Lors du dernier salon de l’agriculture, le ministre Marc Fesneau avait dévoilé les lauréats des différents appels à projets consacrés au bois construction durant ces deux dernières années. Grâce au programme européen NextGenerationEU, la France soutient, via l’ADEME, des investissements qui tutoient le milliard d’euros.
Amandine, Tristan, Mathilde sont venus de Paris à vélo pour réduire l'empreinte carbone du Forum. Ils ont eu le droit de planter chacun un arbre sur la table de replantation du Forum, destinée cette année au reboisement de deux parcelles domaniales autour d'Epinal. © Jonas Tophoven
De la première transformation jusqu’à la construction bois en passant par l’isolation biosourcée, les investissements français sont massifs et visent plusieurs objectifs : améliorer la balance commerciale en redéveloppant une filière forêt-bois intégrée, placer la construction bois française en position de répondre à la demande d’une économie de la construction décarbonée, et faire face à la grave menace pesant sur le capital carbone accumulé par la forêt française. C’est ce dernier aspect que le Forum a mis en exergue avec son thème général : "stocker le carbone".
La session d’ouverture du Forum, le jeudi 4 avril au centre Prouvé de Nancy, faisait la place belle à l’étude que la filière Forêt-Bois a commandée à Carbone 4, afin de mieux identifier les flux carbone de la transformation du bois. En contrepoint, la veille, lors des sessions inaugurales d’Epinal, une session 1 consacrée à la forêt, dans le grand amphithéâtre de l’école d’ingénieur ENSTIB, avait culminé avec les explications de Christian Couturier de Solagro quant à l’évolution des scénarios Afterres.
Sophie Chénel, de Procédés Chénel, s'est inspirée pour le stand VIP du Forum de l'aspect printanier du square Jean XXIII, avec ses cerisiers du Japon en fleurs et ses tilleuls. Par ailleurs, le stand montrait une innovation qui va faire parler d'elle : un peu à la mode de Shigeru Ban, des rouleaux de carton de récupération se couplent à des éléments charnière en contreplaqué Infrasystem. © Michel Laurent
L’un des trailers du Forum, consacré précisément aux ateliers de ce 13e congrès, reprenait l’évaluation du stock carbone de la forêt présenté par Carbone 4, soit 4,8 milliards de tonnes, en précisant que cela représente environ huit émissions françaises annuelles. Laisser la forêt se détruire, c’est nous détruire aussi.
Construire biosourcé, c’est la meilleure façon de préserver le carbone forestier menacé, parce que le stockage de carbone se poursuit sur une très longue durée. Mais il faut remplir pour cela un certain nombre de conditions : pratiquer une gestion durable de la forêt, adaptée autant que possible au changement climatique en cours, transformer le bois en limitant les émissions de carbone, construire biosourcé en réduisant le risque d’incendies, et en développant des systèmes constructifs qui permettront le réemploi du bois, si possible sans déclassification. Parallèlement, les constructions doivent permettre non seulement de traverser des hivers de moins en moins rigoureux, si possible sans chauffage, maisaussi d’affronter des étés implacables sans recourir à des solutions émissives.
Test des caractéristiques mécaniques d'un épicéa scolyté avec le Sylvatest 4 sur le stand CBS-Lifteam (mécène) de l'espace d'exposition du Forum Bois Construction de Nancy. © CBS-Lifteam
Le Forum s’enorgueillit de baser sa programmation sur des appels à projets de réalisations actuelles. Pourtant, ce qui est livré début 2024 a souvent été programmé bien avant la RE2020, et souvent retardé par les vicissitudes de la Covid. Alors que le changement climatique s’accélère, le risque est grand de ne plus parvenir à tenir le rythme. On peut programmer un atelier sur la réhabilitation frugale, mais où sont les doubles façades ? C’est ce qui a déterminé les organisateurs à flanquer les ateliers d’une Tribune de l’Innovation au cœur de l’espace d’exposition, beaucoup plus réactive. En avril 2023, à Lille, la première version avait séduit suffisamment pour la reproduire en procédant à un appel à projets. Pour Nancy, cet appel à très bien fonctionné et les congressistes ont eu la possibilité de découvrir pendant les deux jours de congrès nancéen près d’une quarantaine d’innovations.
