Né de la loi du 19 décembre 1990 et de la volonté des constructeurs de maisons individuelles de s’engager pour la qualité et la protection du consommateur, le CCMI fête ses 30 ans. Un anniversaire qui a été évoqué le temps de la séance plénière de la Convention nationale 2020 du nouveau Pôle Habitat-FFB organisée dans l'auditorium de la SMABTP.
Rappelons que dans les années 80, marquées par un vide juridique et l’absence de protection du consommateur, la construction de maisons individuelles prolifère en France. « Les défaillances de constructeurs avec son cortège de drames familiaux sont également nombreuses dans cette période » rappelle Loïc Vandromme, président du Groupe Hexaom.
La profession (avec son syndicat UNCMI) milite alors pour changer la législation avec la création d’un contrat spécifique : le CCMI. Nouveautés : il intègre un prix global et forfaitaire, une grille de paiement, une garantie de livraison à prix et délais convenus, la garantie dommages-ouvrage, et un interlocuteur unique.
Surtout, la garantie de parfait achèvement vient désormais protéger l’acquéreur en cas de défaillance du constructeur. Une garantie qui « coûte » non seulement pour le constructeur mais aussi pour l’acquéreur. Elle a donné naissance à une nouvelle profession, celle de garant (assureurs ou banquiers) qui se substituera au constructeur défaillant pour achever l’ouvrage.
Avantage : en s’imposant à une profession et en la structurant, le CCMI a aussi fait croître la part de marché des acteurs de la construction de maisons individuelles. « Une part de marché évaluée en moyenne à 65 % pour les Cmistes, le restant, soit 35 % étant détenue par les maîtres d’œuvres, dont les architectes » évalue Bruno Perse, directeur marché CMI de SMABTP et directeur de développement de GGI Bâtiment.
Le directeur marché note par ailleurs que cette part de 35 % de contrats en maîtrise d’oeuvre comporte son lot de faux maîtres d’œuvre. Faute de garantie, certains peuvent mettre en danger les accédants à la propriété mais aussi fragiliser certains Constructeurs en exerçant une concurrence déloyale avec des prix revus à la baisse (sans la garantie Dommage-ouvrage).
Pour faire face à cette dérive, la profession estime qu’il est important de communiquer encore davantage auprès des banques et notamment, former leurs « back offices » sur les spécificités du CCMI. Une formation destinée à distinguer les vrais contrats de CCMI des contrats prétendus tels et n’offrant pas les mêmes garanties.
Complet et très formel, avec sa notice descriptive (qui intègre le foncier), « le contrat CCMI impose par ailleurs beaucoup d’anticipation de la part des constructeurs", souligne Bruno Perse. « Ce qui s’avère complexe à gérer, notamment en ce qui concerne le lot branchements, car les taxes locales de raccordement et d’aménagement sont difficiles à estimer plus d’un an avant la livraison de la maison » reprend le constructeur Loïc Vandromme.
Le formalisme du contrat a d’ailleurs suscité une abondante jurisprudence, relève Gwenaëlle Durand-Pasquier, professeur de droit à l’université de Rennes. « Ce formalisme parfois difficile à respecter génère un chantage à la nullité » explique Mme Durand-Pasquier qui estime que la jurisprudence s’est toujours montrée très protectrice vis-à-vis du maitre d’ouvrage, donc l’accédant à la propriété.
Le contrat a su cependant s’adapter aux demandes du marché en intégrant de nouvelles formes de construction, dont la Préfabrication (avec fourniture, pose et assemblage d’éléments préfabriqués sur le chantier pour réaliser l’ouvrage -article 65 de la loi Elan du 23 novembre 2018-).
C’est aussi la loi Elan qui impose depuis le 1er janvier 2020, l’étude de sol obligatoire pour les maisons individuelles situées en zone argileuse avec un zonage, enfin défini par arrêté à la mi-août 2020, après un imbroglio cet été sur la date d’entrée en vigueur du dispositif.
Pour autant, peut-on aller plus loin avec le CCMI ? Les attentes en personnalisation de la maison obligeront de toute évidence les constructeurs à « sortir » des catalogues de produits conventionnels pour satisfaire leurs clientèles, soulignent les intervenants de cette journée de réflexion. En effet, la trop forte standardisation du produit peut rebuter les futurs acquéreurs.
« Il est difficile de tout prévoir en amont quand on veut construire. On peut citer l’exemple de la crise sanitaire du Covid-19 qui a obligé les familles à aménager des espaces de travail au sein de leurs logements. Car le contrat met surtout l’accent sur le produit Bâtiment et non sur la prestation et l’occupant » constate Gwenaëlle Durand-Pasquier.
Enfin, le CCMI peut être aussi complété au vu de l’évolution du marché, à commencer par celui de la rénovation. « La cour de Cassation a jugé qu’en cas de grosse réhabilitation, le CCMI ne pouvait pas s’appliquer » relève Gwenaëlle Durand-Pasquier.
Or, le marché de la rénovation énergétique globale, promue par les pouvoirs publics dans le cadre du Plan de relance Bâtiment (extension des aides à la rénovation), risque de générer de nombreuses demandes de travaux… non couverts par un contrat « protecteur » comme celui du CCMI.
Sur ce marché, il n’existe pas en effet de gros ensembliers ni de garantie d’achèvement de travaux. Avec son corollaire : la porte ouverte aux arnaques vis-à-vis des particuliers (avec les offres alléchantes des travaux de rénovation à 1 euro). D’où l’idée des Cmistes de s’adapter aux enjeux de la rénovation globale. « Il faut aller plus loin sur le marché de l’ancien car le domaine des grosses rénovations n’a pas connu la révolution du CCMI » indiquent les intervenants.
Les challenges à venir sont nombreux pour la profession, concluent les constructeurs : la densification et les exigences de la construction verte (avec l’objectif gouvernemental du zéro artificialisation) constituent de sérieux écueils, notamment en termes d’acquisition du foncier, plus contrôlée à l’avenir.
Il leur faudra aussi et en tant que constructeur s’adapter à la réglementation environnementale RE 2020 (toujours en cours d’écriture) et aux conséquences de la crise sanitaire et économique qui oblige à accélérer la digitalisation du métier avec le travail à distance.
Mais il faudra aussi personnaliser au maximum les prestations et accentuer le travail de communication auprès des clients, sans oublier les banques et les notaires. Enfin, de nouvelles compétences numériques devront être acquises par les constructeurs avec la maîtrise de logiciels de dessins, de configurateurs de maisons et d’outils de chiffrage sans oublier le BIM…
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy