Le chanvre en Vendée : une filière qui pousse fort !

Le nouveau site consacre 8 000 m² à la production de matériaux isolants à faible empreinte carbone, à base de fibres de chanvre. © EJH

Cavac Biomatériaux inaugure une unité de production ultra-moderne en Vendée pour accompagner le développement des isolants en chanvre de sa marque Biofib isolation.




Le fabricant de produits à base de chanvre pour le bâtiment, Cavac Biomatériaux, a inauguré en septembre sa deuxième usine, couronnant une aventure de 15 ans depuis la création de sa filière chanvre.

Opérationnelle depuis avril 2024, l’unité industrielle tourne en 2x8, ce qui a déjà permis de doubler la capacité de production de panneaux isolants Biofib (la marque produit annuellement 1 million de m2). Cet investissement représente un peu plus de 20 millions d’euros, dont 10 % financés dans le cadre de France 2030, via la région Pays de Loire, l’ADEME et la BPI. !

 

 

 

La filière de niche grandit

Les isolants biosourcés, qui représentaient 11 % de part de marché en 2021, gagnent rapidement du terrain. Tanguy Le Cuenff, le directeur industriel, rappelle le rôle des matériaux biosourcés dans les nouvelles réglementations carbone, RE2020 et décret tertiaire mises en place pour décarboner la construction et indique : "Le rythme de fonctionnement de l’usine augmentera au fur et à mesure des besoins."

La ligne de production sera doublée dans un premier temps, en rapatriant d’ici la fin de l’année une partie des machines de l’usine historique de Sainte-Gemme-la-Plaine, distante de quelques dizaines de km. Modernisée et complétée, cette seconde ligne sera installée en parallèle de la première.

 

La parcelle de 11 hectares permet une duplication du bâtiment dans le futur, si nécessaire. © EJH

 

 

 

Une usine dédiée au nappage

La nouvelle unité de production reçoit des fibres végétales ayant déjà subi une première transformation (le défibrage de la paille) dans l’usine de Sainte-Gemme. Les fibres sont prêtes pour le processus de nappage, qui aboutit au panneau isolant prêt à poser.

 

Entièrement automatisée, la ligne nécessite très peu d’opérateurs (chargement des balles de fibres, pilotage de ligne, poste de contrôle, labo pour l’échantillonnage des produits toutes les deux heures, selon la réglementation ACERMI). © EJ

 

 

 

Complexe, le process est aussi confidentiel. Biofib a acquis une expérience précieuse et compte garder sa longueur d’avance face à des concurrents plus récents sur le marché mais qui disposent de moyens bien plus conséquents que Cavac Biomatériaux.

Les fibres de différentes matières (lin, chanvre, coton) et des liants synthétiques sont chargés et envoyés dans la mélangeuse.

 

Quelques-unes des chargeuses, chacune traitant une matière différente. © EJH

 

 

L’ensemble est mélangé et traité de façon à emprisonner le plus d’air possible dans la nappe. Un passage au four à 160 °C permet de thermo-lier les fibres. Diverses étapes permettent d’améliorer la rigidité des produits, qui contiennent plus de 90 % de matières végétales.

 

En sortie de four, le matelas a réduit de moitié, par compression et chauffage. © EJH

 

 

Le produit est taillé en panneaux. © EJH

 

 

Les panneaux sont empilés par des robots et emballés (en utilisant 40 % de plastique en moins que dans le process initial et avec un taux de matière recyclée en augmentation). © EJH

 

 

L’usine compte 7000 m2 de cellules de stockage. © EJH

 

 

 

Des bureaux instrumentés

Installés à proximité de la production, les bureaux sont pour certains monitorés afin de suivre en instantané les performances réelles du bâtiment. Les murs sont composés d’un enduit terre sur béton de chanvre, d’un panneau de structure en fibre de bois, avec enduit chaux côté extérieur. La toiture plate en paille (un procédé novateur) est également monitorée.

 

Des capteurs de température et d’humidité permettent d’étudier le comportement du mur dans son épaisseur. Un capteur de COV, des capteurs d’ouverture de portes et un système de mesure de la température sans rayonnement (température ressentie) complètent le dispositif. © EJH

 

 

Le chanvre, retour sur une aventure de 15 ans

La deuxième usine Biofib isolation est une nouvelle étape du développement de la filière chanvre créée de toutes pièces par le groupe coopératif agricole sud-vendéen Cavac.

En déclin pendant des décennies, la culture du chanvre avait été quasiment abandonnée en France quand en 2009, l’idée de semer des graines de chanvre a germé en Vendée. À l’époque, le prix du blé étant au plus bas, la Cavac cherchait une culture alternative pour compléter les revenus de ses agriculteurs. Soucieuse de tenir compte des problématiques d’environnement en décarbonant et en limitant l’usage de phytosanitaires, la Cavac se lance dans la culture du chanvre et, sans rien connaître du monde du bâtiment, crée une filiale pour transformer le chanvre en produits destinés à la construction (CAVAC Biomatériaux ne représente encore qu’une très petite part du chiffre d’affaires de la coopérative agricole).

