Légende : L’enveloppe blanche réalisée à partir de tuiles blanches est destinée à renvoyer le rayonnement solaire et éviter la surchauffe du bâtiment ©AOO3 Architectes
L’opération de construction Zéro carbone a été engagée par Epamarne (Etablissement public d’aménagement de Marne-la Vallée) en 2015 à Chanteloup-en-Brie. Ici, la construction résidentielle en bois y est une constante avec de nombreuses opérations réalisées.
L’opération étudiée se situe dans la ZAC du chêne St Fiacre, selon le nom de la longue rue qui contourne le vieux bourg par le nord. L’aménagement est confié à Epamarne, le seul des 14 EPA ayant fixé, et ce depuis 2015, un quota de construction de logements avec des matériaux biosourcés.
Plan masse de l’opération Zéro Carbone. Le carré en haut à gauche était au départ destiné à une opération en blocs avec du miscanthus. ©M'cub+A003architectes
Rappelons qu’à Chanteloup, l’option biosourcée est déjà clairement marquée au début de la dernière décennie. En effet, Nicolas Ferrand, directeur général des Établissements publics d'aménagement de Marne-la-Vallée (Epamarne/Epafrance), a établi un quota pour toutes les opérations de l’EPA.
Toutefois, deux parcelles imbriquées doivent permettre de dépasser ces quotas ; la plus petite est retenue pour bâtir un édifice avec des blocs de miscanthus mis au point par Alkern et Calcia. Le miscanthus a été remplacé par les blocs NaturBloc en bois de chez Alkern, projet livré en 2019. Le projet Terre est relancé avec Terralia et l'agence L.Téqui ainsi qu' Alkern qui développe un ATEX sur les bloc en terre comprimée à partir des Terres excavées de l'EPA Marne (site de Montry).
Cependant ce projet n'a pas démarré, le permis de construire n'a pas encore été déposé, a priori ce n'est plus Lifteam. Par contre, à côté de l'opération, Lifteam a livré les opérations bois de Gabrion et de Semeio pour respectivement I3F et Terralia.
En revanche, l’autre parcelle est retenue pour l’opération Zéro carbone. « A l’époque », explique Stéphane Cochet, architecte de l’opération (A003) avec M’Cub, « le nom avait été donné par l’Epamarne pour marquer l’ambition carbone avant le calcul du label carbone E+C-. Rappelons que les anciennes fiches FDES (Fiches de déclaration environnementales et sanitaires) disponibles (NF P 01-010 remplacées par la norme NF EN 15804+A1) présentaient des bilans négatifs pour le bois.
Objectif de cette opération Zéro Carbone : comprimer au maximum le coût carbone du chantier, ce que la maîtrise d’ouvrage a fait notamment pour compenser le recours au gaz qui s’est finalement imposé.
Il s’agit de bâtir 48 logements collectifs et 10 maisons en accession sociale pour le maître d’ouvrage Expansiel promotion, les certifications visées sont : NF Habitat HQE, E3C2, Label biosourcé niveau 3. Le montant des travaux est de 7.77 M€ H.T. (y compris aménagements extérieurs qui pèsent 13%).
La surface bâtie est de 4030 m² SDP. L’opération de conception/réalisation associe un charpentier mandataire, Meha, à deux architectes chargés également de l’exécution, accompagnés de Maya Concept.
Pour le charpentier Meha de Valenton (94), être mandataire d’un tel lot Tous corps d’etat est exceptionnel. Cela lui permet d’interagir dans la conception des bâtiments collectifs et des maisons. Les concepteurs et les charpentiers s’accordent pour recourir le plus possible au bois massif épicéa 300 x 100 mm en madrier (et 145x45 pour l’ossature bois) pour bien utiliser la machine de taille de Méha.
Vue jardin : cette ZAC du Chêne St Fiacre, haut lieu de la construction bois en France, ne manque-t-elle pas d'un chêne que l'on pourrait planter sur ce jardin réhaussé de 1 mètre suite à l’excavation des parkings semi-enterrés ?. ©AOO3 Architectes
Comme Stéphane Cochet l’explique avec Christian Hackel fin 2019 dans une conférence chez Ekopolis, les émissions carbone d’un tel projet sont impactées par 14 causes, mais il y en a environ 7 qui touchent la construction.
Le projet comporte 110 places de stationnement, et 66 places semi-enterrées sont prévues sous les bâtiments collectifs. Ce qui veut dire que les terrassements sont réduits et que la terre excavée crée un terrain plus élevé d’un mètre au centre, qui sera stabilisé à la chaux.
Au sous-sol, les appuis sont réalisés en blocs à bancher, dont les émissions sont moitié moindres par rapport aux murs en béton armé. La structure en bois est créditée, selon les calculs de Stéphane Cochet sur la base d’une comparaison de deux ouvrages de 3e famille, REI60, acoustique et thermique équivalent, de 30 kg/m2 contre 83.
Le poids total de 70 kg/m2 contre 470 kg pour une maçonnerie classique, réduit d’autant les fondations, mais aussi tout ce qu’il faut convoyer pour construire. L’ossature bois, qui intègre des menuiseries à triple vitrage, permet d’assurer une très forte isolation à épaisseur réduite.
