Les éoliennes conventionnelles tiennent au sol au prix d’un énorme radier en béton. Avec le nouveau concept de treillis en structure bois, les fondations sont ponctuelles sous chaque pied et type de pieu. L’impact sur le sol est donc réduit. Parallèlement, la géométrie se veut adaptative car il "suffit" d’ajouter des étages pour aller chercher plus de hauteur et donc plus de puissance, avec des composants légers, facilement transportables.
Il est presque aussi facile de dénigrer la production éolienne que le recours au bois-énergie. Tour à tour, on s’en est pris à la pollution visuelle, acoustique, à la menace en termes de biodiversité à cause des pales qui scalpent les alouettes… Maintenant, c’est le tour de l’émissivité des matériaux utilisés pour les turbines, les pales, le fût et les fondations profondes en béton.
Eolienne à treillis en court de montage, technologie européenne pour la France par Innovent.
En Allemagne, après des années de communication, une TimberTower de 100 mètres à vu le jour près de Hanovre. C’était il y a dix ans. Une autre, plus récente, a été construite dans le Sud de la Suède. Dans les deux cas, le propos est de remplacer le fût métallique par du bois d’ingénierie. La Suède voulait monter à 150 m à l’horizon de 2022, mais nous sommes en 2023 et on n’en entend plus parler.
Par contre, on commence à parler de plus en plus du ZAN, en France, et les éoliennes ne sont pas dans les clous en termes de Zéro Artificialisation Nette. Installer une éolienne dans un champ, c’est couler de profondes fondations en béton qui resteront en place ensuite. C’est une forme de mitage de l’espace qui ne doit pas grand-chose à celui des résidences de maisons individuelles avec leurs dalles. Innovent, le spécialiste français de ce secteur, en est bien conscient.
Comme pollution visuelle, il y a pire.
Il y a quelques années : coup de téléphone d’Innovent à Yohann Jacquier, connu comme ingénieur structure spécialisé en structure bois et "habitué" aux structures de grande envergure. La discussion porte sur les éoliennes en structure bois. Innovent ne veut pas répéter le projet éolien TimberTower. Yohann Jacquier conseille sur les étapes à franchir, les points singuliers d’une telle structure, fatigue, efforts importants, structure exposée aux intempéries. Après quoi, le projet germe chez Innovent.
Initialement, il ne s’agit que d’une machine de taille modeste destinée à faire la vitrine de la société au siège de l’entreprise, situé à Villeneuve d’Ascq. La hauteur est réduite mais le défi intéressant. Yohann Jacquier lance alors les premières idées de treillis en structure bois afin d’envisager plus tard la grande hauteur. Le BE va jusqu’aux plans d’atelier, puis la direction d’Innovent met un terme au projet démonstrateur et d’embraye directement sur trois éoliennes prototypes à usage commercial avec des machines usuelles. Yohann Jacquier : "Cela change tout ! Nous avions une machine réduite avec des efforts importants qu’un tripode savait reprendre. Le tripode ne suffisait plus et il a fallut passer sur un quadripode afin de rester sur des sections de poteaux ‘acceptables’".
Techniquement, le treillis bois aurait pu monter plus haut, mais l'équipe avait des craintes quant au flux aéraulique du vent sur le treillis, qui aurait pu perturber le rendement des machines. Une simulation dynamique aurait permis de lever les doutes, et reste à faire pour l’avenir de l’humanité sur cette planète.
Le treillis bois est assez simple de premier abord. Il est composé de quatre poteaux qui conduisent les efforts principaux du fût métallique vers le sol. Les poteaux sont stabilisés entre eux à l’aide de contreventements qui définissent des étages de tours. Sur le parc d’Essey-les-Ponts, en Haute-Marne, il y a deux éoliennes à six étages, et une plus haute à huit étages en construction. La conception est toutefois similaire en raison de la définition de la forme du treillis.
Au départ, il était prévu de couvrir la structure avec une toile de type ETFE, à la manière d’un jupon. Hors budget, d’où le choix d’utiliser du bois de douglas sans protection ou presque. Un soin particulier a été apporté aux pièges à eaux. Le BE a couvert le minimum possible d’assemblages, étant entendu que la durée de vie souhaitée par le client est de 25 ans. 25 ans, c‘est court à l’échelle de la temporalité normative des ponts (100 ans), des bâtiments (50 ans). Mais 25 ans est la durée de vie associée à la productivité des machines. Il n’est pas exclu que le treillis ait plusieurs vies !
Les assemblages sont le lot de toute construction bois. Transmettre plus de 10 000 kN (kiloNewton) n'est pas courant ! Il s’agit du deuxième assemblage dans le monde avec cette capacité pour une structure bois. Il a donc fallu croiser les données pour proposer un assemblage à forte capacité tout en restant compact. Yohann Jacquier a déjà retenu pour les deux premières éoliennes d’ores et déjà montées des assemblages brochés et frettés, et pour la dernière, projetée avec BG Ingénieurs-conseils, des assemblages par goujons collées. La différence entre ces types d’assemblages provient essentiellement des entreprises ayant réalisés ces structures.
Les deux premières éoliennes fonctionnent respectivement depuis 2019 et 2021. La troisième est en cours de montage. Des suites sont possibles. Compte tenu de sa forme, une tour visitable serait aussi envisageable ! Certains parcs éoliens sont situés dans des zones avec de très belles vues. Un lieu mixte, sorte de machine productive d’énergie renouvelable, afin de comprendre d’où provient l’électricité de nos foyers, et de lieu pédagogique d’observation de la nature.