En 15 ans d’existence, Cavac Biomatériaux aura investi 12 millions d’euros dans la filière chanvre. Ce faisant, l’entreprise a contribué à faire connaître les avantages des matériaux qu’elle transforme, sous forme de panneaux de fibres isolantes, mais aussi en chènevotte entrant dans la composition du béton de chanvre. Des produit sains et performants, notamment pour le confort d’été, fabriqués localement et certifiés.

 

Cloisons en béton de chanvre (chaux-chènevotte-eau). © Biofib

 

 

Pose de Biofib Trio, le produit phare Biofib isolation. © Biofib

 

 

Du champ au chantier

Seul fabricant de chanvre à intégrer toute la chaîne de valeur, de la culture à la transformation en produits finis, Cavac Biomatériaux a développé un véritable outil industriel pour transformer et valoriser les fibres de chanvre.

Ses deux usines sont approvisionnées par environ 400 agriculteurs (sur les quelque 4 000 coopérateurs) qui, en Vendée et dans les Deux-Sèvres, se sont lancés dans le chanvre, en rotation tous les 4 à 6 ans d’autres cultures conventionnelles (blé, maïs, mogette, etc.). La coopérative rémunère le chanvre plus haut que le cours national.

 

Excellent décompacteur naturel du sol, la racine pivot du chanvre permet d’augmenter fortement le rendement du blé d’hiver, semé immédiatement derrière, sans besoin de travailler la terre (gain de temps ; économie de carburant) .© EJH

 

 

L’intégralité de la plante est valorisée

Sur les 2 400 hectares de chanvre plantés cette année, l’essentiel concerne des variétés sélectionnées pour la fibre (HEMP est actuellement le seul à pouvoir commercialiser les semences en France), contre environ 500 hectares de chanvre-graine, essentiellement destiné à l’huile pour l’alimentation humaine.

De la paille sont tirés trois co-produits :

– les fibres (qui représentent 30 % de la botte de paille) seront pour environ 80 % traitées dans la nouvelle unité industrielle de Sainte-Hermine, pour aboutir, par le processus de nappage, aux divers panneaux ou rouleaux d’isolants commercialisés sous la marque Biofib isolation pour le bâtiment ; une partie des fibres étant par ailleurs destinée à l’industrie (textile, papier, automobile) et au feutre de paillage (Biofib jardin) ;

– La chènevotte, qui entre dans la composition du béton de chanvre, et dont une partie est par ailleurs valorisée en litière, en paillage de jardin, ou encore est intégrée sous forme micronisée à des matériaux composites du type lames de terrasse (des sujets de R&D sont en cours pour d’autres débouchés).

– Enfin, les poussières fines sont valorisées en biomasse énergie.

 

Nicolas Danieau, agriculteur-éleveur et administrateur de la coopérative, a été l’un des précurseurs de la culture de chanvre à la Cavac, en 2009. Il a semé cette année 30 de ses 200 hectares en chanvre. © Biofib

 

 

 

Les atouts de la culture

Semé à partir d’avril-mai sur une terre ressuyée et suffisamment réchauffée, le chanvre couvre très rapidement le terrain, sans apport d’eau. Aucun produit phytosanitaire n’est nécessaire, ce qui contribue à améliorer la qualité des cours d’eau alentours. Seuls les effluents d’élevage et les digestats de méthaniseur sont épandus dans les champs.

 

Culture photopériodique, le chanvre croît fortement quand les jours rallongent (jusqu’à 5 m de haut), puis fleurit en juillet. © Biofib

 

 

Les tiges sont alors coupées en tronçons de 30-40 cm, laissés au sol pour l’étape de rouissage, à l’issue de laquelle les fibres se séparent aisément. © EJH

 

 

Autour de trois semaines sont nécessaires pour la dégradation de la pectine des fibres sous l’action de l’humidité du sol. Puis les tiges sont pressées à l’aide de machines agricoles spécifiques. © EJH

 

 

La transformation industrielle

80 % de la production sont stockés dans les fermes, qui alimentent l’usine en fonction de la planification industrielle. Toutes les parcelles étant échantillonnées, le produit est tracé depuis les bottes jusqu’au produit final.

Selon ses besoins, l’usine ajuste la production en fonction du type de fibres nécessaire, avec de la paille à différents stades de rouissage :  "blanche", "grise" ou "noire".

En fin de campagne, l’usine détermine ses besoins pour la saison suivante et la force commerciale de la Cavac va prospecter pour trouver la surface à cultiver nécessaire. Les techniciens choisissent les variétés de chanvre à cultiver selon le type de valorisation finale. Ils accompagnent les nouveaux producteurs et gèrent la logistique pour obtenir la paille qui convient.