Les murs sont bardés, les balcons sont en bois, y compris les garde-corps. Les façades adoptent le bardage prégrisaillé associé à de l’enduit sur fibre de bois. La toiture en fermettes supporte des panneaux photovoltaïques ainsi que des tuiles blanches pour le confort d’été afin de limiter les îlots de chaleur.
Supports d’enduits préfabriqués en biosourcé en attente de montage.©AOO3 Architectes
Selon les calculs de la maîtrise d’œuvre, les planchers en bois à solives, à performance à peu près équivalente, coûtent environ deux fois plus cher que la dalle de béton armée de 20 cm, même si les émissions de gaz à effet de serre augmentent de plus d’un tiers pour le béton.
Malheureusement, on voit peu de solutions de planchers dans le domaine du bois. Les ingrédients habituellement utilisés sont tous anciens, le feuilleté est complexe et surtout peu performant s’il n’est pas parfaitement posé.
Selon Stéphane Cochet : « Acoubois a fait un très bon travail de caractérisation acoustique sur les solutions bois. A Montreuil, sur l’opération Bois Debout, les retours des locataires sont extrêmement positifs, sans compter qu’il y a du confort acoustique qui n’existe pas en environnement béton, notamment concernant les cages de résonnance ».
Les évolutions les plus récentes en matière de planchers bois vont toutes dans le sens de la mixité. Si les produits et les solutions n’évoluent pas vite, la réglementation, elle n’en reste pas là. Ainsi, elle prévoit, depuis le 1er janvier 2021, pour les logements une zone de douche avec un accès sans ressaut. Les dimensions minimales du receveur restent de 0,90 x 1,20 m. Objectif : faciliter l’accessibilité des personnes à mobilité réduite.
La réglementation s’applique aux maisons individuelles à usage locatif et aux logements collectifs en rez-de-chaussée depuis le 1er janvier. Elle s’imposera dès le 1er juillet aux logements collectifs en étages desservis par un ascenseur
La maîtrise d’œuvre du projet Zéro Carbone n’était pas obligée de trouver une solution, mais elle a préféré l’anticiper.
Un plancher en solive permet d’aménager un caisson à destination des douches à l’Italienne.© AOO3 Architectes
Quelle solution mettre en œuvre dans le cadre d’une construction bois, et qui tienne compte des règles de l’Art et des DTU établis ? La solution mise au point par Stéphane Cochet dans ce cadre de conception-réalisation fera date, car elle redonne de l’actualité au plancher à solives et donc à la construction bois de charpentier.
Là où une douche sans ressaut doit pouvoir être installée, le plancher est modifié. Sur le bas, les solives de section inférieure s’appuient sur les solives principales. Par-dessus, un second réseau de solives plus petites, également calé sur les solives principales latérales, supporte le plancher de la salle de bain.
Si la douche sans seuil n’est pas encore requise, disons dans la configuration des enfants qui prennent des bains, alors la baignoire est installée et le siphon est placé dans la partie supérieure en forme de caisson.
Quand les enfants ont grandi et que le parent âgé ne doit pas trébucher sur un seuil, la baignoire est retirée, ainsi que le panneau du plancher sur son lit de solives. Cette réservation est alors occupée par un grand bac en bois ouvert de façon à permettre l’écoulement des eaux usées de la même manière que s’écoulaient celle de la baignoire.
La magie de la transformation d’une salle de bains en douche à l’italienne.©AOO3 Architectes
« Le caisson est posé entre solives de plancher dans une trémie de plancher avec un cadre en bois massif équivalent aux solives et fond de coffrage avec solivettes pour laisser une réservation minimum de 1200 x 900 mm pour la pose du receveur + complexe de ravoirage » précise Stéphane Cochet
A partir de là, le travail du charpentier est terminé, c’est le maçon-carreleur qui intervient. Une partie inférieure de ce bac est rempli d’un ravoirage de type E : Mortier de ciment dosé à environ 325 kg /m3.
Ensuite, ce dernier déroule une Scam (sous-couche acoustique mince), puis noie le siphon et l’évacuation dans un second ravoirage de type D : Mortier ou béton maigre dosé à environ 200 kg de ciment ou 325 kg de chaux hydraulique naturelle par mètre cube de sable sec.
Voici le support conforme au DTU 52.2 (carreleur), dans la mesure où il respecte la flèche requise. Ensuite, le carreleur dispose le receveur de douche prêt à carreler (il y a en existe actuellement deux sous avis technique, Wedi et Jackoboard).
Cette nouvelle solution répond-elle à la réglementation acoustique en vigueur ? Il n’existe pas à ce jour de mesures disponibles mais Wedi va s’en charger dans le cas de l’opération Zéro Carbone. Le fabricant a déjà évalué l’isolation acoustique de la solution avec Scam avec ou sans chape sur support béton, mais pas sur support bois.
Le chantier Zéro Carbone vient vraiment à point nommé pour que le marché dispose au moins de solutions sous garantie décennale avec des indications prochaines de performance acoustique.