en compte nécessaire du niveau d’émissivité de la construction, il le fait aujourd’hui avec des outils insuffisants qui troublent la perception des enjeux, des niveaux de performance et des objectifs. Les défis pour la RE2020 sont de taille si l’on veut corriger le tir.
31 logements et un commerce en R+6 par Woodeum avec l’agence Sylvie Solvet Architecte, Label BBCA neuf 2018 Phase Conception, niveau excellence. Façades, planchers et murs de refends en CLT dans les étages, crédité d’environ 200 kgeqCO2 par m2 de surface de plancher© Thibaut Voisin
Dans cet imbroglio, l’association BBCA est en train de monter en puissance comme pôle de compétence sur la construction bas carbone en France. L’association rassemble les plus grands spécialistes de ces questions, bénéficient de retours d’expérience de plus en plus nombreux et franchit donc actuellement, avec son manuel, un premier pas vers la vulgarisation, même si l’élégant ouvrage est pour l’instant réservé aux décideurs de la construction.
Le manuel comprend entre autres un choix de fiches d’opérations, la liste exhaustive étant disponible en ligne sur le site de BBCA. Les principes d’action sont clairement énoncés et illustrés, faisant comprendre l’urgence d’un changement de paradigme, tout en tâchant de fournir des indications précises, notamment sur le temps de travail supplémentaire engagé par une approche bas carbone, de l’esquisse à la livraison.
Ce qui manque encore, c’est une opération-type qui permettrait d’évaluer dans les détails les choix constructifs, quitte à mettre en lumière les difficultés d’appréciation et les contradictions.
Un exemple d’opération labellisée en BBCA Rénovation, phase Réalisation, niveau Excellence : 102 logements avec Oise Habitat et l’agence Lair et Roynette, ITE en fibre de bois, coton dans les rampants.©Alexis Toureau
La publication du manuel intervient alors que Julien Denormandie, dans ses fonctions ministérielles précédentes, avait fixé en février dernier des objectifs environnementaux aux 14 EPA qui émaillent inégalement le territoire.
Outre les aménageurs publics au sens large, elle s’adresse notamment aux promoteurs qui vont devoir changer d’urgence leur paradigme éculé de densification urbaine. Du moins, s’ils veulent rester dans la course face à la nouvelle orientation environnementale des grandes agglomérations. Et, bien sûr, face aux enjeux du choc climatique.