Photo : Le Village des athlètes des JOP 2024 Paris mis en exergue au Forum de Nancy © Pascal Gontier
A Epinal et à Nancy, si l’on s’en tient au programme des conférences et aux réalisations présentées, le BTP est déjà devenu largement du bois-terre-paille. Les éditions précédentes ont préparé le terrain depuis les premières conférences de Benoît Rougelot de Landfabrik, devenu ensuite pendant de longues années le président du Réseau Français de la Construction Paille (RFCP). Il suffit de regarder comment ça continue à bétonner partout en France pour pointer une belle illusion. Le Forum, petite chapelle sectaire de la construction française, hors sol ? Sans doute. L’exploitation d’un peu plus de 200 appels à projets aurait pu façonner un autre programme, en insistant notamment sur l’incroyable essor des grands bureaux en bois et donc des constructions en bois collés.
13 février, le strip-tease de la flèche de Notre-Dame continue. Début avril, on n'enlèvera pas encore le bas. Bouquet final dédié à la charpente de Notre-Dame, vendredi 5 avril, Nancy.
Il est vrai que le programme du Forum accentue toujours l’émergent. Les établissements scolaires en bois sont une banalité comme le recours au BLC (bois-lamellé collé), et comme les maisons individuelles d’architectes, passives ou non. Le tout venant est considéré comme connu et le focus se déplace vers de nouvelles facettes, ne serait-ce que pour ne pas sombrer dans l’ennui. Il n’en demeure pas moins que certaines tendances sont évidentes, comme le recours à la paille ou au chanvre, en complément de la fibre de bois, de la ouate de cellulose ou d’autres isolant biosourcés crédités désormais de 10% de part de marché, tendance grimpante. Tout aussi impressionnant est l’intérêt pour la terre crue sous toutes ses formes, tandis que l'architecte Dominique Gauzin-Müller voit pointer la pierre et rebaptise son concours international Fibra en Materia.
L’égérie de la Frugalité heureuse et créative modère à Nancy l’atelier A2 centré sur la rénovation, que les frugaux appelle la réhabilitation. Vers la réhabilitation frugale ? Le compère frugal de Dominique, Philippe Madec, donne le ton. Certes, il s’agit d’éviter que le secteur de la rénovation, non astreint en principe à des seuils de carbone, ne devienne le nouvel exutoire de l’énergie grise et la réhabilitation une tarte à la crème. L’atelier n’est cependant pas une démonstration frugale, mais une confrontation de projets de réhabilitation avec une réflexion sur la frugalité. L’intitulé parle bien d’un horizon plus ou moins lointain, et pas d’une réalité actuelle. Les principes même d’une réhabilitation frugale ne sont même pas établis, que ce soit en termes de taux de transformation, de matériaux, de performances thermiques, de coût, d’esthétique, de réversibilité.
L'Insa de Strasbourg, exemple de réhabilitation... frugale ? Atelier B2, jeudi 4 avril, Nancy. © Image Cosa-RHB
Le Forum attend de pied ferme les premières réhabilitations avec installation de pré-façades techniques en bois, permettant de créer des loggias, de gérer les apports solaires, d’occulter les installations techniques et même de faciliter la permaculture et une approche bioclimatique. Pour l’heure, les PLU interdisent largement cette approche dans un cadre urbain, du moins côté trottoir. Conserver le bâti maçonné comme volant d’inertie et structure porteuse fait sens et ouvre un large champ à la construction biosourcée comme surélévation, extension et comme façades qui ne sont plus les ITE courants.
Outre l’atelier A2, la 13e édition du Forum comprend 17 ateliers d’au moins 1h30, plus un atelier collaboratif, trois sessions inaugurales de 3 heures chacune et trois plénières dont ressort cette année le bouquet final consacré à la reconstruction de la charpente de Notre-Dame, quasiment achevée le 5 avril prochain, moins de 5 ans après l’incendie. Reconstruire à l’identique dans un délai court n’a pas été une sinécure. Mais les équipes ont disposé, dans le cas des ouvrages du 19e siècle, d’un vaste corpus d’informations et de dessins. A présent, l’heure est à la rédaction d’une histoire technique de la reconstruction de la charpente, afin de servir aux générations futures.
Paille porteuse et construction en terre crue font bon ménage à Queven. Atelier C6, vendredi 5 avril, Nancy. © Aurélien Lepoutre - DLW Architectes
Comme à Lille en session inaugurale en avril dernier (voir le flipbook Batirama de l’édition 2023 du Forum), les conférences ne donnent qu’un faible aperçu de la complexité du travail accompli, ni des débats qui ont émergé de la notion de reconstruction à l’identique. Avoir rebâti la charpente médiévale selon les critères d’époque, et la charpente du 19e siècle avec le même respect, c’est un exploit tant pour la maîtrise d’œuvre que pour les rebâtisseurs. Dans cette année olympique, cela va susciter un fort intérêt international et créer un précédent.
L’usage du bois pour réduire les émissions de carbone de l’édition 2024 des Jeux olympiques et paralympiques à Paris est moins voyant. Mais l’effort entreprit à tous les échelons pour limiter les émissions de carbone, notamment du Village des Athlètes, en recourant le plus possible au bois, est tout aussi éloquent et massif. Tandis que l’atelier A1 du Forum de Paris, en juillet 2021, avait dessiné les pistes de l’usage du bois par lot, l’atelier A5 du vendredi 5 avril revient sur ce canevas et mesure le chemin pratique accompli, avec de belles photos qui illustrent un chantier qui ne sera pas accessible avant deux ans. Dans les deux cas, Notre-Dame et le Village ont été d’immenses laboratoires qui aboutissent et se terminent en 2024 et posent la question de l’avenir.
Apparemment, le grand laboratoire qui démarre est celui de la protection des constructions biosourcées contre l’incendie. Tandis que, depuis le 10e Forum, la doctrine des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris coexistent avec la loi, et que pèse depuis un an sur la filière l’épée de Damoclès d’un arrêté ERP destructeur, il n’est pas exclu que la construction biosourcée ressorte de tout cela par le haut.
L’optimisme est également possible quant à la conjoncture, car les déboires de la maison individuelle et de la promotion immobilière de logements n’impactent pas toujours un secteur qui bénéficie de l’élan général de la RSE, d’investissements massifs et d’un tissu qualifié de fournisseurs, de donneurs d’ouvrage, d’architectes, d’ingénieurs, de constructeurs, de chercheurs, bref, ceux qui se retrouvent chaque année au laboratoire convivial du Forum pour y retrouver la présentation de ce qu’ils ont projeté ensemble pendant l’une des éditons précédentes.
Télécharger le programme complet en PDF ici.
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L'apparence est bonne. J'aimerais que mon quartier ressemble à cela.