La transformation de bureaux en logements est une tarte à la crème qui revient régulièrement, mais plusieurs éléments sont aujourd’hui réunis pour créer une conjoncture éminemment favorable.
Tout d’abord, même si la pandémie a redonné un attrait aux petites villes et à la vie à la campagne, la demande de logements demeure forte dans les grandes villes, tant en accession à la propriété qu’en location libre ou sociale.
Ensuite, selon l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière (IEIF), qui a publié le 11 janvier une étude sur « l’impact potentiel du télétravail sur le parc et la demande de bureaux en Île-de-France », le stock de bureaux vide est déjà important et va continuer de croître au cours de 10 prochaines années.
Selon Xavier Lépine, président de l’IEIF, 6 millions de m² de bureaux seront libérés en France d’ici 2030. En 2020, souligne-t-il, seulement 1,3 Mm² de bureaux ont fait l’objet d’un nouveau bail, contre 2,3 Mm²/an en moyenne. Et, en 2020, l’offre de bureaux a augmenté de 36%.
Avant la pandémie, 1 Mm² de bureaux étaient structurellement vacants en Île-de-France. Auxquels il faut ajouter environ 1 Mm² de non-loués en 2020 et 1 Mm² de bureaux neufs mis sur le marché en 2020. Quelle part de ces bureaux pourrait être transformée en logements ?
Emmanuelle Wargon, visitant une opération de transformation de bureaux en logements, rue Planchat à Paris dans le XXème arrondissement, le 19 janvier dernier, annonçait que son ministère allait entreprendre un recensement des bureaux vides d’ici mi-février. Elle estimait à environ 1 Mm² la surface de bureaux transformable en logements, tout en soulignant que personne n’a de réponse précise sur ce point pour l’instant. ©PP
Troisièmement, Xavier Lépine indiquait que jusqu’à présent, la transformation de bureaux en logements n’était pas économiquement rentable. Le marché des bureaux se portait bien ces dernières années et leur rentabilité était élevée pour les Maîtres d’Ouvrage, plus importante que celle des logements locatifs.
De plus, la transformation de bureaux en logements, en raison des réaménagements qu’elle impose, entraîne la perte de 10 à 15% des surfaces louables dans un bâtiment. Enfin, les municipalités n’étaient pas toujours favorables à cette transformation. Elle conduit à une augmentation de population, donc à une demande d’équipements publics accrue – écoles, crèches, etc. – que les communes ne sont pas toujours prêtes à assumer.
Mais, Covid aidant, la conjoncture s’est durablement renversée au détriment des bureaux. L’IEIF estime que la rentabilité financière des logements locatifs est désormais proche de celle des bureaux. Novaxia, une entreprise créée en 2005, s’est fait une spécialité de la transformation de bureaux en logements.
Rue Planchat à Paris, Novaxia a surélevé d’anciens ateliers construits en 1927, ajoutant 3 niveaux pour un coût total de travaux de 15 millions d’Euros, passant de 1371 m² à 2000 m². ©PP
Novaxia https://www.novaxia.fr/ a eu l’idée, avec quatre assureurs-vie – AG2R La Mondiale, Generali, Suravenir et Spirica - de créer Novaxia.R, un fonds en assurance-vie pour le « recyclage d’immeubles de bureaux en logements ».
Le fonds doit encore être validé par l’AMF (Autorité des Marchés Financiers). Le 19 janvier, les quatre assureurs, les dirigeants de Novaxia, les deux ministres présents – Emmanuelle Wargon et Olivia Grégoire, Secrétaire d’Etat à l’économie sociale, solidaire et responsable – et Emmanuel Grégoire, premier adjoint au Maire de Paris, semblaient tenir pour acquise l’autorisation de création de Novaxia.R.
Pourtant, le 21 novembre 2019, l’AMF avait imposé à plusieurs entités du groupe Novaxia, une amende de 600 000 € pour divers manquements. Cette affaire n’est pas terminée, puisque Novaxia et Joachim Azan, son fondateur, ont déposé plusieurs recours contre cette décision.
Le 7 janvier 2021, la Cour d’Appel de Paris a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité déposée par les sociétés Novaxia Développement, Novaxia Gestion et Novaxia dans le cadre de leur recours formé devant la cour d’appel de Paris contre la décision de l’AMF. Un recours a également été déposé devant le Conseil d’Etat en février 2020. La décision est toujours attendue.
Ces obstacles mis à part, les assureurs-vie sont intéressés par l’investissement en immobilier en raison de la baisse du rendement des placements monétaires en Euros. L’assurance-vie en France représente 47 millions de contrats individuels et environ 1 800 milliards d’Euros d’encours.
Rue Planchat, des balcons ont été ajoutés à chaque niveau existant. La surélévation bénéficie de terrasses et de balcons filants. ©PP
Novaxia.R qui sera géré par Novaxia Investissement, une entité du groupe Novaxia, affiche comme ambition de permettre aux épargnants d’investir, à travers leurs contrats d’assurance-vie, dans le logement issu du recyclage de bureaux vides.
Novaxia.R vise un objectif de performance de 5% par an, la collecte et l’investissement de 1 milliard d’euros en trois ans, une performance de 5% par an et la production de 4000 logements. La performance sera notamment atteinte en « captant la baisse de valeur des bâtiments de bureaux vides ».
Novaxia souligne que transformer des bureaux existants en logements n’augmente pas l’artificialisation des terres. Le groupe est devenu une société à mission, comme le permet l’article 176 de la loi du 22 Mai 2019, dite Loi Pacte.
Cet article permet à une société de faire publiquement état de la qualité de société à mission en précisant sa raison d'être, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.
Novaxia a inscrit 4 objectifs dans ses statuts :
La transformation de bureaux vides en logements bénéficie d’un large soutien : celui de la Ministre Emmanelle Wargon, de la Secrétaire d’Etat Olivia Grégoire, Secrétaire d’Etat à l’économie sociale, solidaire et responsable, celui des assureurs-vie à la recherche de rentabilité pour leurs investissements, celui de la Ville de Paris qui souhaite accélérer cette transformation. ©PP
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris le caractère vertueux de la démarche, le fonds Novaxia.R vise le label ISR Immobilier. Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) est un label d’Etat créé en 2015, soutenu par le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, qui vise à mettre en valeur les fonds gérés de manière transparente et intégrant les enjeux ESG (Environnement, Sociaux et de Gouvernance) dans leur gestion.
A travers des critères ESG précis et des exigences en matière de communication et de transparence, le label ISR immobilier aspire à transformer durablement le secteur de l’immobilier. La dernière version du label ISR, entrée en vigueur le 23 octobre 2020, le rend accessible à des fonds immobiliers non cotés.
En novembre 2020, l’AFNOR a délivré les trois premiers labels ISR à des fonds immobiliers : l'OPCI BNP Paribas Diversipierre, la SCPI Fair Invest de Norma Capital et la SCPI Neo de Novaxia Investissement.
Bref, le fonds Novaxia.R accumule les démarches vertueuses. La banque Sofim, du groupe BPCE, a rejoint les quatre assureurs-vie. Le fond sera ouvert à tous les assureurs vie. Les particuliers pourront investir à partir de 100 €.
La Ville de Paris va lancer un Appel à Projets pour massifier la transformation de bureaux en logements. Elle s’apprête à proposer, avec l’aide de la Préfecture de Région, une ingénierie administrative pour hâter cette transformation en facilitant les démarches administratives : la modification de la destination des bâtiments, le financement, etc.