Béton, pierre massive, bois et béton de chanvre pour 15 logements neufs à Paris

Vue intérieure d'un logement au quatrième étage d'un bâtiment de logements collectifs neuf au 289 rue Pradier dans le 19ème arrondissement de Paris

2750 € HT/m² pour un bâtiment de logements sociaux avec une structure bas carbone exemplaire, une conformité RT2012 - 20 %. Un chantier bien mené grâce à une collaboration entre architecte, BE et entreprise générale.




Ce nouveau bâtiment de 820 m2 SHAB est construit en R+7 sur une parcelle de 278 m2, rue Pradier dans le XIXème arrondissement, avec des bâtiments mitoyens sur les trois faces qui ne donnent pas sur la rue. La rue Pradier est une voie étroite à sens unique : il n’y avait aucun espace de stockage pour le chantier de démolition du bâtiment antérieur, ni pour la construction du nouvel immeuble de 25 logements sociaux. La parcelle est entourée de bâtiments mitoyens sur trois côtés. Bref, c’est une construction parisienne : au chausse-pied. Ce qui d’ailleurs n’a pas été sans mal. 

Le 7 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a débouté un certain M. A qui voulait faire annuler les permissions de voirie délivrées par la Ville de Paris à Seqens, le maître d’ouvrage de l’opération et par ailleurs filiale d’Action Logement. Il soutenait que ces arrêtés étaient illégaux au motif que la Ville de Paris aurait pu délivrer ces permissions à un autre endroit dans la rue Pradier que devant son domicile. Construire à Paris, ce n’est pas toujours facile, mais les contraintes de voirie, de PLU, d’accès sont telles que c’est toujours plus cher qu’ailleurs.

 

De gauche à droite, Adel Birem, chef de chantier chez Tempere Construction, Serigne Tine, directeur de Travaux chez Tempere Construction, Laurent Mouly de LM Ingénieurs et Fabien Brissaud de MAO Architectes. © PP

 

 

Une collaboration exemplaire

Seqens a organisé un concours en 2019, remporté par MAO Architectes, notamment représenté par Fabien Brissaud, qui nous a fait visiter le bâtiment. Il s’agissait de construire 15 logements sociaux sur un terrain situé à Paris rue Pradier. Ce terrain a été acquis le 6 décembre 2018 par France Habitation. En septembre 2019, dans le cadre de la réorganisation des sociétés HLM en Île-de-France, France Habitation, Domaxis et Sogemac Habitat fusionnent pour créer Seqens, un nouvel acteur du logement social

Sur ce terrain se trouvait un bâtiment R+3, longtemps squatté, puis désaffecté. Le permis de construire a été déposé le 23 décembre 2019 et accordé, avec réserve, le 1er septembre 2020. Avec réserve, parce que les terrains sont notoirement complexes, avec de nombreux vides souterrains, en raison des carrières dont on extrayait la pierre pour construire Paris dès le haut Moyen-Âge. En l’occurrence, les travaux ont commencé par un comblement d’un vide souterrain par injection pour un coût de 200 000 € HT.

MAO Architectes (Mobile Architectural Office) s’est associé avec LM Ingénieurs, le BE structure, enveloppe et environnement fondé en 2006 par Laurent et Grégoire Mouly, en associant leurs compétences respectives en structure et thermique. Espace-Temps était le BE fluides, VPEAS l’économiste et Clarity Studio, le BE acoustique. Tempere Construction a été retenue en tant qu’entreprise générale. Tempere est spécialisée dans les petits chantiers de 3 à 10 M€, mais complexes à mener. 

Lors de notre visite de l’opération, le 7 avril 2025, Fabien Brissaud de MAO Architectes et Laurent Mouly de LM Ingénieurs ont beaucoup insisté sur deux points qui leur semblaient cruciaux. Premièrement, ils ont déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises et chaque opération est l’occasion d’une étroite collaboration dans laquelle, LM Ingénieurs co-dessine les détails d’exécution avec les architectes, après une concertation approfondie. Et les deux organisations s’en félicitent. Deuxièmement, ils ont déjà aussi travaillé avec Tempere Construction en tant qu’entreprise générale, notamment sur d’autres projets en bois et pierre massive, et n’ont pour elle que des compliments.

 

 

 

Une façade sur rue en pierre de Noyant, en ossature bois sur la cour

La structure porteuse du bâtiment est en béton : poteaux en 20 x 20 cm et dalles béton armé. En revanche, les deux façades sont traitées différemment. La façade sur rue, notamment en raison de la présence d’un bâtiment haussmannien avec une façade en pierre à l’angle de la rue Pradier et de l’avenue Simon Bolivar, est réalisée en pierre de Noyant de 30 cm d’épaisseur, affinée à 20 cm au niveau des tableaux. La pierre de Noyant est une pierre tendre. Les linteaux et les parties particulièrement exposées à la pluie sont réalisée en pierre dure, importée du Portugal.

