L’un de nos récents articles sur la visite d’une usine de production de PSE a suscité à la fois critiques et franches insultes. Nous avons donc décidé de regarder les isolants d’un œil froid : à travers leurs FDES (Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire).
L’idée est simple : peut-on évaluer la vertitude d’un isolant thermique en fonction de sa résistance thermique ? Sur le site de la base INIES, on trouve 1.869 FDES sur l’isolation thermique. Celles que l’on doit utiliser dans un calcul RE2020, par exemple. Elles sont toutes réalisées dans des conditions très normées, puis vérifiées par des acteurs certifiés pour cela. Mais 1869 FDES, c’était à la fois un peu trop pour les analyser toutes et dépourvu de signification, puisque les emplois de l’isolation font appel à des matières aux caractéristiques très différentes.
Nous nous sommes donc concentrés sur un seul emploi : les isolants thermiques et acoustiques pour mur en ITE (Isolation Thermique par l’Extérieure), plus que 264 fiches.
Dix matières isolantes sont listées dans le chapitre ITE de la base INIES :
Ces dix matières pour l’ITE sont proposées sous forme de produits par 19 marques différentes, de ETEX France Building Performance (Siniat) à Soprema SAS, en passant par Gramitherm Europe SA, Gutex, Hirsch France, Knauf, Knauf Insulation, Saint-Gobain Isover, Parexlanko, Rockwool, …
Comme on peut le remarquer, la paille ne figure pas dans la base INIES pour un emploi en ITE.
Parmi les FDES des produits consacrés à l’ITE sur la base INIES, ont trouve des résistances thermiques de 2 à plus de 6 avec des épaisseurs très différentes. Nous avons donc, pour donner un sens aux comparaisons, restreint les résistances thermiques à un intervalle compris entre 3,5 et 4,7 m².K/W.
Nous avons retenu deux critères pour comparer les isolants entre eux : la contribution au réchauffement climatique exprimé en kgCO2eq et l’utilisation totale des ressources d’énergie primaire non renouvelables, exprimée en MJ. Nous avons retenu seulement les FDES "hors fixations" et "hors accessoires de pose" pour ne pas introduire de distorsions. Toutes les FDES, en effet, ne prennent pas en compte les accessoires et fixations.
Au bout du compte, il nous reste 35 FDES sur des produits consacrés à l’ITE, sans accessoires ni fixations, dont la résistance thermique est comprise entre 3,5 et 4,7. Les FDES prennent en compte la fabrication, la vie en œuvre et la fin de vie des produits, soit leur cycle de vie en totalité.
Il restait un point épineux. Toutes les FDES sont calculées pour 1 m² d’ITE, mais la plupart sont données pour une Durée de Vie de Référence (DVR) de 50 ans, sauf la FDES de produit en verre cellulaire dont la DVR atteint 100 ans. Pour que notre comparaison soit valable et ramenée à 100 ans, nous avons donc multiplié par deux la contribution au réchauffement climatique et la consommation totale d’énergie non renouvelable, puisqu’une DVR de 50 ans signifie que pour atteindre 100 ans de vie en œuvre, le produit sera remplacé une fois.
Notre analyse présente tout de même un défaut, que nous n’avons pas surmonté : la prise en compte de tous les autres composants (fixations, bardages, enduits, etc.) pour obtenir un système d’ITE complet peut parfaitement changer le résultat
Première considération, pour des résistances thermiques peu différentes, allant de 3,5 à 4,7 m².K/W et pour une DVR de 100 ans, les produits d’origine biologique – laine et fibre de bois, herbe ensilée – sont nettement avantagés du point de vue de la contribution au réchauffement climatique exprimé en kgCO2eq, montrant tous des résultats négatifs en raison du fait qu’ils constituent un puits de carbone. Avec une consommation totale d’énergie renouvelable de 17,62 MJ sur 100 ans et une contribution négative de -11,02 au réchauffement climatique, l’herbe ensilée est la solution offrant l’empreinte environnementale la plus faible. ©PP
En termes de consommation d’énergie primaire non renouvelable, certaines fibres de bois, la mousse phénolique, le polyuréthane sont particulièrement mal placés. Un produit en fibre de bois peut offrir un résultat négatif en termes de contribution au réchauffement, mais atteindre une consommation d’énergie primaire non renouvelable de 626 MJ sur 100 ans, contre 522 pour le pire des PSE (R = 3,5) et 348 MJ pour le meilleur PSE (R = 3,85). La meilleure des laines de bois en termes de consommation d’énergie primaire non renouvelable sur 100 ans atteint 504 MJ, mais offre un résultat négatif de <-21,4 kgCO2eq en ce qui concerne sa contribution au réchauffement.
Second enseignement, le procédé de fabrication précis des produits pèse lourds. Clairement, des PSE avec des résistances thermiques comparables de 3,5 et 3,85 atteignent des consommations d’énergie primaire non-renouvelable en MJ très différentes, passant de 528 à 342 MJ.
