Quand on est Vendéen, pourquoi se mettre à scier du bois alors qu’il n’y en a guère à la ronde ? Et pourquoi, au lieu de compenser ce surcoût comparatif de l’ordre de 20 euros le m³, se met-on en tête de développer un Carrefour international qui ouvre grand la porte aux fournisseurs étrangers ? C’est l’histoire des Piveteau, et plus précisément de Pierre Piveteau qui a patiemment développé, en collaboration avec Nicolas Visier, patron de l’interprofession bois des Pays de la Loire, Atlanbois, ce CIB - en principe biennal - qui dépasse cette année la barre des 600 exposants venus des cinq continents avec une affluence que la première journée inscrira sans doute déjà dans les annales.
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Le CIB est aussi la grande présentation internationale de la filière française du bois, et cela tombe bien car cette filière devient centrale en Europe.
Quant au groupe familial Piveteau, le scieur est parallèlement devenu le premier en France avec une capacité de sciage de plus d’un million de m³, et surtout la meilleure présence sur les segments du bois collé, des panneaux CLT, du mobilier de jardin et du négoce que le groupe réalise par son propre réseau.
Cette année, Pierre Piveteau a cédé l’organisation du CIB à son jeune frère Jean, de 17 ans son cadet et aux manettes du groupe. Jean Piveteau remplace comme président du salon Mme Bonnin, rare patronne féminine d’un constructeur bois, LCA (Les Chantiers de l’Atlantique), dont la trajectoire est tout aussi impressionnante et qui a fait l’objet d’une visite du premier ministre en juillet 2021, avec Piveteau, quand la décision a été prise d’accorder 100 millions d’euros d’aides supplémentaire à cette filière française du bois.
Le CIB s’est toujours tenu à sa propre stratégie, ne pas vendre des stands trop grands, ne pas intégrer les machines à bois, ne pas combler les espaces avec des exposants chinois comme d’autres grands salons nationaux du BTP ont pu le faire. Peu importe d’être au 20 heures ou de forcer la visite de ministres parisiens. Il ne s’agit pas de grandir coûte que coûte, la barre des 10 000 visiteurs professionnelle est franchie depuis longtemps et le nombre de stands garantit une parfaite visibilité de la scierie française, particulièrement fidèle à l’événement qui lui convient parfaitement.
Hexakit, nouveauté Piveteau dont l'écrin est le CIB.
L’offre s’étend bien sûr au bois d’œuvre, aux panneaux, au parquet et à des accessoires. Au CIB, on trouve aussi de nombreux exposants de l’ingénierie, tous les traders et importateurs, à peu près toute la filière institutionnelle du bois, et un nombre impressionnant de réunions dédiées, institutionnelles ou non, avec des formats d’une grande variété : conférences un peu comme au Forum Bois Construction, plateaux télé et autres formules de réflexion collective.
En contrepartie, le CIB, ou Timber Show, se réserve toujours une marge de progression sensible, car il reste toujours à faire pour développer la présence européenne et mondiale sur un marché immense et tellement disparate, ou pour en faire un moment mondial de compréhension du secteur. Cette compréhension est laissée en bonne part à l’initiative des visiteurs.
Si tant est que le CIB assume ce rôle de leader européen, comment est-il possible que les fédérations européennes du bois ne soient pas présentes ? Pourtant le moment serait approprié pour faire un état des lieux d’une situation complexe.
Stora Enso, immense acteur du CLT, n'en investit pas moins dans le LVL et lance avec l'entreprise Sybois une contre-offensive technique pour le développement de caissons type Kerto Ripa de Metsä. Encore une fois, rien de nouveau en soi, sinon dans la volonté commerciale convaincante.
C’est Eric Toppan qui s’en charge, l’un des rares économistes de la filière bois française, en charge notamment de la Veille Economique Mutualisée (Le VEM). La période troublée par la pandémie et la crise des scolytes décimant l’épicéa européen n’a pas affecté le moral des scieurs qui sortent d’une période faste comme jamais.
Pour forcer le trait, il y a eu un moment où les scieurs ont mis la main sur des grumes d’épicéa scolyté pour une bouchée de pain et les ont transformées en sciages de qualité vendus à prix d’or notamment aux USA. Et cela à un moment où l’urgence environnementale, et l’inoccupation des bricoleurs confinés, stimulaient le marché française et européen, provocant des tensions proches de la pénurie.
Entre temps, les choses sont un peu revenues dans l’ordre. La matière première bois a fortement augmenté, de même que l’énergie et les produits annexes notamment métalliques, les colles. L’inflation et les délais incertains de livraison n’ont pas vraiment nuit à la demande française, mais Eric Toppan comme d’autres émettent des doutes sur la situation de stagflation qui pourrait s’installer et freiner les affaires. Pas de quoi, pourtant, perturber l’euphorie du salon.
Les organisateurs se sont efforcés de maintenir la continuité par rapport à l’édition de 2018 sur tous les plans, les habitués ont retrouvé leurs repères. Parfois, on se demande ce qui a vraiment changé en quatre ans, sur le plan de l’offre commerciale. Est-ce que le confinement a été consacré à la R&D et au développement de l’innovation ?
Même sur le plan ces grandes tendances commerciales, tout suit son cours, les panneaux CLT bénéficient d’investissements européens qui continuent de l’imposer au marché. Les industriels autrichiens ne cessent de renforcer leur présence mondiale, notamment le groupe Binder qui, depuis l’édition de 2018 du CIB, est devenu non seulement le premier fabricant de panneaux CLT, mais de loin le premier scieur européen, en train de titiller la position bien moins répartie des grands acteurs américains.
Et si, après avoir repris le leader britannique de la scierie, le groupe Binder se prenait d’envie de croquer un leader français ? Chez Piveteau, cela ne suscite pas d’inquiétude, ce n’est pas ce groupe familial en plein développement qui cèderait. Tout de même, les paramètres commerciaux se font sentir, et face à la croissance internationale du leader du CLT, le principal acteur français de ce produit poursuit son développement dans une situation de marché un peu déconnectée par rapport à l’envolée des prix du sciage et du lamellé-collé.
Le CLT fait l’objet d’une forte pression internationale et la progression des prix est contenue, cela contribue notamment à son développement permanent, mais dissuade également les autres grands scieurs français comme Siat, Monnet-Sève, le groupe Moulinvest etc. Le nouvel entrant, X-Lam, développé par la scierie Franc-comtoise Chauvin avec l’appui d’un acteur italien, ne fait pas une entrée en grande pompe et les Suisses-Alsaciens de Schilliger ne sont pas présents au salon.
Par contre, l'offre Hexakit est sans doute la plus marquante de cette édition du CIB, le standard CLT pour toutes les entreprises. Cela existait déjà un peu dans les pays germaniques mais en France, le marché restait calé sur la découpe sur mesure en usine, donc le décalage en amont de la valeur ajoutée. Cette évolution n'est pas pour déplaire à Christian Fanguin de Bois P.E. à Egletons, qui projette dans la foulée de développer des formations pour l'utilisation par tous de ces panneaux, pour lesquels il convient de trouver des outils et des accessoires adaptés.