 

Derrière cette façade autoportante, mais non structurelle et régulièrement agrafée à la structure en béton pour éviter tout risque de basculement, se trouve une lame d’air de 15 mm, puis 30 mm de laine de roche, une ossature bois avec des poteaux de 45 x 120 mm qui contient dans ses coffres 12 cm de béton de chanvre. Côté intérieur, le coffre de l’ossature bois est fermé par des panneaux Fermacell, enduits à la chaux. En phase d’étude, le BE LM Ingénieurs a étudié le comportement hydrique de la façades pierre et béton de chanvre à l’aide du logiciel WUFI. © CyrilleLallement

 

 

La pierre extraite de la carrière souterraine de Noyant dans l’Aisne. Plusieurs kilomètres de galeries, dont les débuts remontent aux extractions du XVI et XVIIème siècles, sont le fruit d’une découpe méticuleuse des blocs bruts, à l’aide de haveuses électriques, au sein même du banc déposé à l’âge du Crétacé supérieur (40 millions d’années). La géologie du Bassin parisien permet ici de travailler hors d’eau, en travaux horizontaux, selon la méthode des chambres et piliers. Les blocs bruts sont ensuite remontés de la carrière au moyen de tracteurs et plateaux, pour entrer ensuite à l’atelier de sciage. Les pierres sont alors taillées sur mesures selon la commande du client, pour établir avec une précision millimétrique les cotes d’assise, de longueur et d'épaisseur de la pierre. À l’aide de scies de grands diamètres, de lames, de chaines et de fils diamantés. © PP

 

 

Les pierres de la façade ont été posées une par une à la main par les équipes de Tempere Construction. © CyrilleLallement

 

 

 

 

Côté cour, le mur de façade est en ossature bois, de type FOB classique en 45 x 145 mm, avec remplissage en béton de chanvre au sens des Règles Professionnelles d’exécution de parois verticales en bétons de chanvre (2024). Le béton de chanvre présente une épaisseur 30 cm avec revêtement par enduit chaux sable côté extérieur, plaque de Fermacell de 12,5 mm côté intérieur. © CyrilleLallement

 

 

Tout cela détermine une résistance thermique R = 2,23 m2.K/W côté rue et de 4,19 m2.K/W côté cour. Les ponts thermiques entre planchers et façades sont traités et aboutissent à Psi = 0,26 W/m.K côté rue et Psi = 0,18 W/m.K côté cour. Ce qui, aux termes de la méthode de calcul RT 2012, donne un Bbio de 47,7 points, soit RT2012 - 34 % et un Cep = 45,7 kWhep/m2, soit RT2012 - 34 %. Le cahier des charges demandait RT2012 - 20 %.

 

Le béton de chanvre a été préparé sur chantier et projeté selon les règles professionnelles par du personnel Tempere Construction particulièrement protégé. © CyrilleLallement

 

 

 

 

Voici à quoi ressemble le béton de chanvre projeté dans les coffres de l’ossature bois côté extérieur sur la cour, avant la pose des panneaux Fermacell. © CyrilleLallement

 

 

Les menuiseries bois sont en pin du nord et fournies par Menuiserie Moreau. Côté cour, les volets roulants sont en aluminium, mais côté rue, ils sont en bois. Ce qui explique le volume inhabituel du coffre de volet roulant. © PP

 

 

 

 

 

Chaudières individuelles gaz sur conduits 3CE

Le chauffage est assuré par des chaudières individuelles gaz (c’était sous la RE2012, ce n’est plus possible en collectif neuf sous la RE2020) à condensation Saunier Duval, raccordées à des conduits coaxiaux 3CE fournis par Poujoulat : évacuation des produits de combustion au centre, apport d’air neuf par le conduit périphérique.

 

Les chaudières Saunier Duval assurent le chauffage et la production d’eau chaude de manière instantanée. Ce qui a permis de les associer à un récupérateur de chaleur sur eaux grises ReQup®-Plus fourni par Gaïa Green. Il récupère la chaleur des eaux grises des douches, baignoires, lavabos et éviers et préchauffe l’eau froide qui alimente le circuit ECS de la chaudière. Comme ce sont des chaudières instantanées, il n’y a pas de ballon de stockage. © PP

 

 

Ce chantier est pratiquement terminé, les premiers locataires arriveront début mai. Le bâtiment contient :

– 4 logements PLS, financés par le Prêt Locatif Social et attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé ;

– 11 logements intermédiaires (LLI). 

 

Le coût global de l'opération est évalué à 8 073 806 euros dont 2 185 184 pour les logements PLS (soit 8 746 euros/m2 de surface utile), se décomposant ainsi :

 

Dépenses en Euros

Logements PLS

Logements LLI

Total

Charge foncière

1 372 110

3 717 135

5 089 245

Travaux

676 870

1 803 529

2 480 399

Honoraires

136 204

367 957

504 161

Total

2 185 184

5 888 622

8 073 806

 

Le total travaux + honoraires se montent à 2 984 560 €. Nous sommes à Paris, la charge foncière, avec 5 089 245 € pour seulement 278 m2, représente 63 % du coût total de l'opération, soit 8 073 806 €. L’opération a été financée par :

– un prêt PLS de 25 ans pour 1 201 851 €, 

– un prêt libre de 5 270 883 €, 

– un prêt Action Logement de 150 000 €, 

– une subvention de l’État de 140 000 €, 

– des recettes de cession de commercialité de 100 000 €,

– et, enfin, 1 211 071 € de fonds propres, soit un total de 8 073 806 €.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi / © Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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