Troisième constat, les laines de verre sont plutôt globalement bien situées, avec des consommations d’énergie non renouvelable de 135,2 à 316 MJ pour des R de 3,8 à 4,7 et des contributions au réchauffement climatique de 4,86 à 16,8 kgCO2ep sur 100 ans.
Le verre cellulaire n’est pas mal situé non plus, surtout lorsqu’on se souvient qu’il est parfaitement insensible à l’humidité : R = 4,62 pour 19,1 kgCO2eq et 329 MJ.
L’axe vertical porte les consommations d’énergie primaire non renouvelable pendant 100 ans, en MJ. L’axe horizontal affiche la contribution au réchauffement en kgCO2ep pendant 100 ans. Clairement les matières dont la contribution au réchauffement est la plus faibles – à gauche – ne sont pas nécessairement celles qui consomment le moins d’énergie primaire en 100 ans, à l’exception de l’herbe ensilée. ©PP
Toutes les comparaisons au-dessus ne tiennent pas compte du système complet pour réaliser une ITE : fixation, protections, bardages, enduits, etc… La prise en compte de tous ces composants était trop compliquée pour nous, avouons-le, mais pourrait remettre en cause les hiérarchies fondées sur les seules FDES des produits d’isolation thermique par l’extérieur. ©PP
Il reste encore bien autres aspects à prendre en compte dans le choix d’un isolant thermique : ses émissions de COV, sa réaction au feu, sa réaction aux moisissures, sa résistance à la traction, à la diffusion de vapeur, etc. ©PP
Voici toutes les FDES que nous avons retenues, rangées par consommation croissante d'énergie primaire sur 100 ans :
Nom du produit | Marque | Matière | Résistance thermique en m².K/W | Réchauffement climatique en kgCO2eq sur 100 ans | Utilisation totale des ressources d'énergie primaire non renouvelables (MJ) sur 100 ans |
GRAMITHERM® 160 (v.1.3) | Gramitherm | Herbe ensilée | 4 | -11,02 | 17,62 |
Cladirol 35 Plus 133 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre MW | 3,8 | 4,86 | 135,2 |
Isofacade 35R Voile de verre noir 140 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre MW | 4 | 5,8 | 151,8 |
Isofacade 35R 140 mm (v.1.3) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre MW | 4 | 5,38 | 158,6 |
Cladirol 35 Plus 154 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de Verre MW | 4,4 | 5,72 | 159,4 |
KNAUF INSULATION Laine de Verre ECOSE SmartFaçade 35 R 140 mm (v.1.3) | Knauf Insulation | Laine de verre MW | 4 | 5,56 | 172,4 |
KNAUF INSULATION Laine de Verre ECOSE SmartFaçade 35 BR 140 mm (v.1.2) | Knauf Insulation | Laine de verre MW | 4 | 9,02 | 208 |
CLADIPAN 32 110 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre MW | 3,45 | 13,68 | 216 |
CLADIPAN 32 130 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre MW | 4,1 | 16,8 | 266 |
Rockglace 140mm (v.1.1) | Rockwool | Laine de roche MW | 4 | 8,02 | 270 |
CLADIPAN 32 150 mm (v.1.2) | Saint-Gobain Isover | Laine de verre | 4,7 | 20 | 316 |
FOAMGLAS T3+ (Epaisseur de 130 mm) (v.1.1) | Pittsburgh Corning France | Verre Cellulaire | 3,62 | 19,1 | 329 |
Sto-Panneau Isolant Top 31 120 mm - Panneau d’isolation en polystyrène expansé contenant des particules de graphite - (accessoires de pose exclus) (v.1.1) | Sto | PSE graphité | 3,85 | 14,8 | 348 |
Ecorock Duo PR 140mm (v.1.2) | Rockwool | Laine de roche MW | 4 | 41,4 | 368 |
Cellomur® Ultra - Graphipan® 31 - Solichape® Ultra - Stisol® Bardage Ultra 140 mm (v.1.1) | Hirsch France | PSE | 4 | 13,54 | 370 |
Cellomur® Ultra - Graphipan® 31 - Solichape® Ultra - Stisol® Bardage Ultra 140 mm (v.1.1) | Hirsch France | PSE | 4 | 13,54 | 370 |
Cellomur® Ultra - Graphipan® 31 - Solichape® Ultra - Stisol® Bardage Ultra 140 mm (v.1.1) | Hirsch France | PSE | 4,5 | 13,54 | 370 |
Cellomur® - Stisol® Bardage - Stisol® Veture - Stisol® 50 160 mm (v.1.1) | Hirsch France | Mouse Phénolique PF | 4,2 | 15,04 | 418 |
Cellomur® Fondation 1,2m - Terradall® MI - Stisolétanch® BBA - Stisol® Th36 120 mm (v.1.1) | Hirsch France | PSE | 3,35 | 15,66 | 432 |
PARNATUR ISOLANT FIBRE DE BOIS 145 mm d’épaisseur, R = 3,70 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.2) | Parexlanko | Fibres de bois | 3,7 | -21,4 | 504 |