 

Ici, du Biofib trio. © Biofib

 

 

À chaque usine sa part de process

Jusqu’à l’ouverture de la nouvelle usine, l’usine historique installée à Sainte-Gemme-La-Plaine opérait la totalité de la transformation des fibres en panneaux isolants, au travers des process de défibrage puis de nappage. Le process a été amélioré en continu depuis sa mise en service, en 2009 (automatisation de la palettisation et ajout de machines intermédiaires pour améliorer le travail de la fibre).

Fonctionnant en 5x8, elle avait atteint ses limites capacitaires. Dorénavant dédiée au seul défibrage, cette usine repasse en 2x8. Elle sera modernisée dans les années à venir pour accompagner le développement du marché des biomatériaux.

Le défibrage consiste à passer la paille deux à trois fois dans des cylindres qui la broient. Cet affinage permet de séparer chènevotte et fibre. La fibre est mise en ballots (désormais expédiés à Sainte-Hermine pour la fin du process de fabrication des panneaux).

 

Vincent Hannecart, directeur de Cavac Biomatériaux : "Avec la nouvelle usine, une marche supplémentaire est franchie." © EJH

 

 

Anticiper l’évolution du marché

Quasi imputrescibles, les fibres de chanvre offrent une grande résistance et sont recherchées pour leur solidité et leur comportement face à l’humidité. Biofib’isolation privilégie les fibres longues pour obtenir une rigidité optimale qui garantit la bonne tenue mécanique des panneaux. Ces isolants sains, durables, performants, certifiés et à impact positif pour la décarbonation du bâtiment se sont peu à peu fait connaître des professionnels et du grand public.

"Biofib continue de progresser dans un marché du bâtiment plutôt calme où le gros du potentiel concerne la rénovation énergétique", souligne Olivier Joreau, le directeur général adjoint de la Cavac, "les panneaux sont posés autant chez les particuliers que dans les collectivités et depuis peu dans le tertiaire, où les entreprises améliorent leur bilan environnemental avec des biomatériaux. Emmenées aussi par des architectes de plus en plus informés des avantages de ces produits."

Biofib remporte désormais de gros marchés publics, notamment avec son produit phare : le Biofib trio. Ce mélange d’un tiers de chanvre, de lin et de coton issu de chutes de production est l’isolant le plus performant en résistance thermique et en compétitivité.

Grâce à sa capacité à réguler l’hygrométrie, le chanvre joue pour sa part un rôle particulièrement appréciable en inter-saison (en réduisant les problèmes de point de rosée) et dans le confort d’été.

 

Fin de process à Sainte-Gemme : les panneaux de Biofib trio sont emballés. D’ici quelques semaines, les machines de la seconde partie du process (nappage-découpe-emballage) seront transférées à Sainte-Hermine. © EJH

 

 

 

Former plus de poseurs

Face aux besoins croissants de poseurs référents, Cavac Biomatériaux entreprend de réactiver le club d’artisans créé en 2018, qui regroupe ses "ambassadeurs".

Une première formation technico-commerciale de deux jours a eu lieu fin octobre sur le nouveau site de production pour les artisans intéressés. D’autres suivront en région. Il s’agit à la fois d’apporter des réponses et de collecter des retours d’expérience.

 

 

 

Batimat a eu la primeur du nouveau format du Biofib' Chanvre

Ce panneau souple destiné à l'isolation acoustique des parois intérieures de bâtiments neufs ou existants existait en 1250 x 600 mm. La version Spécial Cloison en fait actuellement le seul panneau isolant biosourcé au format 600 x 900 mm (en 45 et 60 mm). Ce qui permet de répondre à la demande récurrente des artisans pour les cloisons dont l’entraxe de l’ossature métallique est de 900 mm, très fréquentes dans les bâtiments de type ERP. Le gain de temps à la pose est de 30 % versus un isolant en 600 mm, car il permet de se passer de découpes (et génère donc moins de déchets). Outre le confort de pose apporté (peu de poussières, sans COV, non irritant, non allergène), le produit dispose d’un Avis Technique et de PV acoustiques et feu. Il affiche la meilleure FDES du marché, avec une empreinte carbone négative (0,23 kg CO2eq pour 1m2 en 45 mm) car le chanvre permet de stocker 15 tonnes de CO2 eq par an et par hectare.



Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson

L'auteur de cet article

photo auteur Emmanuelle JEANSON
Collaboratrice de longue date de Batirama, elle est journaliste indépendante dans la presse pro du bâtiment et de l’énergie depuis ses débuts dans le métier (qui remontent à la dernière décennie du siècle dernier !). Ses sujets de prédilection : tout ce qui contribue à une construction plus soutenable ; les techniques anciennes remises au goût du jour ; les énergies renouvelables ; aller à la rencontre des artisans et de leur quotidien, mais aussi comprendre les enjeux de l’activité industrielle.
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