Demain, les architectes construiront avec des cloisons sèches à ossature bois de Bouygues ou des cloisons en terre de Saint Gobain. Mais la visée de la Tribune est surtout illustrée à Nancy par la question du réemploi du bois structurel. Toute la construction bois moderne est basée sur le développement des bois collés. Or, les assureurs rechignent à valider le réemploi de ces bois en structure porteuse. On peut certes en fabriquer des meubles, comme l’Atelier du Pont dans le cadre de sa rénovation de l’Académie Fratellini. Mais il s’agit d’un réemploi dégradé. L’atelier C4, qui aborde à Nancy le matin du 5 avril la question du réemploi du bois structurel, confirme l’issue positive du colloque d’Ekopolis à l’Académie du climat de Paris : il ne s’agit pas encore de techniques courantes, mais on peut discuter et certains interlocuteurs spécialisés font tout pour aller dans cette direction.
La Tribune des innovations ne concerne pas seulement des innovations de produits, mais également des démarches comme celle adoptée par le fabricant de panneaux de particules Elka pour aller vers la neutralité carbone. © Jonas Tophoven
Dans cet esprit, l’arrivée de la 4e génération du Sylvatest de CBS-CBT, version app, pourra contribuer à banaliser le réemploi structurel. Il ne s’agit plus pour le Forum d’attendre des évolutions lentes qui engendreront les premières constructions livrées dans cinq ou dix ans, mais de provoquer les évolutions. Le Sylvatest, présenté par Jean-Luc Sandoz dans le cadre de l’atelier C4, faisait également partie des innovations de la Tribune. Sur le stand CBS-CBT, les congressistes pouvaient tester le Sylvatest 4 sur différents types de bois. Un webinaire est programmé le 23 avril pour enfoncer le clou, tandis que l’agence Artbuild pilote une thèse Cifre de Paul-Martin Barbet qui contribuera à éclairer la pertinence de l’usage de cet instrument.
Ce serait bien si l’exemple du Sylvatest pouvait se reproduire sur le terrain de l’acoustique biosourcée ou dans le domaine de l’incendie. Dans l’atelier C1, le groupe des acousticiens bas carbone a présenté les premières mesures acoustiques relative à la construction biosourcée et non tributaires des plaques de plâtres et laines minérales comme cela a été le cas jusqu’ici. Mais tout reste encore à faire pour exploiter les possibilités acoustiques des isolants biosourcés actuels et de la terre. Il en va de même pour les mesures relatives au confort d’été, et bien sûr pour la protection contre l’incendie.
Le public attentif au Bouquet final du Forum, consacré à la reconstruction de la charpente de Notre-Dame. © Michel Laurent
Au congrès de Lille, la programmation d’un atelier sur la protection contre l’incendie avait fait salle comble. L’arrêté qui devait paraître ne l’est toujours pas, et l’atelier réservé B1, modéré par le responsable de l’UICB Dominique Cottineau, n’a pas épluché la copie que le CSTB a remise en début d’année, et qui devrait préfigurer l’arrêté ERP tant redouté. En atelier C2 IBC, Antoine Baugé et Yves-Marie Ligot ont fait le plein en consacrant une bonne heure au même sujet. Parallèlement, le président de FiBois France, Paul Jarquin, ruait dans les brancards, notamment à l’occasion d’une intervention sur le plateau télé du Forum, Bati-journal.
À présent, le président de l’organisme collecteur et redistributeur France Bois Forêt (Contribution "Volontaire Obligatoire"), Jean-Michel Servant a décroché le poste convoité de délégué interministériel pour la filière forêt-bois, et souhaite améliorer la convergence de la politique gouvernementale. Bref, mettre en résonnance les aides de NextGenerationEU et la prévention contre l’incendie des constructions bois. Au Forum, à défaut de faire bouger les lignes, un village incendie et une forte présence des innovations de ce secteur à la Tribune devaient accélérer les évolutions.
Il est de plus en plus fréquent que les réalisations présentées dans les ateliers remontent à des projets ourdis précédemment au Forum grâce à des rencontres entre congressistes. L’atelier B2 sur le hors-site biosourcé était la suite concrète et bâtie de l’atelier B6 du Forum de Nancy 2022, qui avait souligné l’évolution de la construction biosourcée vers la préfabrication. L’édition 2025 montrera peut-être une première opération de réemploi de bois structurel validé avec le Sylvatest 4, tandis que seront révélés les lauréats du nouvel appel à projets de 150 millions d’euros annoncé par le ministre Marc Fesneau dans une allocution de clôture de la session d’ouverture du 4 avril.
La construction biosourcé
Pour la 5e fois à Epinal et Nancy, le Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée, s’inscrit dans la poursuite d’investissements productifs sans précédents.