Construire en bois au plus près de la ressource

Forum Bois Construction 13 Epinal Session inaugurale 1.2

Face à l’internationalisation du marché du BLC d’épicéa, l’attention se porte sur le recours au bois d’ici avec ses nombreuses essences vernaculaires jamais utilisées dans la construction, sans véritable raison.




Au 13e Forum Bois Construction, la session inaugurale 1 d’Épinal, le 3 avril dernier, était consacrée à la forêt, et sa seconde partie à la façon de construire en tenant compte du local. La session a démarré avec la présentation d’une étude conjointe des 3 FiBois du nord de la France, couvrant l’Île-de-France, la Normandie et les Hauts-de-France. Ces derniers ont répertorié des essences secondaires principalement feuillues qui ne sont pas prises en compte actuellement pour la construction. Pourtant, il s’agit souvent d’essences menacées par le changement climatique et qui gagnent à disposer d’une seconde vie en stockant leur carbone à long terme dans la construction.

 

 

 

 

Une richesse française inexploitée

L’étude cite, outre le chêne et le hêtre, des essences comme le robinier, le peuplier, le frêne, l’érable, le bouleau, le châtaignier, le merisier, le charme, l’aulne et le peuplier sauvage. Pour le frêne et le châtaignier, il existe depuis une dizaine d’année un technoguide très bien fait qui explore les possibilités constructives, malheureusement sans aucune incidence sur le marché français. Le peuplier comme essence de construction est fortement soutenu par FiBois HdF et plusieurs architectes lillois. Ce qui transparaît, c’est que la première transformation peine à créer un marché, d’autant que les variétés de peuplier comme le robusta, aptes à la construction, s’épuisent. Mais on oublie souvent les possibilités qu’offre le peuplier sauvage.

 

Les architectes et ingénieurs Goetschy et Cabello, une conférence émouvante. © Forum FBC

 

 

 

Exploiter le robinier des voies de chemins de fer

Le robinier a fait l’objet d’un engouement il y a environ dix ans, à cause de son extraordinaire résistance aux intempéries, qui en fait depuis très longtemps une essence utilisée pour les piquets. Il est toujours question de platelages, mais les bardages en robinier sont une rareté.

 

 

 

 

Pollmeier roi des aulnes

L’aulne a fait l’objet d’une tentative de lancement commercial par Pollmeier, le grand scieur de hêtre allemand. Depuis la guerre, le bouleau manque cruellement à l’industrie européenne, notamment du parquet contrecollé. Parallèlement, comme le montre la session 2.2 d’Épinal, le géant autrichien Hasslacher développe une gamme complète de BLC et de CLT de bouleau, avec des références imposantes.

 

Anne-Sarah Moalic de FiBois Normandie présente " Usages et débouchés pour les essences feuillues secondaires". © Michel Laurent

 

 

 

Le charme de la légion d’honneur

Le charme a été utilisé par l’agence Belus&Henocq pour la rénovation de l’internat de la légion d’honneur à Saint-Denis, soit l’opération où le général Georgelin a fait ses classes avant de reconstruire la cathédrale de Notre-Dame. On pensait que ce chantier mêlant douglas, chêne, épicéa et charme pour les embrasures des portes allait changer la construction bois en stimulant les distinctions et le jeu avec les essences, mais cette piste n’a pas été suivie jusqu’ici. Quant au merisier, il s’agissait toujours d’un bois noble pour l’ébénisterie, totalement laminé par l’évolution internationale vers le mobilier low-cost. Comme on attend depuis des années la renaissance d’un marché pour ce bois délaissé, pourquoi ne pas le tester en construction ?

 

Fanny Cadoret, FIBois Hauts-de-France, intervient pour les trois FiBis du nord et accompagne son collège le modérateur traditionnel des ateliers sur le feuillu, Thomas Baudot. © Michel Laurent

 

 

 

La forêt mosaïque léguée à nos enfants

L’étude des FiBois se place aux prémisses de tout développement pratique et dans la foulée, il serait intéressant de développer et d’analyser des prototypes constructifs testant ces différentes essences, auxquelles il faudrait rajouter le platane et le tilleul. L’idée étant que la résilience des forêts pourrait être augmentée par la mixité, qui protège à la fois les différentes essences sans valeur commerciale, et les essences fortement valorisée que l’on souhaite conserver. Aujourd’hui, la forêt mosaïque prônée par l’ONF est la hantise d’une filière de première transformation qui se demande comment ses descendants vont trier le grain de l’ivraie. Tout change si la connaissance des essences évolue et que le mouvement vers le bois local, fortement engagé, pousse à diversifier le recours aux essences feuillues.

 

L'architecte Jean-Luc Gérard présente le Sylvatum, opération en cours de déplacement de l'école en forêt. © Michel Laurent

 

 

 

Circuit court, temps long

La suite de la session 1.2 se consacre au traditionnel registre pratique des réalisations, en commençant par l’enjeu de la forêt d’exception de Darney-la-Vôge, qui a programmé l’utilisation directe pour la réalisation locale de constructions sous le contrôle de l’ancien professeur de l’ENSA de Nancy Jean-Claude Bignon et du mouvement de la frugalité heureuse et créative à laquelle il adhère. Ce type de développement en circuit court éveille l’intérêt et les attentes, mais on comprend que dans le cas de la première réalisation en cours de travaux, une construction de classes et lieux d’observation scolaire en forêt à Monthureux-sur-Saône, on a attendu pendant trois ans le ressuyage des sciages de chêne. La temporalité de ce type de projets dépasse celle des modes.

 

 

 

Un Algeco de style

L’un des témoignages les plus émouvants de toutes les conférences de ce 13e Forum va dans le même sens. Le tandem d’architecte et d’ingénieur Goetschy et Cabello s'est distingué récemment par une passerelle en bois primée dans le cadre du Prix National de la Construction Bois et présentée au Forum de Lille. Pour la rénovation d’une ferme désaffectée juchée sur les versants des Vosges à 800 mètres d’altitude, le couple réhabilite un petit appentis pour se doter d’une base vie de 17 m2. Les architectes s’inspirent des solutions constructives proches ou lointaines et utilisent les matériaux disponibles au plus proche du chantier. Construire au plus près de la ressource, c’est aussi, ici, profiter de l’ombrage du châtaignier qui surplombe la petite bâtisse l’été et qui laisse le soleil la chauffer l’hiver. Des années plus tard, la réhabilitation de la ferme est toujours en cours et la base vie est également occupée par deux enfants qui n’ont pas à développer le fantasme de vivre dans une cabane. La présentation au Forum, dans cette session, illustre un mode constructif sobre, qui fait également partie de l’équation quand on se projette vers une construction non carbonée.

 

 

 

Le bois communal comme inspiration

Difficile de débattre sur la construction bois au plus près de la ressource sans convoquer l’architecte Etienne Mégard, qui ne cesse de construire en utilisant les essences locales et communales. On lui doit par exemple l’utilisation du chêne rouge. Cette fois pour une salle des fêtes, la commune lui livre de trop gros épicéas et des belles grumes de hêtre. Etienne Mégard mêle les deux essences en utilisant le hêtre à la fois en aménagement et en structure, après l’avoir fait coller chez un producteur voisin de carrelets.

 

L’exemple saisissant ouvre la voie à une architecture bois nouvelle, qui utilise toutes les facettes du bois local et, dans un esprit de sobriété et de respect des usages passés, crée des espaces de vie conviviaux et vertueux.


Source : batirama.com / Jonas Tophoven © Lutz Vladimir

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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