Une étude scientifique publiée le 30 août dans la revue Nature Communications se penche sur l’intérêt de la construction bois pour combattre le changement climatique d’ici 2100, sur ce que cela signifie en termes de surface plantées d’arbres et à propos de la compétition entre forêts et cultures vivrières à travers le monde.
Ses auteurs travaillent, pour l’essentiel, au sein du PIK (Potsdam Institute for Climate Impact Research), à l’université Humboldt de Berlin et au World Vegetable Center de Taiwan.
Déjà en 2020, plus de la moitié de la population mondiale vivait dans les villes. Selon diverses projections, cette proportion pourrait atteindre 80% en 2100. L’exode rural face à la désertification, même dans le sud de l’Europe, pousse en ce sens.
Si cette projection se réalise, cela signifie qu’il faudra, d’ici 2050, construire en ville plus de logements et de bâtiments de services que tout ce qui a été bâti depuis le début de l’ère industrielle.
En 2020, la production des produits de construction traditionnels, notamment le béton et l’acier, était responsable d’environ 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Face aux énormes besoins des nouveaux citadins, cela vaut le coup de réfléchir à des modes constructifs décarbonés, dont la construction bois. Le bois est un matériau renouvelable et constitue un puits de carbone : le carbone absorbé par photosynthèse lors de la croissance des arbres est partiellement conservé dans le bois employé comme matériau de construction.
La question de l’origine du bois de construction est cruciale. En effet, l’augmentation de la récolte de bois dans des forêts naturelles et le développement rapide de plantations d’arbres destinés à la construction ont un impact négatif sur la biodiversité. ©PP
L’étude publiée dans Nature Communications souligne que si 90% des nouveaux bâtiments construits d’ici 2100 étaient en bois, il faudrait augmenter les surfaces plantées d’arbres destinés au bois d’œuvre de plus de 200% en 2100 par rapport à 2020.
Ses auteurs estiment en effet que l’expansion de la construction bois ne doit absolument pas entraîner de prélèvements additionnels dans les forêts naturellles primaires et secondaires. Mais que toute la ressource nécessaire doit provenir de plantations dédiées à la production de bois d’œuvre.
Au cours de la décennie écoulée – 2010 à 2020 -, environ 2 millions d’hectares de forêt ont été plantés annuellement. Pour construire en bois 90% des nouveaux bâtiments, il faudra planter en moyenne 3,6 millions d’hectares de forêts par an, de manière à parvenir à une surface de forêt plantée de 421 Mha en 2100.
L’étude montre que le développement de la forêt n’entrera pas en compétition avec les cultures vivrières en Europe, mais que ce sera en revanche le cas en Afrique centrale.
Face à l’expansion de la population urbaine, il faudra non-seulement construire des logements, mais aussi des bâtiments de services et des équipements publics : tous en bois également. ©PP
En termes d’émissions de gaz à effet de serre jusqu’en 2100, l’étude calcule une base de 138 Gt de CO2eq d’ici 2100, si on construit comme d’habitude, mais une réduction de 77%, soit 106 Gt de CO2eq économisées si 90% des nouveaux bâtiments sont construits en bois.
Les auteurs de l’étude estiment que le scénario à 90% de construction bois entrainerait une réduction moyenne annuelle des émissions de GES de 1,32 Gt CO2eq entre 2020 et 2100.
Ce qui conduit à un stockage net de carbone dans les bâtiments bois de 53 Gt de CO2eq entre 2020 et 2100 : 12 Gt d’émissions supplémentaires dues à la production du bois d’œuvre, très largement compensées par 65 Gt de stockage dans le puits carbone que représenterait la construction de 90% des bâtiment en bois. ©PP
Les auteurs de cette étude reconnaissent plusieurs limitations dans leur méthode. Premièrement, soulignent-ils, ils ne sont pas en mesure de tenir compte de l’effet du changement climatique sur la production de bois d’œuvre et sur les cultures vivrières.
Ensuite, leur analyse ne porte que sur la construction neuve dans un contexte d’expansion urbaine. Ils estiment qu’une bonne partie de la rénovation lourde, de la surélévation, etc. des bâtiments existants pourrait bénéficier d’un basculement vers le bois.
Ce qui, par conséquent, transforme leurs hypothèses de consommation de bois d’œuvre en une sorte de minimum. Mais même avec ce minimum, si 90% des bâtiments neufs étaient construits en bois d’ici 2100, cela entraînerait une réduction nette des émissions de CO2eq d’environ 106 Gt. Ce qui équivaut à environ 10% des économies de carbone nécessaires pour ne pas dépasser un réchauffement de 2°C d’ici 2100.
Bref, construire en bois, c’est plus rapide, plus propre et encore meilleur pour la planète qu’on le pensait jusqu’ici.
- -
C'est la mérule qui va bien se régaler du bois de ces habitats.