RTE, la filiale d’EDF qui gère en temps réel le réseau de transport d’électricité pour, à tout moment, assurer l’équilibre entre production et consommation.
RTE maintient et développe le réseau haute et très haute tension (de 63 000 à 400 000 volts) qui compte plus de 100 000 kilomètres de lignes aériennes, plus de 6 000 kilomètres de lignes souterraines, 2 800 postes électriques en exploitation ou co-exploitation et 51 lignes transfrontalières.
Le réseau français, qui est le plus étendu d’Europe, est interconnecté avec 33 pays. En tant qu’opérateur industriel de la transition énergétique, RTE doit donc absolument raccorder les installations de production d’électricité, quels que soient les choix énergétiques futurs.
L’étude Futurs énergétiques 2050 publiée le 25 octobre par RTE peut se résumer en 18 points. Commençons par le dernier : quel que soit le scénario retenu pour l’évolution du mix de la production d’électricité en France, il n’y a pas de temps à perdre et il faut s’y mettre tout de suite.
Ensuite, considérons le calendrier. Pour 2030, dit RTE, le moyen le plus sûr pour atteindre les objectifs du nouveau paquet européen « Fit for 55 » ou « -55% net » en Français, soit la réduction de 55% des émissions carbone en Europe, c’est d’accélérer considérablement le développement des énergies renouvelables matures, tout en prolongeant la vie des réacteurs nucléaires déjà en service.
Ce que RTE appelle ENR matures, c’est l’éolien, le photovoltaïque, avec stockage en batteries, et l’hydraulique. L’hydrogène vert n’est, à juste titre, pas considéré par RTE comme une technologie mature, susceptible d’un déploiement à une échelle telle qu’il ait un impact significatif d’ici 2030. ©PP
Pour 2050, souligne RTE, le système de production d’électricité en France peut atteindre la neutralité carbone à un coût maîtrisable, mais non sans une transformation de l’économie française et des modes de vies des français, ni sans une profonde restructuration qui permette à l’électricité de remplacer les énergies fossiles dans un grand nombre d’usages.
RTE plaide à la fois pour une réduction de la consommation grâce à un accroissement de l’efficacité énergétique et pour une large substitution des énergies fossiles par l’électricité.
RTE souligne que la consommation d’électricité doit baisser, mais que celle de l’électricité va augmenter pour se substituer aux énergies fossiles.
RTE appelle à une réindustrialisation du pays en électrifiant les procédés, de manière à réduire l’empreinte carbone du pays. Mi-2021, selon l’Ademe, les énergies fossiles représentent 60% de l’énergie finale consommée en France. Les transports, notamment devront évoluer vers l’emploi de véhicules électriques ou vers l’association hydrogène + pile à combustible. ©PP
RTE souligne qu’atteindre la neutralité carbone est impossible sans un très important développement des ENR dans la production d’électricité.
Mais, en même temps, indique RTE, se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique un rythme de développement des ENR nettement plus rapide que ceux que l’on observe dans les pays européens les plus dynamique dans ce domaine.
Un point favorable, souligne RTE, est que les coûts du photovoltaïque, de l’éolien sont devenus parfaitement compétitifs, notamment les grands parcs solaires au sol et les parcs éoliens en mer.
Se passer de nucléaire implique également de construire des centrales thermiques fonctionnant à l’aide de gaz décarbonés, comme l’hydrogène vert. Si le nucléaire devient minimal ou disparaît, ces centrales thermiques à l’hydrogène seront multipliées, tout comme le coût de production de l’hydrogène vert. ©Hydrogène de France
En tout état de cause, rappelle RTE, il faudra massivement développer les stockages d’électricité hydrauliques (remplir les barrages en heures creuses lorsque des capacités PV ou éoliennes sont disponibles, installer de vastes stockages en batteries et développer également les stockages sous forme d’hydrogène derrière des électrolyseurs alimentés en électricité vert. ©PP
Mais, créer un « système hydrogène bas-carbone » performant est un atout pour décarboner certains secteurs difficiles à électrifier, et une nécessité dans les scénarios à très fort développement en renouvelables pour stocker l’énergie
Nombre d’incertitudes demeurent cependant. Pour commencer, les scénarios à très hautes parts d’énergies renouvelables, ou celui nécessitant la prolongation des réacteurs nucléaires existants au-delà de 60 ans, impliquent des paris technologiques lourds pour être au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050.
Deuxièmement, la transformation du système électrique doit intégrer dès à présent les conséquences probables du changement climatique, notamment sur les ressources en eau, les vagues de chaleur ou les régimes de vent
Ce qui, dit en langage RTE diplomatique, peut se traduire plus brutalement par : c’est pas gagné d’avance.
La présentation de RTE a immédiatement suscité des réactions. Pour sa part, le réseau action climat France, qui rassemble 26 organisations du Secours Catholique au réseau sortir du nucléaire, en passant par Hespul et Greenpeace, souligne que parmi les 6 scénarios étudiés par RTE, 3 font appel à des mix énergétiques purement ENR avec différentes répartitions dans le mix et sur le territoire : une dès 2050 et deux autres en 2060 avec une part résiduelle d’énergie nucléaire en 2050.
Donc, dit action climat France, nous avons le choix entre poursuivre le nucléaire ou aller vers 100% d’ENR. Et c’est une filiale d’EDF qui le dit. De plus, souligne ce réseau, la sobriété énergétique doit être fortement boostée. Le réseau rappelle que depuis 2015, l’Etat s’est fixé comme objectif de diviser par deux la consommation d’énergie en France à l’horizon 2050. La politique des petits gestes ne suffira pas. Et le rythme de déploiement des ENR doit être sérieusement accéléré.
De plus, estime action climat France, le développement de nouvelles installations nucléaires ne sera pas assez rapide pour avoir un impact d’ici 2030 et ni même d’ici 2050 et présentera des coûts très élevés sans doute sous-estimés dans l’étude RTE.
Après tout, commencé en 2007, l’EPR de Flamanville devait être mis en service en 2012 et le sera au mieux fin 2022. Son coût initialement évalué à 3,3 Md€, atteindra selon EDF 12,4 Md€. Pas de quoi envisager sereinement la construction de 6 nouveaux EPR, d’une conception encore différente de celui de Flamanville.
Action climat France estime que la campagne électorale qui commence constitue une bonne opportunité pour tenir un débat public sur ces questions énergétiques. ©PP
Depuis six ans, plusieurs études ont confirmé la faisabilité d’un scénario 100% ENR pour le mix électrique français en 2050. Trois d’entre-elles sortent du lot.
La première a été le scénario de l’Ademe paru en 2015. Ce scénario montrait la possibilité technique de plusieurs mix de production d’électricité équilibrant la demande, heure par heure, avec une production issue de 80 à 100% d’ENR, assortis d’une maîtrise de la demande et notamment de la pointe.
La seconde étude, tout récemment parue, est celle de l’association négaWatt qui montre la possibilité d’un mix 100% ENR, tout en atteignant la neutralité carbone en 2050.
Enfin, une étude de trois chercheurs du CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement), parue en 2020, a porté sur les coûts d’un scénario à base de 100% d’ENR. Elle indique un coût moyen de production pour l’ensemble du système de 48,64/MWh. Le stockage représentant en moyenne 15 % du coût total.
L’étude de RTE ne sera conclue qu’en 2022. La publication des principaux résultats en Octobre 2021 est destinée à nourrir le débat public.