Panneau d’isolation en fibres de bois PAVAWALL® SMART 145 mm d’épaisseur, R = 3,70 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.2) | Soprema | Fibres de bois | 3,7 | -21,4 | 504 |
Graphipan® 30 - Maxissimo® - Stisolmur® Ultra BA RC120 100 mm (v.1.1) | Hirsch France | PSE | 3,25 | 18,74 | 512 |
Isover ETICS 35 140mm (hors accessoires de pose) (v.1.1) | Saint-Gobain Isover | Laine de roche MW | 4 | 29,2 | 520 |
Maxisol® - Stisoletanch® Access - Cellomur® Fondation 3,8m 120 mm | Hirsch France | PSE | 3,5 | 18,34 | 522 |
Panneau d’isolation en fibres de bois Pavawall® GF et GF XL 140 mm d’épaisseur, R = 3,50 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.3) | Soprema | Fibres de bois | 3,5 | -24 | 540 |
GUTEX Thermowall-L® (v.1.1) | Gutex | Fibres de bois | 3,82 | 5,14 | 544 |
PARNATUR ISOLANT FIBRE DE BOIS 160 mm d’épaisseur, R = 4,1 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.2) | Parexlanko | Fibres de bois | 4,1 | -23,4 | 556 |
Panneau d’isolation en fibres de bois PAVAWALL® SMART 160 mm d’épaisseur, R = 4,1 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.3) | Soprema | Fibres de bois | 4,1 | -23,4 | 556 |
Kingspan Kooltherm K5 (v.1.1) | Kingspan | Mousse Phénolique | 4,05 | 26,8 | 764 |
Panneau d’isolation en fibres de bois ISOLAIR® et ISOLAIR® MULTI 180 mm d’épaisseur, R = 4,35 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.2) | Soprema | Fibres de bois | 4,35 | 6,66 | 802 |
Kingspan Kooltherm K15 (v.1.1) | Kingspan | Mousse Phénolique | 4,05 | 42 | 826 |
Panneau d’isolation en fibres de bois ISOLAIR® et ISOLAIR® MULTI 180 mm d’épaisseur, R = 4,35 m².K/W (hors accessoires de pose) (v.1.2) | Soprema | Fibres de bois | 4,35 | 6,66 | 802 |
Kingspan Kooltherm K15 (v.1.1) | Kingspan | Mousse Phénolique | 4,05 | 42 | 826 |
MULTISOL 110 140 mm (v.1.2) | Isonat SA | Laine et Fibres de bois | 3,45 | 6,56 | 922 |
MULTISOL 140 160 mm (v.1.3) | Isonat SA | Fibres de bois | 3,8 | 8,16 | 1316 |
Bonjour, Cette étude est très intéressante, mais je ne comprends pas bien comment fonctionne le premier tableau. Je vois bien qu'il y a 35 isolants différents (puisqu'il y a 35 lignes orange et 35 lignes bleues), mais il n'y a pas une dénomination (par exemple laine de verre ou fibres de bois) par ligne. Il y a 18 dénominations, ça ne correspond même pas à une ligne sur 2... Pouvez vous m'éclairer svp ? Merci ! Cordialement, Guilhem Biglione
Le choix des nombreux paramètres analysés dans une FDES vient d'une norme européenne. En revanche, pour utiliser la FDES, un référentiel est indispensable. La RE2020 a choisi la contribution globale au réchauffement climatique. Mais on pourrait imaginer un autre référentiel destiné à protéger la biodiversité, par exemple, qui mettrait en avant la contribution à l'eutrophisation des eaux de surface. Les laines de verre sont fabriquées à partir de verre fondu. Mais, pour l'énergie consommée, un four verrier fabrique une énorme quantité de laine de verre, elle aussi constituée de beaucoup de vide entre les fibres.
question de béotien: pourquoi l'administration considère-t-elle différemment la contribution au réchauffement climatique exprimé en kgCO2eq et l’utilisation totale des ressources d’énergie primaire non renouvelables, exprimée en MJ? Pour un même combustible, la production de CO2 devrait être sensiblement proportionnelle à la quantité d'énergie utilisée. Quel est l'intérêt de mettre en exergue la quantité d'énergie utilisée, le plus important reste à mes yeux la contribution au réchauffement climatique? je suis toujours étonné des performances de la laine de verre. À ma connaissance, le procédé de fabrication nécessite une combustion à très haute température.
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GuilhemB, le premier graphique montre que pour différents produits, parfois constitués d'une même matière, comme le PSE, par exemple, selon le mode de fabrication et selon la résistance thermique de l'isolant, les consommations en énergie sur 100 ans, tenant donc compte d'un ou plusieurs renouvellements en oeuvre, sont très différentes.